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Étiquette : patrimoine de Chamonix

Une belle aventure familiale : l’hôtel Excelsior aux Tines

En 1900, le tourisme explose dans la vallée de Chamonix.
Le hameau des Tines se situe au pied de la Mer de Glace. Les touristes de plus en plus nombreux viennent admirer ce glacier exceptionnel. Beaucoup parmi eux, descendant par le Chapeau, s’arrêtent aux Tines avant de rejoindre Chamonix. L’arrivée du train en gare des Tines offre une belle opportunité d’ouvrir un second hôtel dans le hameau après celui de la Mer de glace tenu par la famille Simond.


Paul Charlet se lance en 1905 dans la construction d’une auberge pour héberger les italiens travaillant sur la voie ferrée. Rapidement, l’hôtel qu’il appelle Excelsior s’agrandit se transforme pour devenir un hôtel de prestige. Il sera suivi de près par l’Hôtel de la Forêt des Tines.
L’Excelsior sera racheté en 1913 par la famille Cheilan et restera la propriété de cette même famille jusqu’à nos jours.


Construit selon la tradition chamoniarde, ce bel édifice rappelle la longue tradition hôtelière de la vallée. Un premier bloc est édifié, puis le succès venant une aile lui sera rapidement adjointe, lui donnant son aspect actuel.

Nombreux sont les hôtels chamoniards construits selon cette architecture en deux corps . Celui-ci obéit à la tradition locale des encadrements de portes et fenêtres en granit, même matériau utilisé pour les balcons et les chainons d’angle. Les italiens, nombreux dans la vallée, avaient apporté de leurs régions d’origine ce savoir-faire magnifique qu’ils ont mis en œuvre dans toute la vallée.
Quatre générations de Cheilan ont géré avec soin cet hôtel situé face au mont Blanc. On travaillait en famille, les heures ne comptaient pas.
Chaque génération apportera une touche supplémentaire dans le confort et les divers équipements afin que l’hôtel s’adapte à la modernité de son temps. Chacun fera sienne cette devise familiale « Chez nous, vous êtes chez vous ».

Annexe de l’hôtel servant essentiellement pour les familles venant en vacances aux Tines

Beaucoup se souviendront de l’accueil chaleureux de Mme Cheilan qui, pendant plus de 45 ans, mettra tout son cœur à la bonne direction de l’hôtel familial. Son mari, ardent chamoniard, se chargera de l’entretien de la chapelle nichée au fond des Tines. Afin d’assurer le service d’une messe régulière, il fournissait le gite aux prêtres venus en vacances dans la vallée en échange d’une ou deux messes hebdomadaires. Mr Cheilan était un fervent royaliste, ce qui explique le décor particulier de fleurs de lys de la chapelle.
Des clients prestigieux venaient chaque année à l’Excelsior. Ils en appréciaient l’emplacement exceptionnel mais surtout l’esprit familial et la convivialité ainsi que sa table réputée.
Les exigences des temps actuels ne permettent plus à cette famille de continuer cette belle histoire qui prend fin en 2017.
Mais les bâtiments perdurent, ils resteront le témoignage d’une époque où l’hôtellerie familiale occupait une grande place dans la vallée.

L’hôtel a gardé son charme ancien

Sources : archives famille Cheilan

Belle surprise près du Col de Balme : une borne du XVIIIème siècle

Nos randonnées chamoniardes nous réservent parfois de belles surprises !

Combien de fois sommes nous allés avec enfants, petits enfants ou amis au col de Balme pour une balade dominicale Le site est magnifique, la randonnée est facile, c’est toujours un plaisir de parcourir ces crêtes d’où le panorama est exceptionnel. Le plus souvent nous empruntons les chemins balisés.

Si l’on s’en écarte un tant soit peu, en longeant tout simplement la ligne de crête qui court de la tête de Balme vers le col des Posettes, nous buttons sur deux bornages dressés au cours des siècles passés sur cette ligne frontalière. Ils marquent l’emplacement exact de la frontière entre la France et la Suisse.

Certes nous connaissons la borne située au col de Balme avec l’inscription France d’un côté et Suisse de l’autre. Ou encore celle de la Tête de Balme avec un F et un S. Toute deux réalisées en 1891 au temps où le gouvernement érigea le long de ses frontières ces bornes de granit afin d’en préciser ses nouveaux contours.

Mais ici sur l’arête, juste au dessus de la gare supérieure du télésiège des Esserts, nous découvrons, à côté de la borne classique de 1891, une borne rare datant de 1737-1738.
Celle-ci d’ailleurs figure sur un tableau du XVIIIème siècle.

D’un côté figure la croix de Savoie couronnée. Cette représentation correspond effectivement à l’emblème de la maison royale de Savoie en 1738. Les couleurs sont passées mais on devine la croix blanche sur fond rouge. Celle-ci est surmontée de la couronne du royaume de Sardaigne. Cette couronne est formée d’un cercle surmontée de 8 fleurons, ceux-ci servant de base à des diadèmes perlés qui se réunissent au sommet par un globe et une croix.
De l’autre côté nous retrouvons sur la partie basse de la borne le blason de l’évêque de Sion, une épée et une crosse surmontée de la mitre et au dessus le blason des sept dizains valaisans représentés par sept étoiles en représentation de la république fédérale du Valais de 1600 jusqu‘à 1802 .

Il est intéressant de noter qu’en cette période le Valais était une république fédérale appelée la république des sept dizains et l’évêque de Sion en était un des princes électif, d’où la double représentation évêque et Valais sur cette borne.
Cette république disparaitra avec le rattachement du Valais à la confédération helvétique en 1815. Le Valais sera alors représenté par treize étoiles sur fond rouge et blanc.

Une belle découverte à faire par ces belles journées d’automne.

Un gypaète barbu au nom de Jacques Balmat

Pourquoi ?

 Un matin de septembre 1834, Jaques Balmat avec son compagnon vallorcin Pache s’engage sur les pentes du mont Ruan. Cristallier, Jacques Balmat, le vainqueur du Mont Blanc avec Michel Paccard en 1786, était depuis toujours à la recherche d’hypothétiques mines d’or que l’on prétendait avoir découvert dans nos régions montagneuses.
Il se rendait souvent à Genève pour faire analyser certains échantillons qu’il rapportait de ses pérégrinations montagnardes. Or, un jour, le chimiste Abraham Raisin lui annonce qu’il a découvert des traces d’or dans un prélèvement trouvé dans la région du Mont Ruan.
Jacques Balmat décide alors de tenter sa chance. Il marche le long des pentes du massif du Ruan, en traverse le glacier, puis s’engage sur des vires surplombant le cirque côté Sixt. Les vires sont de plus en plus étroites. Pache n’ose le suivre. Ce seront les derniers instants ou Jacques Balmat sera vu vivant. Pache rentrera seul à Vallorcine, ne faisant plus aucun commentaire sur cette expédition hasardeuse.
Les nombreuses recherches entreprises dans la région du Fer à cheval – Sixt pour retrouver le corps resteront vaines.
Il avait 72 ans.
Ce sera seulement 19 ans après que le syndic de Sixt Bernard Biord lèvera le voile sur cette disparition. Il révèlera à son confesseur que deux jeunes bergers avaient bien vu le corps tomber de la falaise. Il leur avait alors interdit d’en montrer le lieu. Mais pourquoi donc ? Tout simplement il redoutait l’installation d’une entreprise minière qui risquait de dévaster la forêt. Effectivement, dans les siècles précédents, la vallée avait subi diverses catastrophes suite à une déforestation excessive pour exploiter des mines de fer. Il voulait éviter à son village les mêmes désagréments.
Jacques Balmat repose toujours au pied des falaises du Ruan.

180 ans plus tard, la commune de Sixt décide de baptiser le nouveau gypaète barbu, né dans les falaises de Sixt-Fer à cheval, du nom de ce personnage si illustre de notre vallée de Chamonix. Jacques Balmat connaît une nouvelle vie. Il survolera de nouveau, par le biais de son filleul, ses chères montagnes.

Les Cent ans de la Résidence anciennement Chamonix Palace

En 1910 la société anonyme, la SHFS (société hôtelière franco suisse) après avoir acquis l’Hôtel d’Angleterre et les terrains annexes de  la famille Tairraz, lance le projet de construction d’un palace au centre de Chamonix.

Il s’appellera le Chamonix Palace. Cette société implantée à Chamonix depuis 1903 est un holding important,  propriétaire de très nombreux hôtels dans l’hexagone. La société dresse sur l’Arve une passerelle permettant aux clients de l’Hôtel d’Angleterre d’accéder au parc situé rive gauche. C’est sur ces mêmes terrains qu’est entreprise la construction d’un nouveau palace.

 Le palace est construit selon les normes classiques d’édification de palaces européens. Menés  par deux architectes suisses Mr Verrey et Heydel, les travaux sont conduits par une entreprise locale. L’hôtel abrite alors 200 chambres répartis entre le rez de chaussée et les cinq étages reliés entre eux par un grand escalier doublé d’un ascenseur et d’ un escalier de service à l’arrière. Chaque suite a sa salle de bains et cabinet de toilette avec WC privé et les chambres qui n’ont pas de cabinet de toilette sont pourvues d’une salle d’eau avec eau chaude et froide. De grandes salles à manger occupent toute la partie ouest du palace éclairées par de vastes baies vitrées L’ensemble est agrémenté tennis situés à l’arrière, de grands et beaux jardins en façade L’inauguration a lieu en juin 1914. 

La guerre est déclarée deux mois  plus tard. Le palace a bien du mal à vivre de son activité. Reprenant vie dès la fin de la guerre. Il connaît   ses grandes heures de gloire lors des  bals et galas des années folles. Il héberge un casino pendant quelques années En juin 1926 Le bâtiment est endommagé par un incendie. Il reste fermé un temps puis racheté par la famille Favre.  Il prend  alors le nom de Grand Hôtel et ses clients ont une entrée privilégiée au Casino nouvellement construit sur l’Arve. En cette période sont vendues les parcelles riveraines de la nouvelle avenue de la gare sur lesquelles sont  édifiées les boutiques.

La seconde guerre mondiale  marque le déclin de l’activité hôtelière  de  ce palace, qui tente de survivre une petite dizaine d’années. En 1958 la  partie supérieure  est  transformée en appartements et le rez de chaussée acquis par la commune qui aménage en 1969 le Musée Alpin. La belle rotonde d’origine disparaît, remplacé  par une avancée plus cubique.

 Équilibré dans ses volumes avec un corps central   et de longues ailes latérales,  il est le palace le plus abouti de Chamonix. Construit durant cette période faste de la Belle Epoque le palace est édifié selon l’architecture en vogue où se mêle la tradition néo classique et des fantaisies art nouveau. La partie centrale est  ornée de bow windows afin de rompre la rectitude de la façade. Les garde corps se caractérisent par des formes quelque peu ondulées sans être trop prononcées, les frontons des fenêtres alternent en fronton triangulaire ou semi circulaire.

Une remarquable expression de l’art déco : la Banque de Paul Payot maire de Chamonix de 1888 à 1901

Dans les revues spécialisées d’architecture des années 1930, la construction de la banque Payot à Chamonix est souvent donnée en exemple. Réalisée par l’architecte Marcel Cochet, elle attire l’attention des spécialistes de l’époque pour l’originalité et la qualité du bâtiment.


A Chamonix, jusqu’à cette période, on construisait avec des boules d’Arve que l’on cimentait entre elles et que l’on enduisait de crépi ou d’enduit.
Marcel Cochet innove totalement.

Il élève l’ossature du bâtiment en béton armé. Il connaissait les aléas de ce type de ce matériau, notamment face aux différences de températures extrêmes de la vallée. Cette armature est ensuite comblée aux étages de briques creuses et est complétée par une cloison en dolomite (panneaux de paille, ligaturée réalisant un matelas isolant). En 1930, en Savoie, ce type de construction n’était pas chose courante, d’autant plus que Marcel Cochet ose utiliser le béton pour le toit ce qui provoqua bon nombre de questionnements de la part de ses confrères.
Son esprit vigilant le conduira à imaginer des méthodes complémentaires pour assurer l’étanchéité des terrasses. Il saura aussi profiter de l’expérience locale en adoptant des doubles cloisons et des doubles fenêtres pour mieux lutter contre le froid.
Les façades ont été traitées par une méthode simple : un revêtement de plaques moulées en simili granit poli, agrafées aux piliers de béton armé.
Le procédé est vraiment révolutionnaire à Chamonix.


Le 1er étage est occupé par l’appartement de Mr Payot, deux appartements occupent le second et un seul plus petit le troisième. Dans la partie supérieure, une zone plate « non aedificandi » est aménagée en terrasse pour qu’un hôtel, l’Impérial situé à l’arrière, conserve la vue sur le Mont Blanc.
Les façades de la banque sont décorées de panneaux de ferronneries d’une remarquable finesse (hélas disparues depuis) qui avaient été réalisées par la maison Schmidt de Chamonix.
L’architecture Art Déco a horreur des angles droits si bien que pour les immeubles d’angle on s’arrange toujours pour les couper ou les arrondir. Exemple frappant ici sur la banque :


Lorsque l’on parle Art Déco le décor joue évidemment son rôle. Ainsi sur la banque au dessus des grilles est inscrit en mosaïque le mot « change » en français, anglais, italien et allemand de même pour la Sur la façade où sont incrustés des panneaux de mosaïques de grès et d’émaux réalisées par une entreprise lyonnaisse.

Ceux-ci rappellent le souvenir de l’oncle Venance Payot, naturaliste, botaniste et collectionneur de cristaux qui tenait à cet endroit quelques dizaines d’années auparavant un muséum.
L’une d’elles représente une fleur d’edelweiss qui pourtant n’est pas une fleur de chez nous ! Peu importe, seul le décor compte.

Plus de 80 ans après, on ne peut que rester admiratif devant ce bâtiment unique trônant au cœur de Chamonix.

La source sulfureuse des Mouilles

La source sulfureuse de Chamonix
Dans un lieu secret peu connu des chamoniards se nichent les ruines d’un bâtiment abritant une ancienne source sulfureuse, découverte au début du XIXème siècle.


En 1823, une eau jaillissant des Mouilles, analysée par un médecin, Mr le Dr de Gimbernat, se révèle « minérale, froide, saline, sulfureuse», et obtient une autorisation royale d’exploitation.
Les frères Charlet , propriétaires du site et propriétaire ainsi que de l’hôtel de l’Union au centre ville, aménagent des canalisations de bois depuis la source des Mouilles jusqu’à l’hôtel afin de proposer à leurs clients des bains, luxe incroyable à cette époque.


En 1834, Mr Morin, chimiste de Genève, la considérait riche en « qualité thérapeutique ». Mais l’idée d’utiliser ces eaux fait toujours son chemin. En 1863, le docteur Depraz lance une demande d’autorisation d’exploitation Les sources des Mouilles sont alors étudiées avec soin par l’Académie de médecine de Paris. Celle ci estime « la sources sulfureuse conforme aux eaux les plus réputées contre les maladies de la peau, les ulcères et les cachexies » et les sources d’eau naturelle toutes proches se révèlent des « eaux ferrugineuses appropriées aux malades souffrant de constitutions lymphatiques et débilitantes ».
Cependant, le Conseil général des Mines estime qu’il ne sera pas possible d’accorder une autorisation définitive avant « qu’un captage convenable de la source ait été opéré ».
L’autorisation tarde à venir. Les hôteliers chamoniards rêvent de créer une station hydrominérale à l’image des stations thermales en vogue à cette période. On veut une belle station « climatérique ».
Le projet est relancé néanmoins toujours d’actualité.
Il faut attendre 1876, pour qu’une nouvelle étude soit faite, cette fois-ci par le docteur Duchosal : « l’eau jaillissante est une eau claire, limpide, dont l’odeur est celle des œufs couvés, dont la température est de 9 centigrades… ». Il indique, après analyse des eaux et enquête auprès de la population locale, « que ces eaux peuvent être employées en boisson, en douches, bains, injections, en inhalation et même peut être embouteillée. « Leur emploi peut être étendu à presque tous les cas de maladies chroniques dans lesquels on emploie les eaux de St Gervais… Peu de pays peuvent offrir autant de facilités pour un établissement hydrothérapique… ».
La société des hôtels réunis de Chamonix envisage un grand projet une grande installation avec hôtel de 300 chambres, exploitation de la source, couplée avec des bains de lait. Ce beau projet ne sera jamais réalisé. Cependant, les conduites seront emportées les inondations régulières de l’Arve et de l’Arveyron et elles seront abandonnées.


La première guerre interrompt toute idée de création d’une station thermale.
En 1930, nouvelle tentative. Le nouveau propriétaire, Mr Alphand, entreprend de remettre au goût du jour l’exploitation de la source. Les analyses sont réalisées quatre années de suite par le ministère de la Santé publique, qui lui accorde enfin en 1936, et pour 30 ans, l’autorisation d’exploiter les eaux. Mr Alphand construit alors un petit édifice au dessus de la source, aménage un kiosque à musique dégustation et se lance dans l’exploitation de sa source.


Elle prend le nom de « La vivifiante ». Les analyses seront faites très régulièrement. On abandonne vite l’idée d’embouteillage, l’eau ne conservant pas ses propriétés minérales.


Le petit établissement fonctionne ainsi une trentaine d’années, recevant quelques curistes et surtout des curieux et des habitués, la source ayant toujours sa réputation locale. Les médecins de la vallée recommandent à leurs malades d’en boire régulièrement l’eau.
Le débit de la source se réduit peu à peu, en raison des travaux de canalisations des sources naturelles voisines réalisés afin d’assécher les zones marécageuses de ce secteur de la vallée.
Les chamoniards continueront jusque dans les années 1970 à venir faire provision de cette eau aux qualités médicinales incontestées.

La source est abandonnée, mais les chamoniards s’y rendent toujours régulièrement, lui attribuant des qualités curatives appréciées de tous. Depuis, la source s’est tarie et le lieu est laissé à l’abandon.

n lieu secret peu connu des  chamoniards se nichent les ruines d’une ancienne source

La charmante petite chapelle protestante d’Argentière

Nous connaissons tous la chapelle anglaise de Chamonix, face à la gare SNCF, implantée depuis 1860. Mais combien connaissent la chapelle protestante d’Argentière, située au fond du village, en retrait dans un lieu calme et protégé .


Dans le territoire des Savoies, depuis la rude période de la réforme du XVIè siècle, l’église catholique était omniprésente, veillant au salut de ses paroissiens. Elle reconstruit avec éclat nombre d’églises et chapelles, afin que chacun se mette sous la protection divine, mais catholique. Cependant, dans le pays du Mont Blanc, avec l’arrivée des visiteurs étrangers au cours du XIXè, six temples protestants seront édifiés au fil des ans sur les lieux de villégiature.
La chapelle anglaise de Chamonix deviendra, au cours du XXème siècle, un temple de l’Eglise réformée de France.

Un résident, protestant, Raoul Allier, normalien, professeur de philosophie à Paris, avait pour habitude de séjourner durant ses vacances à Argentière et de descendre au culte à Chamonix. Dans la chaleur de l’été 1914, il voit partir son fils Roger avec les jeunes hommes d’Argentière vers les champs de bataille de l’est de la France. Il n’aura plus de nouvelles jusqu’en mai 1916 quand lui est apportée la terrible annonce du décès de son fils dans la tourmente de cette guerre meurtrière.
Terrassé par cette douleur indicible, il réagit en organisant de nombreuses conférences ayant pour sujet la guerre. Il consacre son énergie à essayer de réconforter les souffrances humaines tout autour de lui.Quoique laïc, il est nommé doyen de la faculté de théologie protestante de Paris.Il aime à séjourner à Argentière. Ce monde de la montagne l’apaise. Il donne des conférences dans les salles de restaurants d’Argentière. Il se constitue ainsi tout un réseau d’amis qui partagent avec lui les mêmes convictions. C’est ainsi qu’ils conçoivent l’idée de construire une chapelle.

Avec eux il acquiert des terrains au pied de la moraine. Ces parcelles de piètre qualité ne laissent pousser qu’arbustes et buissons. Sera construite ici, dans ce lieu reculé et champêtre, une chapelle en bois de mélèze avec un toit d’ancelles, selon la coutume locale.
Elle fut Inaugurée en 1920. Raoul Allier en sera le premier prédicateur. Deux ans après est construit le presbytère pouvant héberger les pasteurs de passage

Durant la sombre période de l’occupation de 1943-44, le presbytère sera un des relais mis en place dans toute la vallée par la CIMADE pour le passage des familles juives vers la Suisse. Elles seront cachées dans la cave en attendant le moment pour franchir, avec les passeurs, la frontière toute proche.

Chargée d’histoire, sobre mais lumineuse, notre chapelle protestante, toujours dans son aspect d’origine, toujours sans électricité, mérite le détour par les confins d’Argentière.

Source : Archives de l’église réformée Arve mont Blanc

A Chamonix une ancienne villa typique de l’Art Nouveau : l’hôtel de l’Aiguille Verte

Cet hôtel en sortie de ville, riverain de la route des Praz, mérite plus qu’une observation rapide de sa façade. Construit en ces débuts du XXème siècle, il est l’une des plus belles expressions architecturales de l’art nouveau à Chamonix. Jules Bossoney, maire de Chamonix entre 1908 et 1920, est l’initiateur de la construction de cette superbe villa en 1906, à titre privé.


Tout d’abord guide, il participe à la construction de l’observatoire Janssen et à l’édification des refuges de la Charpoua et du Couvercle. Par la suite, élu de la commune, il se révèle un maire dynamique et entreprenant en cette période faste de la Belle Epoque.
Dès l’origine, cette villa est destinée à recevoir des visiteurs, qui sont de plus en plus nombreux dans la vallée. La construction comporte deux maisonnettes identiques reliées par une entrée commune.
Chaque habitation possède un salon, une salle de bains, une cuisine, des chambres en étage, une loggia et un logement pour le personnel.
Mais l’originalité de cette villa réside dans le choix de son décor résolument art nouveau.
La façade réunit une grande diversité de matériaux : bois, faux colombages, larges verrières dans la véranda, briques dans les angles, le tout typique de cette expression artistique.


Des céramiques aux couleurs éclatantes ont résisté au temps. Magnifiques, variées, elles ornent, selon la tradition de l’art nouveau, les dessous de fenêtres. Les ferronneries en volutes des rambardes sont à l’image de ce style décoratif nouveau en France.
L’intérieur se singularise par des sols faits de carreaux de ciment joliment décorés. Différents selon les pièces, ils ont été conservés et portent témoignage des nouvelles techniques découvertes à cette période.
Cette ancienne villa illustre avec réussite la fantaisie de cette expression architecturale qu’est l’Art nouveau en cette période de la Belle Epoque. Elle montre par ailleurs la volonté d’un maire sensible aux modes décoratives et faisant preuve de modernisme.

Elle est classée monument historique mais le savons nous ?

Nous allons à la poste, à la banque, à la boulangerie… nous passons devant elle des milliers de fois. Y jetons-nous un regard ? La remarquons-nous ? L’avons-nous observée dans le détail ?
Et pourtant elle est classée monument historique !

_mg_0199Nous allons à la poste, à la banque, à la boulangerie…  nous pa

De quoi parlons-nous ? D’une maison, d’un bâtiment ? Non, tout simplement de la magnifique fontaine située au cœur de la place Balmat.
L e 8 juin 1860, la municipalité, pas encore française, adopte le projet d’une fontaine publique « à fixer au milieu de la place publique du chef lieu ».
Le 9 septembre 1861 la commune fait appel à «… Mr Pizelli tailleur de pierre, natif de Cambiosco en Piémont , pour l’exécution de fourniture et travaux à la construction d’un bassin en granit à établir sur la place publique . Mr Pizelli est invité à venir passer pour l’accomplissement de ses engagements et à faire exécuter à ses frais et risques tous les travaux et fournitures pour la construction d’un bassin en granit … ». Les diverses délibérations municipales des années suivantes nous apportent peu de détails complémentaires, sinon une volonté exprimée par l’administration préfectorale recommandant aux conseils municipaux la création de fontaines en eau potable afin de favoriser la distribution d’eau nécessaire à la population. D’ailleurs, une seconde fontaine sera créée dans le haut du bourg, alimentée par la source des Nants.
L’observation de la fontaine Balmat nous laisse admiratif.


Elle se compose d’un bassin taillé dans une pièce unique, un seul morceau de granit de 3.50m x2.40m, c’est à peine croyable lorsque l’on connaît la difficulté du travail de cette pierre.
Comment les graniteurs ont-ils œuvré ? D’où vient ce bloc magnifique ? Peut-être de la carrière d’Orthaz ? Ou d’une carrière plus haut située au pied de la mer de glace ? Comment l’ont-ils déplacé ? L’ont-ils creusé une fois installé sur la place ? Etaient-ils plusieurs tailleurs?
Nul ne connait les raisons qui ont conduit les autorités à décider du classement en monument historique en 1941. Mais ce qui est certain, c’est que cette fontaine, surprenante par sa taille, reste un témoignage majeur du travail oublié des graniteurs qui ont œuvré dans la vallée de Chamonix.
Originaires du Piémont, voire même des vallées plus lointaines au nord du lac de Garde, ils venaient faire une saison, travaillant dans des conditions difficiles puis repartaient dans leur famille. Ils reviendront de plus en plus nombreux lorsque Chamonix connaîtra le boum économique de la Belle Epoque. Ce sont eux qui participeront aux travaux de constructions des hôtels, des voies ferrées, puis plus tard des remontées mécaniques. Leur présence est attestée pour la construction de nombreux immeubles chamoniards. Beaucoup ont fait souche, souvent les familles aux consonances italiennes de la vallée sont héritières de ces ouvriers, sculpteurs discrets mais courageux, qui ont œuvré pour l’embellissement de notre vallée.

Le plus ancien hôtel d’Argentière toujours en activité ?

Construit vers 1863 – 1865 celui-ci n’a jamais changé d’activité depuis son origine. Édifié sous le régime de du nouvel Empire sous le nom d’Hôtel de la Couronne, il gardera ce nom jusqu’à nos jours.


D’après la famille Mortier ancien propriétaire, l’hôtel prit le nom de « Couronne » à l’instigation de la famille Devouassoux d’Argentière en succession de l’Hôtel de la Couronne de Chamonix détruit par l’incendie dévastateur de Chamonix en 1855. Cet hôtel (résidence Terminus actuellement), construit en 1832, était d’excellente réputation. Et reprendre le nom devait porter chance aux nouveaux aubergistes.

A Argentière, à cette même période, existait déjà une auberge, le Bellevue, datant de 1816, qui servait de relai pour les mulets. Ce village où les visiteurs commençaient à être de plus en plus nombreux manquait d’hébergement confortable.

L’hôtel de la Couronne sera plus agréable, sur deux étages, avec une vingtaine de chambres, certaines avec une cheminée (les conduits ont été retrouvés lors des travaux de rénovation). Ce nouvel établissement sera une étape très prisée sur le chemin vers la Suisse. Il deviendra à parti des années 1870 un relai de diligences.


Les familles propriétaires se succèdent, tout d’abord les Devouassoux, puis madame Muller, fille de la maison, ensuite Mme Lamy, petite fille, chacune apportant la modernité des temps présents.
En 1932, la maison s’agrandit d’un étage, ce qui lui donne son aspect actuel. On installe le chauffage central, grand luxe pour l’époque. Ce fut un bon choix, puisque l’hôtel sera grouillant de monde en 1937 lors des championnats du monde, sur la piste de la FIS, marquée par la victoire d’Emile Allais.

Monsieur Mortier prend le relai en 1958. Il affectionne cet hôtel, qu’il entretient avec persévérance et sens pratique. D’année en année il le modernise, installe des salles de bain dans chaque chambre et aménagera même une patinoire dans le jardin pour mettre à profit les froids sibériens des années 1960. Marcel Wibault assurera la pérennité de cette innovation par un superbe tableau qui rappelle aux anciens Argentérauds ces moments exceptionnels où tout Argentière se retrouvait au bord de la patinoire.
Mr Mortier, passe le relais à sa fille. Mais à 92 ans, toujours présent sur les lieux et toujours passionné, il prenait un réel plaisir à vous raconter avec moult détails ses souvenirs liés à Argentière. Une mémoire vive et intacte qui hélas s’éteint. L’hôtel connait de nos jours un nouveau propriétaire voulant lui donner son renouveau et ses éclats du siècle passé !

Il est probable que Mr Mortier serait très heureux .

Sources : famille Mortier

Viollet le Duc à Chamonix. Qui s’en souvient ?

Eugène Eugène Viollet Le Duc découvre Chamonix en 1868. Connu pour ses travaux de rénovation de bâtiments historiques, on a parfois oublié sa passion pour la montagne et ses études sur le massif du Mont Blanc.


Promeneur infatigable, il va durant plus de 10 ans se rendre l’été à Chamonix et arpenter chemins et sentiers, explorant chaque petit coin du massif du Mont Blanc. Accompagné de ses guides, il travaille du lever du jour au coucher du soleil, dormant parfois deux ou trois nuits consécutives en altitude. A Chamonix, il se raconte que Mr Viollet le Duc avait conçu un tabouret spécial. Celui-ci, monté sur des pieds aux hauteurs différentes, lui permettait de se positionner au mieux dans la pente lors de ses longues séances de dessin.
Ses études, ses esquisses, ses croquis, nous montrent un homme méticuleux soucieux de précision. Ses tableaux nous révèlent un peintre subtil maitrisant avec talent le travail de l’aquarelliste. Les atmosphères sont ressenties avec beaucoup de force et de justesse. Il réalisera plus de 600 tableaux et dessins

D’une étonnante modernité, il s’initie enfin à la cartographie et publiera en 1876 une carte à 1/40.000 du Mont Blanc admirable de minutie.

Quand il arrive à Chamonix pour la première fois en 1868, il loge à l’Hôtel Terminus tenu par Madame Tairraz.
Celle-ci, sachant à quel point il apprécie peu la clientèle séjournant à Chamonix, le recevra dès 1869 dans sa maison familiale située à la lisière de la forêt au pied du Brévent, au lieu dit « la Côte ». Madame Tairraz lui demandera alors de concevoir une seconde maison dite « maison à loyer » (une maison à loyer étant innovatrice pour l’époque puisqu’il s’agissait de construire une maison avec un logement pour le propriétaire et des logements aux étages supérieurs que l’on pouvait louer). Du jamais vu à cette époque
Viollet le Duc s’était depuis longtemps intéressé à l’architecture de montagne. Il estimait que celle-ci des était des mieux intégrées au paysage et à la morphologie des terrains accidentés.
Il se met vite à la tâche et dresse les plans de cette maison.
Il s’inspire des fermes locales pour élaborer son projet. Telle la ferme traditionnelle adossée à la pente, sa maison se composera d’une base en pierre surmontée de deux étages en bois. En amont, se trouvent cuisine, sanitaires et tout ce qui concerne la domesticité. En aval, les chambres s’ouvrent sur de larges fenêtres et balcons donnant sur le midi et les sommets.


Mais Viollet le Duc comprend aussi la nécessité d’avoir une maison moderne avec tout le confort… Chaque chambre disposera d’une cheminée et d’une salle de bain… Ce qui était révolutionnaire pour l’époque. Construite de 1872 à 1873, cette maison de Viollet le Duc se veut exemplaire. Il y montre ses talents d’architecte capable de construire une demeure confortable néanmoins inspirée de l’habitat traditionnel.

L’eau coulera bien longtemps sous les ponts avant qu’un autre architecte, Mr Henry Jacques le Même, de Megève, invente, 60 ans après, ce qu’il appellera « le chalet skieur » directement inspiré de l’habitation locale. Que de points communs entre eux !

La maison de la Côte deviendra, avec son annexe, « l’Hôtel des chalets de la Côte », tenu par Mr Harang. Puis les bâtiments seront partiellement transformés dans les années 1920 pour être occupés par une maison de santé pour enfants appelée « les Soldanelles ».

Chamonix oubliera vite ce personnage étonnant qu’était Mr Viollet le Duc.
Dans les années 1970, tout sera balayé par des promoteurs plus intéressés par le profit d’une grande résidence que par cette veille maison pour eux sans intérêt. Nul ne s’en est ému …
Dommage ! Sa vision de l’architecture moderne avait 60 ans d’avance !
Mais qui s’en souvient à Chamonix ?

La mappe sarde

Qu’é sa co ?

Les XVIème et XVII ème siècles sont des périodes au cours desquelles, en Savoie, la perception de l’impôt est particulièrement confuse. Victor Amédée II, roi de Piémont Sardaigne, conscient de l’anarchie de ces levées d’impôts dont l’origine est médiévale et imprécise, impose une remise en ordre fiscale qui cherche à établir une estimation juste des biens fonciers par catégories et par biens. Dans la foulée est décidée l’élaboration d’un cadastre détaillé.
L’édit du 9 avril 1728 ordonne la mensuration générale de la Savoie.
Immense gageure pour l’époque !


L’innovation principale est l’élaboration des « mappes », (cartographie généralisée des parcelles de toutes les communes). Commencé en 1730 et achevé en 1738, ce relevé concernera 638 communes qui seront cadastrées dans le détail. Celle de Chamonix sera la plus grande de toutes.
20 équipes sillonnent tout le territoire. Chaque équipe est composée de :
1 géomètre : il dessine les parcelles, les arbres, les biens …
1 métreur : il mesure les propriétés.
1 estimateur (il estime la valeur du bien). Il est aidé d’un indicateur (seul personnage local autorisé, sa présence est nécessaire pour donner des informations sur les lieux.)
La mappe est composée de :
** Un plan cadastral dessiné à l’échelle de 1/2372. C’est à dire 1 mm=2m372. C’est un rouleau de papier entoilé portant le dessin en couleurs de toutes les parcelles (avec n° d’ordre), des chemins, des cours d’eau, des arbres, etc…
** Un registre des parcelles appelé « livre de géométrie » qui répertorie chaque parcelle, le nom du propriétaire et l’étendue du bien
** Un second registre appelé « livre d’estime » qui donne le degré de « bonté » (c’est à dire la productivité) de chaque terrain.
Le tout est envoyé à Chambéry. Des « calculateurs » sont alors chargés de fixer pour chaque parcelle la valeur foncière et le montant de l’imposition.
De ces deux registres on rédige la « tabelle préparatoire » qui est alors mise en consultation dans chaque commune afin que chacun puisse faire état de ses réclamations. Les habitants disposent d’une quinzaine de jours pour contrôler plan et registres. Réclamations inscrites dans un registre appelé « cotes à griefs »
Puis tout retourne encore une fois à Chambéry ou l’on établit la synthèse de toutes les informations rassemblées dans un ouvrage final la tabelle.

Exemple d’un page de tabelle de Chamonix

Ces tabelles sont des registres où se trouve le nom des propriétaires par ordre alphabétique, et leur condition (noble, ecclésiastique, bourgeois, laboureur…),
Le numéro de la parcelle,
La nature de cette parcelle (champ, maison, alpages, murger..),
Le nom du lieu dit,
Le degré de bonté chiffré de 0 à 3 (de bonne terres à mauvaises),
La superficie,
Les frais de culture (déduits des revenus),
Son estimation et sa taille (pour l’impôt).
Dans chaque commune est alors établi un cahier de mutation donnant les informations des changements de propriétaires, de propriétés, de valeurs, Le cadastre se heurte bientôt à la difficulté de suivre les mutations foncières malgré le travail de fourmi réalisé par les secrétaires de mairie.
Il n’est reste pas moins que la mappe donne une vue géographique très précise des parcelles et des confins. Elle resta jusqu’en 1852 le seul instrument de référence pour les limites de parcelles.

Il existait une mappe pour Chambéry, une mappe pour Turin et une mappe pour le village concerné.

Le plus vieux parchemin de Chamonix

Les archives départementales de Haute Savoie possèdent un document des plus précieux pour Chamonix et des plus anciens pour la Haute Savoie : la charte de donation de la vallée aux moines bénédictins de saint Michel de la Cluse dans le Piémont.
Mais comment ce magnifique parchemin en bon état daté de 1091 est-il arrivé jusqu’ à nous ?


Lorsqu’en 1519 les chanoines du chapitre de la collégiale de Sallanches succèdent aux religieux de l’abbaye de saint Michel, ils descendent dans leur résidence principale à Sallanches le gros des archives de leur succursale .C’est là, dans un grenier, que le notaire Bonnefoy les découvrira en 1831 et les transférera chez lui pour les étudier. Plus de 449 liasses de l’ancienne collégiale. Celles- ci avaient échappées à la destruction des armées révolutionnaires.
Le texte de la charte n’était cependant pas inconnu puisqu’en 1660 Samuel Guichenon, érudit, le publia dans son « histoire généalogique de la royale maison de Savoie ». Mais nous devons la redécouverte de la charte à Markham Sherwill qui, en 1832, curieux de l’histoire chamoniarde, rencontre Mr Bonnefoy ce qui lui permet de remettre aux yeux du monde une part de l’histoire chamoniarde : … « à la première vue des vénérables papiers je compris la joie enthousiaste qu’éprouve un antiquaire en découvrant quelques nouveaux trésors… et la poussière qui les recouvrait paraissait aussi vieille que le Prieuré lui-même ». Il publie ainsi en 1831 à Londres la première histoire de la vallée de Chamonix.
En 1879 et 1883 Mr Bonnefoy publie les pièces les plus importantes dont la charte datée de 1091. Photographiée, elle sera alors éditée à plusieurs reprises. Vient alors en 1907 la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les documents sont rapatriés aux archives départementales.
Immédiatement, les historiens se penchent sur ce document précieux .On le soumet à l’Ecole des Chartes où l’historien Maurice Prou écrivait à son collègue annécien «je ne crois pas que l’écriture puisse être de la fin du XIème … On la daterait plutôt du milieu du XIIème, ne serait-ce pas une charte du XIème recopiée ou interpolée ou en tout cas refaite au XIIème ? Remarque intéressante qui ne sera reprise qu’en 1979 par Jean Yves Mariotte qui, directeur des archives départementales, effectua un examen serré et en proposa une traduction précise (texte ci-dessous).
Ce document « vrai-faux », selon Mr Mariotte, a tourmenté nombre de spécialistes car si on s’en réfère aux documents de l’époque, ce parchemin manque de précisions : pas de lieu, pas de date précise. Certes les témoins et les signataires sont bien attestés, mais le texte est bref et on est frappé par l’imprécision dans l’identification. A l‘époque, les dotations énuméraient généralement dans le détail les donations. Surtout on ne mentionne ni les hommes qui, en général, sont toujours cités, et l’on reste dans une description générique trop imprécise. Le rappel au règne d’Urbain II permet de dater la signature entre 1089 et 1099.
Les historiens en concluront que cette charte a été reprise au XIIème siècle. Effectivement, dans ces mêmes archives, deux actes datés de 1202 et 1204 marquent le début d’une série de pièces de plus en plus abondantes qui montrent, selon Mr Mariotte, « une identité de main et une quasi simultanéité chronologique ».
La fameuse charte de la fin du XIème serait donc la transcription abrégée voire la nouvelle rédaction dans la seconde moitié du XIIème voir même plus tard d’un acte ayant réellement concédé aux Bénédictins la totalité de Chamonix.
Pourquoi ?
Il faut savoir qu’à l’époque, lors de donation aux grandes abbayes savoyardes, les seigneurs conservaient « l’avouerie ». C’est-à-dire la protection et la défense du lieu. Il est probable que celle-ci avait été usurpée par d’autres seigneurs (probablement les Nangy). La garde du prieuré fut reprise en1204 par les comtes de Genève. Les moines exhumant un document élagué de toutes dépendances envers les comtes de Genève afin d’affirmer leur autonomie.
La charte attribuée à 1091 serait donc une version remaniée du document original du 12ème siècle, mais le document nous confirme bien que la vallée été donnée aux moines en fin du 11ème siècle.

Source : article de Mr Paul Guichonnet. Journal Le Messager septembre 1991.

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