Mieux comprendre Chamonix Nord !
Faisons un petit tour dans le passé pour mieux comprendre Chamonix Nord.
En mai 1958 est créé un haut commissariat à l’éducation physique et aux sports, une grande nouveauté dans la vision de l’éducation nationale. Ce haut commissariat est confié à Maurice Herzog qui considère que le sport est quelque chose d’essentiel dans la politique nationale et internationale. Puis celui-ci est nommé en 1963 à la tête d’un secrétariat à la jeunesse et aux sports rattaché au ministère de l’éducation nationale. Est ainsi décidé d’introduire le sport au sein des activités scolaires.
Par ailleurs, en cette même période, l’État modifie les diverses branches de l’éducation. Sont alors créés en 1963 les CES (Collèges d’Enseignement Secondaire) qui ont pour vocation de regrouper l’ensemble du premier cycle , 6ème- 5ème-4ème et 3ème , qui étaient en ces années là dispatchées en deux cycles différents.
Avec Henri Cettour, futur directeur de l’ENSA, Maurice Herzog met en place un premier plan quinquennal ayant pour ambition de fournir une série d’équipements et structures d’enseignement sportif dans toute la France. L’objectif étant de mettre la jeunesse et le sport au cœur d’une politique de renouveau de l’éducation des jeunes. La première réalisation sera le fameux lycée sportif de Font Romeu.
C’est dans cet esprit que le 30 mars 1968, après l’élection de Maurice Herzog à la mairie de Chamonix, le conseil municipal lance une étude en vue de la création d’un complexe sportif et culturel pour Chamonix. En cette époque, exceptées les remontées mécaniques, Chamonix disposait pour ses habitants de peu d’équipements sportifs, et les cours complémentaires se trouvaient à l’école du centre. Beaucoup d’élèves qui désiraient prendre une autre option devaient se rendre à Bonneville.
Sous l’impulsion de Joseph Comiti, nouveau secrétaire à la jeunesse et aux sports, Chamonix est retenu en 1969 pour la réalisation d’une importante opération expérimentale ! On imagine ainsi pour Chamonix la cité scolaire idéale en tentant de regrouper l’esprit et les jambes pour un projet pédagogique innovateur. D’une part un pôle culturel avec un CES accueillant des sections sport-études (complètement nouveau à l’époque), une école hôtelière, l’ENSA, une MJC, une bibliothèque… D’autre part un pôle sportif avec hall omnisports, centre nautique, tennis etc… Et l’ensemble des ces deux pôles devant être reliés par des galeries et coursives permettant aux étudiants de passer de leurs activités scolaires aux activités sportives et internat sans quitter cette cité « idéale ».
On fait alors appel à Roger Taillibert qui avait déjà beaucoup œuvré pour des équipements sportifs et éducatifs. Le projet est lancé officiellement. Le centre sportif est la première tranche réalisée sur une surface de 6 875m2 abrité sous neuf voûtes en voile mince de béton précontraint (technique permettant de réaliser des espaces aérés et ouverts sur l’extérieur). Joseph Comiti vient à l’inauguration du centre nautique. Mais en 1974 il perd son poste et le ministère suivant se désintéresse totalement de ce projet initial.
La commune de Chamonix ayant toujours le financement accordé par l’éducation nationale pour le collège doit s’empresser de l’utiliser. On abandonne l’idée des coursives, des passages d’un pôle à l’autre qui faisaient l’originalité du projet, afin de poursuivre la construction du pôle éducatif . C’est une partie de l’esprit novateur qui ne sera ainsi jamais menée à terme ! Ici sont construites sur une surface de 41 000m2 dix neuf autres voûtes dans ce même matériau qu’est le béton pré contraint et sont construites alors trois tours pour abriter les 600 internes des deux collèges et les élèves de l’ENSA. Seul des bâtiments en élévation pouvaient abriter autant d’élèves. Le terrain n’était pas extensible !
Mr Taillibert imaginait les tours comme une réplique aux Aiguilles qui leur faisant face.
La caractéristique de cet ensemble sont ces voûtes reposant sur trois points permettant d’alléger l’impact visuel. Ceci grâce à l’emploi d’un voile mince de béton précontraint . Et ayant des portées variables, elles ouvrent sur de belles vues panoramiques.
Les voûtes hautes de 22 à 60mètres sont équipées de lanterneaux circulaires de 6 à 9 mètres de diamètre apportant la lumière au cœur des coupoles triangulaires. Celles ci permettent une grande liberté pour l’aménagement intérieur. Étudiées par l’ingénieur suisse Heinz . Elles ont permis à Mr Taillibert de perfectionner sa pratique des coupoles sphériques pour le complexe olympique de Montréal ou encore le hall de conférences d’Abu Dhabi.
l’architecte Roger Taillibert (décédé récemment) auteur du parc des Princes à Paris, du stade olympique de Montréal et tant d’autres, a marqué son temps et a été mondialement reconnu par ses pairs.
Beaucoup de chamoniards même s’ils ont apprécié la forme élégante des coupoles, ont eu du mal à accepter les tours jugées agressives dans ce paysage de vallée sans heurts visuels majeurs et les ont même reprochées au maire en place. D’autres, au contraire, y ont vu le signal d’une modernité compatible avec notre cadre de vie et une esthétique répondant à l’élancement de nos aiguilles. N’a-t-on pas parlé de classer l’ensemble comme patrimoine du XXè siècle, tant elles sont représentatives des nouveaux courants architecturaux ?