Sur la commune des Houches une statue monumentale : le Christ Roi
A 1265m d’altitude, on la distingue à peine dans le paysage, perdue qu’elle est dans l’immensité de la montagne. Il faut être à son pied pour prendre la mesure de cette statue monumentale. Elle mesure 25mètres de haut, pèse 500 tonnes. Imposante, campée sur un éperon rocheux de 50m, elle domine de 200m le fond de la vallée face au Mont-Blanc. A l’époque on devait la voire de très loin, la forêt n’était pas aussi dense qu’actuellement.
Mais quel est donc l’histoire de cette statue inaugurée en 1933 ? Pourquoi à cet endroit dans la vallée de Chamonix une statue du Christ Roi .
C’est un abbé, l’abbé Claude Marie Delassiat, curé des Houches en 1926, qui rêve de rendre hommage au pape Pie XI mieux connu, dans la vallée, sous le nom d’Achille Ratti. Il avait gravi le Mont Blanc côté italien en 1890, il avait logé aux Houches. Devenu pape, il avait proclamé, dans une encyclique, la royauté universelle du Christ c’est-à-dire la primauté du Christ Roi sur l’homme alors que monte en Europe la vague des dictatures. Cette statue veut symboliser l’amour et la paix entre les hommes. Projet soutenu non seulement par l’évêque, le Vatican et les instances politiques mais aussi par les habitants de la vallée. L’abbé lance une souscription. En 3 ans il récolte la somme nécessaire pour la réalisation de son projet.
On fait appel à un sculpteur parisien, George Serraz , spécialiste de l’art religieux. L’architecte Viggo Féveile, installé à Chamonix, supervise l’ensemble des travaux. Ce sera donc une statue monumentale en béton, matériau devenu à la mode depuis l’après guerre. On imagine les difficultés rencontrées pour la réalisation des travaux dans ce lieu qui n’était desservi par aucune route carrossable. La base de la statue sera composée de blocs de béton coupés en tranches, puis assemblées sur place. Le buste, les bras, la tête sont réalisés tout d’abord en terre. De ces réalisations on en ferra des moules en plâtre. Le béton sera alors coulé dans ces moules. Quelques détails seront travaillés directement sur le béton frais.
Le socle de ce monument abrite une chapelle avec deux autels où deux prêtres pouvaient officier en même temps. Elle et est décorée de diverses statues dont un buste du pape Pie XI et d’une statue de « Marie reine du monde ». Un escalier tournant de 84 marches à l’intérieur permet d’accéder à une plateforme dissimulée derrière la couronne. On dit même qu’un passage existe le long du bras qui bénit !
Cette statue est non seulement typique de l’art religieux de l‘époque dans un contexte international de gigantisme mais elle est par ailleurs une émanation explicite de l’art décoratif. Cette expression artistique de l’entre deux guerre se révèle ici dans cette statue monumentale. L’ « art déco » est l’art du modernisme. Tout d’abord on utilise les nouveaux matériaux, ici ce sera le béton. Puis « l’art déco » est l’art de la géométrie, de la symétrie, en rupture avec « l’art nouveau » qui est l’art des circonvolutions. La statue du Christ Roi est représentative de cette vision moderne.
Grâce aux drones on peut aujourd’hui mieux apprécier cette statue emblématique quelque fois moquée pour sa silhouette massive.
Son intérêt historique mérite qu’on l’apprécie.
Autres statues monumentales de Christ Roi :
Brésil à Rio : statue de 25m de haut sur un piédestal de 85m – 1931
Portugal à Almada Lisbonne : 28m de haut sur un portique de 82m – 1949-59
Suisse dans le Valais à Lens: statue de 15m su socle de 15m – 1935
Pologne à Świebodzin : statue de 33 m de haut – 2010
Sources : Gilbert Gardes Histoire monumentale des deux Savoies – Revue de l’illustration 1934- Yves Borrel document écrit pour la commune des Houches – Paul Guichonnet : Encyclopédie savoyarde