Le « lac à l’Anglais ».
Pourquoi s’appelle t’il à l’anglais
Ce charmant petit lac, niché dans la forêt tout près du mur d’escalade, raconte une histoire étonnante. Celle d’un anglais si amoureux de Chamonix qu’il décide, en 1886, d’acheter ces parcelles situées à la sortie du hameau des Pècles.
A l’époque, les diligences empruntent cette route, d’où la vue est magnifique. A cet endroit, il y a deux fermes protégées par un paravalanche, et très peu d’arbres. Quelques bêtes paissent près de l’Arve. Il n’est pas difficile pour Lord Sinclair d’acquérir ces quelques prés sans grand intérêt, hormis la source qui jaillit et offre une eau limpide et surtout si fraîche. Est-ce cette belle eau qui incite notre anglais à choisir ce lieu ?
Lord Sinclair est client de François Couttet, guide et propriétaire du tout nouvel « Hôtel Couttet et du Parc ». Il vient régulièrement à Chamonix. Certainement fasciné par cette vallée enchanteresse, il cherche à créer ce qui, partout en Europe, est en vogue : un « parc à fabriques ».
En effet, depuis quelques décennies déjà, des parcs ou des jardins sont créés en de nombreux lieux afin d’inciter à la promenade, à la découverte, sans être dérangé par des éléments extérieurs.
Dans ces parcs sont construits des édifices décoratifs (appelés des « fabriques ») qui doivent dégager une atmosphère rustique, antique ou… asiatique.
Nous connaissons tous le jardin du Petit Trianon, où le promeneur traverse des rochers et des grottes aménagées artificiellement afin de lui donner le sentiment de se retrouver dans une nature sauvage ! Ou encore le parc Monceau et ses temples antiques !
Notre ami John Sinclair, particulièrement touché par la nature forte qui s’impose en ce lieu dominé par le Mont Blanc, décide alors de creuser un lac au contact de la source abondante qui nait au pied du rocher. Il plante à proximité des arbres inconnus dans la vallée. Il aménage de fausses grottes
…
,puis il fait construire une fausse ruine au bord de l’eau… Un petit sentier qui monte graduellement au-dessus du lac permet au promeneur de se livrer à la rêverie ou à la méditation. Nous sommes encore dans la sensibilité du romantisme finissant du XIXème siècle.
Ce petit lac est devenu la folie du moment. Tout touriste venant à Chamonix empruntait un mulet ou se rendait à pied pour aller visiter ce que chacun chantait comme le lieu « à voir ». On naviguait en barque sur le lac, on se faisait peur à franchir les pas dangereux qui permettaient d’accéder aux grottes. On poussait des portes artificielles de pierre pour passer d’une grotte à l’autre puis, tout en bavardant, on se rendait au kiosque qui dominait le lac d’où l’on avait la vue la plus merveilleuse de la vallée.
Le temps a passé. Les épicéas ont pris le dessus, créant une forêt sombre. Le promontoire fut pris d’assaut par les ronces, les grottes abandonnées furent endommagées, on créa de nouveaux aménagements.
L’intérêt se porta désormais sur le nouveau lac, plus grand, créé pour édifier les remblais de la nouvelle voie ferrée. Ce fut le nouveau lieu de rendez-vous. Seuls dans la mémoire des habitants des Gaillands resteront le nom de « lac à l’anglais » et du « kiosque à l’anglais ».
Bien plus tard, en 1939, certains chercheront la manière d’exploiter l’eau de la source si fraîche et si pure. Et dans les années 1970 de gros projets immobiliers menaceront ce lieu secret. Le terrain est alors acheté par la municipalité.
L’attraction principale est aujourd’hui le rocher d’escalade où viennent s’exercer les grimpeurs. Connaissent-ils eux même l’histoire de ces lieux ? Le calme du lac et de sa ruine est désormais animé par les cris des enfants suspendus à la tyrolienne qui le traverse. Saura t’on leur raconter l’histoire de ce lieu un peu hors du temps et riche d’une histoire originale ?