La première réalisation de la Haute Route Chamonix -Zermatt en 1903
Quand on est amateur de randonnée un jour ou l’autre on désire s’offrir cette fabuleuse traversée entre Chamonix et Zermatt. Cette course en haute montagne en hiver est parmi les plus belles courses mythiques des Alpes et laisse au randonneur un des plus beaux souvenirs de randonnée hivernale.
Mais que savons nous de ceux qui ont, un jour, entrepris cette première traversée ?
Il nous faut revenir au tout début du ski dans la vallée de Chamonix initié par un médecin Michel Payot qui découvre fin XIXe ce nouveau moyen de transport venu de Norvège : les skis. Il estime que ce nouveau matériel offre « un exercice merveilleux et complet » . Il devient « fan » et pressent tout l’intérêt de ces deux planches de bois arrivés de Scandinavie. Président de la section du CAF de Chamonix, il se montre en toute heure dynamique et entreprenant.
Les premiers essais de randonnées dans la vallée de Chamonix sont engagées par le docteur Michel Payot :
Le 12 février 1902 le Col de Balme : à 13h il monte en direction du col de Balme avec Joseph Ducroz qui utilisait des skis pour la seconde fois, arrivent à 14h aux chalets de Charamillon. La marche est difficile, la neige colle, il n’empêche qu’à 14h45 ils arrivent au sommet. C’est la première tentative de randonnée dans la vallée. C’est un évènement !
Dans la foulée, il repart le 24 février 1902, : Chamonix – Col du Géant – Courmayeur accompagné des guides Alfred Simond, Joseph Ravanel (dit le Rouge, son grand ami), Joseph Couttet, René Payot. Ils partent de Chamonix dans le but de traverser le Col du Géant. Ils atteignent en 14 heures le village de Courmayeur. Bel exploit pour l’époque.
Dès lors Michel Payot et ses amis partent vers de nouvelles aventures .
L’année suivante dès , dès le début d’hiver, Michel Payot entreprend avec ses amis Joseph Couttet, Alfred Simond, et Joseph Ravanel la grande et magnifique traversée de Chamonix à Zermatt
L’équipement est lourd
Des skis de 2 mètres de long avec monture métallique et bandes de peaux de phoques à fixer sous le ski avec des petits clous.
Une paire de raquettes.
Un sac pesant 10kgs.
Un bâton de frêne long de 1.80mètres muni d’une rondelle de bois à 0.20cm au dessus du bout pour empêcher de s’enfoncer et sur l’extrémité équipée un pic en acier pouvant remplacer le piolet.
Une paire de chaussons en feutre se mettant par-dessus les chaussures pour se protéger du froid, un maillot en grosse laine avec large ceinture alpine pour éviter l’introduction de la neige sous les vêtements.
Un nécessaire pour réparer les skis.
Un appareil de photo de 10kg !
L’Itinéraire était connu l’été mais évidemment l’hiver c’était une autre aventure !
Ils partent d’Argentière le vendredi 16 janvier 1903.
Le récit décrit par Michel Payot est passionnant. Le ski n’est pas encore au « top » de ses qualités et bien souvent il faut aller à pied enfonçant dans une neige profonde exigeant des efforts particulièrement violents ! la neige se dérobe bien souvent sous les pieds On part tôt , en cours de nuit afin de profiter du clair de lune. On s’encorde, on se désencorde… Les températures sont glaciales mais il fait beau, même le vin gèle. On suit leur itinéraire, jour après jour, pas à pas virage par virage, car guider les skis dans de la neige profonde n’est pas toujours aisé ! Ils sont débrouillards, costauds et alignent des distances incroyables autant à la montée qu’à la descente. Il arrive qu’ils descendent jusqu’en bas de vallée pour ensuite remonter et aligner dénivelées impressionnantes. Certaines cabanes d’altitude, comme Chanrion, ne sont pas toujours équipées il faut donc prévoir nourriture et couvertures ! A l’occasion ils se font accompagner par un ou deux guides locaux. Le temps parfois se dégrade, un brouillard épais les enveloppe et ils retournent parfois sur leurs pas. La descente à skis, attachés par une corde, n’est pas toujours évidente. La parfaite adaptation de Joseph Ravanel à ces conditions impressionne Michel Payot, admiratif des qualités de ce guide d’exception ! La neige est abondante et si parfois le cheminement est difficile, souvent il se fait avec douceur et tranquillité. La descente sur Zermatt est rude, longue, glaciale.
Mais quels souvenirs pour cette équipe qui vient d’ouvrir, sans le savoir, une des voies les plus appréciées et qui comble tout skieur de randonnée.
Les noms de Col du Chardonnet, Fenêtre de Saleinaz, Glacier d’Otemma, Col de l’Evêque , Glacier de Ferpècle, Col d’Herens, Glacier de Zmutt évoquent pour chacun un souvenir d’une randonnée hors norme dans les Alpes.
Comme disait Michel Payot : … « Qu’avons-nous rapporté de cette longue mais si belle traversée ? … des fatigues inouïes, des souffrances en tout genre, mais nous conservons tous l’ardent désir de continuer ces merveilleuses courses d’hiver ! »
Mais qui était donc Michel Payot ?
Sources : Revues La Montagne du Club Alpin Fançais- Revue Alpine section lyonnaise 1903