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Auteur/autrice : Christine BOYMOND LASSERRE

Guide conférencière. Pratique ma profession depuis maintenant plus de 40 ans. Ai acquis une longue expérience et de larges connaissances en terme d'histoire de patrimoine et d'architecture. Toujours passionnée par ces thèmes et ces sujets !

Une belle réhabilitation : le Bellevue

Chamonix prend petit à petit conscience de la valeur de son patrimoine bâti et entreprend la réhabilitation d’immeubles  anciens.

Lorsque l’hôtel  Bellevue est construit, probablement dans les années 1900, et non 1890 comme on l’a bien souvent pensé, c’est une Marie Aline Couttet qui en est à l’origine. Marie Aline est la sœur des deux frères Auguste et Adolphe Couttet, les fameux photographes chamoniards. Elle a hérité de son père de ce beau terrain en bordure de la route nationale et descendant vers l’Arve Avec son époux Henri Médard Weissen, originaire du Valais et concierge pour un bel hôtel chamoniard, elle décide de construire un hôtel. A Chamonix , en ce début de siècle, les visiteurs sont de plus en plus nombreux. Henri connaît toutes les ficelles de l’hôtellerie. Confiants, tous deux se lancent  dans ce nouveau projet .

Un des frères d’Aline, Auguste ou Adolphe immortalisera cette construction, en faisant de ce cliché une photo rare, montrant les détails du chantier. Aucun autre bâtiment en construction ne sera photographié ainsi dans Chamonix.

Cet hôtel possède une vue magnifique justifiant son nom : Bellevue. Il est des plus moderne, possède dès sa construction un ascenseur et le chauffage central dans toutes les chambres. Très vite,  il est réputé pour sa bonne table et l’hiver sa proximité avec la  patinoire et les pistes des pistes de luge puis de ski du Savoy le rend particulièrement attractif ; il connaît un vif succès. L’hôtel sera  durant quelques années la propriété d’un  valaisan Auguste Morand, hôtelier réputé de Martigny . Aurait il aidé Henri au financement du Bellevue ? Pas impossible ! Après 1917 Les Weissen Coutet reprennent le flambeau.

Et après l’achat de la vielle poste dans les années 1930, afin d’en faire une annexe indispensable pour héberger son personnel et celui  des clients,  la famille transformera peu à peu  l’hôtel et aménagera un des plus beaux jardins de la ville. Particulièrement apprécié, c’est peu dire !

Ils auront trois enfants, mais tous les chamoniards se souviennent du dernier, Théau, qui gérera l’hôtel jusqu’en 1972. Passionné de beaux arts,  il aime courir les salles de ventes pour ouvrir plus tard un magasin d’antiquités.

La vente des jardins et la construction de l’Hôtel Alpina devant ses fenêtres signeront la fin de l’hôtel  devenu désuet. Tous les chamoniards regretteront longtemps le magnifique jardin  en bord d’Arve.

Le Bellevue perd ainsi définitivement… sa belle vue.

Chapelle anglaise ou temple protestant ?

Elle appartient à l’Eglise Réformée de France mais certains chamoniards continuent à l’appeler la chapelle anglaise !

Nul n’ignore l’importance de la communauté britannique à Chamonix. Elle remonte au XVIIIe lorsque les premiers visiteurs dans la vallée de Chamonix se révèlent être des anglais.

Par la suite et au cours du siècle suivant, ils marqueront à jamais l’histoire de la vallée. Touristes, scientifiques, alpinistes anglais créeront des liens toujours forts avec les chamoniards.

En ce milieu du XIXe, il manquait aux britanniques, de rite anglican, un lieu pour exercer leur culte. Ce sont les hôteliers chamoniards qui ouvraient chaque dimanche  leurs salles à manger afin d’assurer le service anglican pour leurs clients. Bien vite, ces salles sont devenues trop petites. C’est alors que « la Société de l’église coloniale et continentale de Londres » demande à la préfecture l’autorisation de construire une chapelle. L’accord est donné, mais on les prie de construire au-delà du centre du village. La société acquiert ainsi de  la famille de Mr Desailloud, propriétaire du café de la Fidélité à Chamonix, un terrain pour y bâtir un temple.

La chapelle est construite dès 1859, et inaugurée en 1860. Loin du centre, elle trône, magnifique,  au milieu des prés. D’un côté l’on voyait la chute du glacier des Bossons de l’autre celle de la Mer de glace. Pendant ces années de Belle Epoque,  des chapelains assuraient les services religieux. Ils consignaient  sur un registre tenu à cet effet le nombre des fidèles, les difficultés climatiques, les dépenses effectuées, les personnages importants de passage, le nombre de services. Ceux-ci ne venaient cependant que durant l’été. L’hiver aucun service n’était assuré.

A l’origine le chœur devait, comme toute église anglicane, être orné de vitraux. Seul un a été réalisé, le coût trop élevé et l’arrivée de la guerre ont définitivement arrêté le projet.

Mais lorsqu’il fallait enterrer les quelques anglais décédant dans la vallée, ceux-ci devaient être inhumés dans le cimetière catholique. Et le curé de l’époque manifestait sa désapprobation en ne leur laissant des places qu’hors de l’enclos autorisé.

Ce sont les hôteliers chamoniards ainsi que Venance Payot, maire de Chamonix à l’époque, qui insisteront auprès de la préfecture pour que la petite chapelle anglicane puisse abriter son propre cimetière. En 1871, la communauté anglaise obtient l’autorisation d’y inhumer ses morts. Avec le temps, une vingtaine de britanniques seront enterrés à proximité immédiate de la chapelle.

La première guerre mondiale apporte un changement notoire. Les anglais ne sont plus aussi nombreux à venir à Chamonix. Et peu à peu la chapelle sera utilisée par l’Eglise Réformée de France, bien que les murs soient encore la propriété de « la Société de l’Eglise Coloniale et Continentale de Londres ». Le cimetière accueille alors les inhumations des familles protestantes de Chamonix.

Lors de la loi imposant de mettre les cimetières à l’extérieur des centres villes, la municipalité recevra une lettre de la société demandant expressément que l’on conserve ce petit cimetière à son emplacement afin de conserver la mémoire de ces britanniques qui avaient participé à l’enrichissement de Chamonix ! La commune obtempéra, d’autant que le cimetière était privé.

L’histoire cependant continuera avec les Misses anglaises. Bien qu’anglicanes, elles entretiendront durant la période de l’entre deux guerres l’entretien du temple soutenant le pasteur Chaptal  qui assuraient les services  religieux à la grande satisfaction des protestants de la commune. Et lors de la sombre période de l’occupation de la seconde guerre mondiale, les fameuses Misses participeront d’une manière très active à l’engagement de la résistance. Elles étaient très aimées des chamoniards.

La chapelle anglaise, devenue temple protestant, est cédée en 1970 puis vendue pour un franc symbolique le 29 juillet 1981 à l’Eglise Réformée de France. Cependant, les anglais, de nouveau nombreux à Chamonix, reconnaissent  le temple comme leur chapelle en raison de son histoire plus que centenaire et de l’esprit commun protestant les liants à l’église réformée et bien souvent on peut assister à un mariage anglican assuré par le pasteur de la paroisse du Mont Blanc.

Sources : archives départementales – Eglise réformée de France –

Je m’appelle « Escalade »

Me connaissez-vous?
Vous êtes-vous arrêtés près de moi?
M’avez-vous bien regardée?
Je suis pourtant là, tout près de la Maison de la Montagne.

Je vois défiler du monde, beaucoup de monde…

Mais combien s’arrêtent devant moi?
Savez-vous qui je suis et pourquoi je suis là?

J’ai été réalisée par Gilles Vitaloni, sculpteur diplômé des Beaux Arts de Carrare, sorti de l’école d’art Pietra Santa. Ce n’est pas rien! Il adore travailler le marbre, cette matière si exigeante, si délicate à sculpter.

En 1992, il participe à un tour de France de la sculpture dans le cadre des J.O. d’Albertville et réalise des œuvres d’art en public, Chamonix sera une de ses étapes.
Peut être certains se souviennent-ils de Gilles travaillant devant le foyer de ski de fond de l’époque!
Parce qu’il est à Chamonix, c’est sur un bloc de granit, que Gilles travaille à son œuvre. Certes, la pierre ne provient pas de la vallée mais du Tarn où sont encore exploitées dans les années 1990 des carrières de ce matériau si dur à façonner.
Gilles travaille en public, il aime échanger avec les promeneurs. Il veut que chacun participe à son œuvre. Il s’inspire des remarques faites par les flâneurs.
Il me donne mon nom: Escalade. Oui, car ici dans cette vallée l’alpinisme se confronte à ce granit, si robuste, si compact et si puissant.
Regardez-moi. Admirez les 4 faces de mon bloc !

Je suis à l’image de l’esprit rude du montagnard.
Je suis là, ancrée dans ce paysage, près de cette maison qui voit défiler tant de guides connus ou pas, et dont l’activité, l’escalade, est le cœur de leur vie.
A mon pied le nom de Chamonix est gravé car je devais partir représenter la station ailleurs!
Le choix de mon sculpteur était «ESCALADE»
Finalement je suis restée ici. Gilles a eu la modestie de ne pas graver son nom.
Dommage ! , ne mériterait-il pas d’avoir son nom gravé à mon pied?

Que sont devenues nos clôtures d’antan ?

Du temps ou la vallée avait une activité essentiellement agro pastorale les villages étaient délimités et regroupés afin de conserver au maximum les terrains de culture. Ceux-ci étaient précieux. Aussi afin d’éviter que les  vaches ou les chèvres divaguent  et saccagent les champs  on dressait des clôtures autour des terrains. Dans la vallée ces barrières étaient diverses et variées. Les plus originales étaient les « gires » ces pierres hautes et pesantes  dressées le long des chemins ce qui permettait de canaliser les troupeaux. Mais on trouvait également des petites colonnes de bois de granit entre lesquels étaient suspendues des perches de bois, ou encore entre lesquelles on disposait des palines dont on pouvait facilement changer les segments endommagés.

Que sont elles  donc devenues ?

Peu subsistent. A part Vallorcine et Servoz ou l’on  maintient l’ouverture vers l’extérieur comme au temps de nos anciens la plupart de ces clôtures ont disparues.

Dommage.

Les haies de thuyas « le béton vert » de la vallée, ont définitivement clos les espaces privés et nos traditionnelles clôtures disparaissent peu à peu de nos paysages.

Une belle histoire de famille : les frères Payot

Au fronton du très beau bâtiment Art Déco du centre ville trône une inscription « Frères Payot ».

Mais qui sont donc ces Payot ?

Pierre Payot nait en 1791. Il réside au hameau de  la Mollard. Il participe à l’équipe réussissant l’ascension du Mont Blanc avec Marie Paradis en 1808.  Ce Pierre sera plus tard le guide d’Alexandre Dumas. Il achète au centre du bourg vers 1825-1830 une maison située sur la place Balmat actuelle. Il y installe un commerce de quincaillerie, de ventes d’objets sculptés, car il est tourneur sur bois, mais aussi quelques cristaux et diverses pierres… Un commerce lucratif…

François Joseph Payot
copyright François Payot 
Famille de François Payot 1870 Copyright François Payot 

Son second fils, François, le seconde rapidement dès 1841. Le  magasin connaît un vrai succès … Une sorte de drugstore avant l’heure où l’on pouvait trouver une grande variété d’objets. Devenu  maître de poste, il encaisse les réservations  des diligences s’arrêtant près de sa boutique. Profitant du nombre toujours plus nombreux de touristes, il commence à changer des devises suisses, françaises, anglaises ou sardes… Et avec ce fond de trésorerie, il finit par prêter à Charlet ou à Couttet, ou à Simond, qui font confiance à ce chamoniard de souche qui veut bien attendre les prochaines récoltes pour être remboursé.

François meurt en 1876, il a 55 ans. Il est père de 5 enfants. Deux  meurent en bas âge. Trois marqueront de manière durable la vie chamoniarde : Paul, Jules et  Michel. Les trois  frères font  des études brillantes au Collège Impérial de Bonneville.

Paul, déjà enfant, écrivait « …si tout l’univers était une bague, Chamonix en serait le diamant ». C’est dire l’amour qu’il portait déjà à sa vallée. Jeune homme, il séjourne en Angleterre,  il est secrétaire d’un lord britannique et se familiarise avec  la comptabilité. A la mort de son père François, il prend le relais, il liquide la quincaillerie et concentre ses activités sur les opérations de banque, de crédit, d’assurances et même d’organisation de voyages ! La banque Payot est créée entre 1875 et 1878. L’établissement prospère si bien qu’en 1927 il entreprend la construction au centre de Chamonix d’un bâtiment pur Art Déco pour abriter sa banque, témoin de la prospérité de Chamonix. (voir article sur banque Payot).  Passionné de sa vallée, il devient maire à l’âge de 31 ans, il sera l’un des plus jeunes maires de France. Il reste 12 ans à la tête de la commune de 1888 à 1902.

Maire durant la Belle Epoque, il accompagnera avec enthousiasme les projets du PLM,  l’arrivée de l’électricité, l’implantation de l’Observatoire Vallot, le projet du Montenvers… Paul Payot était très aimé et très  respecté des chamoniards. Son rôle de banquier ou de maire ne l’ont jamais éloigné des nécessités de ses compatriotes. Il meurt en 1939.

Jules, le second fils, fait des études de philosophie. Très intéressé par les  questions de morale et d’éducation,  il écrira de nombreux ouvrages  qui seront appréciés dans le milieu enseignant du début du XXe  siècle. Il fait une magnifique carrière dans l’Education Nationale.En 1907 il est nommé recteur de l’Académie de Chambéry et  d’Aix en Provence, il connaît une réelle reconnaissance  des intellectuels de l’époque. Anticlérical, laïc notoire deux de ses livres seront mis à l’index par le Vatican. Il laisse  quelques beaux ouvrages dont l’un appelé « les Alpes éducatrices » qui montre  son attachement à sa vallée.  Il fera quelques tentatives en politique mais s’abstiendra très vite… Ce n’était pas sa « tasse de thé » !  . La légende familiale raconte qu’il aurait rencontré à Chamonix  un certain Vladimir Oulianov… Le fameux Lénine

Michel, le troisième sera médecin.  Il fait  ses études à Paris et passe sa thèse sur un sujet de chirurgie. Il revient à Chamonix, s’installe et rapidement se fait particulièrement apprécier par les chamoniards dont il prend soin  avec beaucoup d’attention. Curieux, sportif, il découvre avec ses amis, lors d’une exposition Internationale à Paris, des skis exposés par la Norvège. Ce moyen de déplacement le séduit immédiatement.

Très vite, avec ses amis guides, ils entreprennent d’améliorer  les skis et réalisent ainsi équipés quelques belles premières dont la première traversée Chamonix  Zermatt en 1903 avec le fameux Ravanel le Rouge. On le voir partout, à toutes les manifestations de ski, de bob, de patinage, attentif à la bonne organisation des compétitions de ces nouvelles activités chamoniardes. Il crée le premier Club des Sports de Chamonix.

Il assiste, passionné,  au premier concours de ski international à Montegenèvre en 1907   et dans la foulée organise le second concours à Chamonix en janvier 1908. Il crée un comité, le préside et se donne entièrement à l’organisation de ces jeux qu’il veut somptueux.  Parce qu’il n’abandonne pas  ses malades, lors d’un déplacement au village du Tour pour un accouchement, il prend ses skis et par moins 30° il va au Tour. Cette expédition lui sera fatale. Très malade, il se relève cependant pour accueillir l’équipe norvégienne de ski. La pneumonie s’installe et Michel Payot  meurt quelques jours plus tard à l’âge de 39 ans . Chamonix est atterré, attristé et ce seront plus de 2 500 personnes qui seront présentes à son enterrement.

En 1912 une statue est élevée en son honneur, elle disparaît malheureusement  durant la seconde guerre mondiale.  Le maire Jean Lavaivre accorde une concession perpétuelle au cimetière. Et on le retrouve sur la fresque de la rue Paccard.

Michel Payot laisse un souvenir ému dans la vallée.

Les trois frères auront laissé chacun leur marque à tout jamais dans l’histoire de la Vallée de Chamonix

UN GRAND MERCI à FRANCOIS PAYOT descendant de de Paul Payot banquier qui m’a largement aidé pour constituer ce dossier sur sa famille.

Un ancien mayen à Vallorcine : Le hameau de la Poya

Bien caché, accessible uniquement à pied, ce petit hameau de la Poya est plein de charme. Ses habitants ont trouvé là un lieu de tranquillité où ils ont délibérément choisi de vivre isolés. La Poya  abrite une dizaine de maisons, plutôt petites et regroupées les unes contre les autres. Ici la voiture ne peut accéder que pour des raisons impérieuses mais elle doit repartir immédiatement. Elle n’a pas de raison de stationner dans  ce milieu préservé.

Mais qu’était-il  donc avant que la vie moderne s’en empare ?

Ces maisons trapues n’étaient pas des  maisons d’habitation, mais de petites écuries de printemps. L’usage de ces écuries  a varié avec le temps. L’hiver, entièrement recouvert par la neige, le hameau était inoccupé. C’était  un « mayen » (terme venant du Valais) désignant  des écuries  construites un peu plus haut dans les pentes et utilisées au mois de mai après les longs mois d’hiver. Ici, pendant quelques jours, à la remue, puis, ensuite, à la descente d’alpage, les bêtes pouvaient trouver l’herbe nécessaire à leur nourriture.

A la Poya, ce sont des chèvres qui occupaient essentiellement les pâtures, qui d’ailleurs s’étendaient  jusque dans le vallon de Bérard ! Regroupées en troupeau collectif, la gestion en  devint communautaire. Ces écuries étaient équipées parfois d’une chambre où pouvait dormir un membre de la famille. La commune de Vallorcine  impose alors la présence d’un chevrier engagé pour la saison, mais ce pouvait être aussi un petit vallorcin qui se voyait là confier une charge bien lourde!  On embauche ainsi de jeunes enfants parfois de moins de 10 ans ! Ces chevriers devaient être nourris par les propriétaires de chèvres. Et celui qui avait la charge du chevrier devait alors l’aider à sortir les chèvres. D’ailleurs, après la période de la scolarité obligatoire en 1881, ce sont des jeunes valaisans qui seront embauchés, les enfants vallorcins ayant l’école obligatoire jusqu’au 14 juillet ! Au début, matin et soir, chaque famille venait traire ses bêtes et ramenait le lait à la maison où était fabriqué le fromage.

En 1893, pour aider les paysans, est créée une société laitière et l’on construisit en haut du village une laiterie « tournaire » ouverte à tous. Il a fallu alors s’organiser. Chacun  allait traire ses chèvres et portait à la laiterie son lait qui était mesuré dans un bidon de 10 litres. Bidon muni d’un voyant transparent sur le côté gradué par hectolitre. Le nombre de litres de lait  de chacun était inscrit sur un livre de comptes. Par ailleurs, chaque propriétaire, en fonction du nombre de chèvres qu’il possédait,  était inscrit à un tour de rôle. En fonction de ce  tour de rôle chaque sociétaire fabriquait chacun à son tour les fromages de la traite générale  du jour. Et les fromages étaient répartis au prorata des litres de lait que donnait chaque traite.

Article 1995 . Nathalie Devillaz –  Dauphiné Libéré

Aujourd’hui, ce hameau bien préservé,  fait l’objet de soins attentifs de la part de  ses habitants locaux ou secondaires , dont deux y vivent à l’année .

Passant, souviens toi de ces vallorcins et  de ces jeunes chevriers  qui menaient là une vie bien rude !

Sources : Vallorcine de Françoise et Charles Gardelle, Revue du musée vallorcin Evlya numéro 7, Vallorcine autrefois de Nathalie Devillaz, article du Dauphiné Libéré de Nathalie Devillaz

Les pérégrinations de l’église de Servoz !

L’église saint Loup est la plus ancienne église de la Vallée de Chamonix

En 1091,  lors de la donation de la vallée de Chamonix à l’abbaye bénédictine de Saint Michel de la Cluse,  le village de Servoz dépendait des sires du Faucigny  pour la partie située au nord  du confluent de l’Arve et de la Diosaz.  En ce XIe siècle,   une  paroisse  dénommée «  paroisse du lac » existait déjà et, semble t’il, dépendant du prieuré de Peillonnex  situé en Faucigny pas loin de Bonneville.

L’église était  située à peu près  au niveau de l’actuelle chapelle Notre Dame du lac  et donc sur la rive gauche de l’Arve. Avec cette donation,  elle se trouvait sur  le territoire du prieur de Chamonix ! Mais la paroisse, elle,  s’étendait sur l’ensemble des hameaux aussi bien rive droite que rive gauche. Pas simple !  Donc une église sur le territoire du prieur mais une paroisse sur le territoire des Faucigny…!  Cette limite de territoire ambiguë entraîne, dès les débuts de l’histoire de notre vallée,  des conflits,  ou des accords signés  en fonction des besoins et  des pouvoirs de certains que ce soit du côté du prieuré de Chamonix, de  la famille de Faucigny, de la noblesse locale ou encore de  la paroisse qui a dépendu pendant longtemps du prieuré de Peillonex. Peu de documents existent sur cette première église.

En 1337, il est décidé de reconstruire une nouvelle église sur la rive droite de l’Arve, est ce pour échapper au prieur de Chamonix ? Peut être bien ! Cette église n’était sans doute pas très riche à la lecture de l’inventaire et du procès verbal réalisés par Mgr Jean de Bertrand venu le 15 août 1413. « Eglise pauvre, mauvais toiture, bons paroissiens » !

Mais c’était sans compter sur les éboulements du massif des Fiz qui jalonnent l’histoire de la plaine de Servoz. L’effondrement  de 1471 modifie les cours de l’Arve et de la Diosaz et l’église, du coup,  se retrouve à nouveau sur la rive gauche de l’Arve, si bien que le  prieur de Chamonix  estime que la paroisse doit tomber sous sa juridiction. Il  proteste à chaque venue de l’évêque pour en obtenir la gouvernance.  C’est vers 1484 que l’appellation passera de notre Dame du Lac à Eglise Saint Loup, en effet la légende raconte  que l’archevêque de Tarentaise fit don à la paroisse des reliques de ce saint.

Les « chirves » résistent au prieur de Chamonix ! Pour échapper définitivement « aux atteintes de l’inondation et de la juridiction du prieur »  les paroissiens décidèrent en 1537 de construire  l’église du Bouchet   à son emplacement actuel.

L’église, telle que nous la connaissons’ sera construite de  1694 à 1697 et consacrée en 1702. Il est évident que les bâtisseurs de l’époque utilisent des éléments qui appartenaient à l’église antérieure puisque la date 1537 est inscrite en haut de la porte latérale.

Cette église a conservé son très bel aspect  d’origine, la façade élégante est  typique des églises baroques  du XVIIIe.Le porche abrite la porte d’entrée dont les vantaux, bien qu’endommagés durant la période révolutionnaire,  sont un magnifique travail d’ébénisterie. Là on retrouve saint Loup, vocable de la paroisse,  en tenue d’évêque,  écrasant un petit dragon.

Le décor intérieur démantelé aux cours de la frénésie révolutionnaire  retrouvera un nouveau décor en 1838 pour le maître autel et  en 1842 pour les deux autels latéraux.

le clocher édifié en 1746 mais détruit lors de cette même période de la révolution sera refait en 1854.

Les divers travaux réalisés dans les années 1930 puis 1950 ne seront que des petits travaux qui hélas n’empêcheront pas la détérioration progressive des murs « mangés » par le salpêtre .

Enfin en  2015 la fondation du patrimoine offre une somme conséquente pour entamer des travaux de rénovation. L’église de Servoz va enfin retrouver son éclat des temps anciens.

Sources : Histoire des communs savoyardes, monographie de Servoz de l’abbé Michel Orsat, Le Mont un hameau de Servoz ( association histoire et traditions)

L’histoire du SAVOY Hôtel devenu Folie Douce en 2018

L’hôtel le  Savoy était occupé depuis 1963 par le CIT puis en 1970 par le  Club Méditerranée. Cette année il va vers un nouveau destin. Mais connaissez vous son histoire ?

Photo collection Gay Couttet

Elle s’appelle Sarah, est la quatrième de la fratrie de 5 enfants de la famille François Couttet dit « Baguette ». Elle a 16 ans à la mort de son père, 18 à la mort de sa mère.  Élevée dans la pure tradition hôtelière depuis sa petite  enfance, elle seconde sa sœur aînée Aline  pour gérer l’hôtel familial du Grand Hôtel Couttet, jusqu’à la majorité de ses frères Jules  et Joseph.

En 1899 à l’âge de 26 ans elle se marie avec Adolphe Tairraz le frère du grand photographe Georges Tairraz. Dans la succession elle hérite d’un beau terrain au pied du Brévent. Et c’est là qu’en 1901 elle lance avec l’aide d’un emprunt auprès d’une banque suisse la construction d’un hôtel de luxe. Elle l’appelle le Savoy Hôtel, nom choisi en raison du célèbre « Savoy Hôtel » de Londres connu par toute la clientèle internationale. C’est le cabinet d’architecture genevois De Morsier et Weibel qui construit cet élégant hôtel à l’image des palaces européens. Celui-ci connait immédiatement un vif succès. C’est le premier hôtel à posséder l’eau courante dans toutes les chambres dont les suites possèdent des salles de bain. Un ascenseur est installé

en 1903 et un orchestre joue tous les soirs dans la grande et magnifique salle à manger de l’hôtel.

Adolphe meurt  en 1906 la laissant seule avec 2 enfants Armand et Germaine. Elle a 33 ans. Seule, elle gère avec brio l’hôtel. En pleine Belle Epoque le Savoy Hôtel connait un réel succès. On y voit la reine d’Italie, son altesse impériale et royale Otto de Habsbourg, la belle actrice Rose Caron ou le milliardaire américain Pierpont Morgan et même le légendaire Buffalo Bill en 1907 !  Elle s’engage alors dans le projet d’un agrandissement. Sous la conduite d’un autre cabinet d’architecture genevois c’est Joseph Guglielmetti entrepreneur ambitieux qui le réalise.  Ce sera la magnifique aile couronnée d’un toit pyramidal et sur lequel elle fait sculpter une croix de  Savoie de chaque côté du balcon supérieur. Dans la même année elle inaugure cette aile particulière et  épouse l’entrepreneur le 7 juillet 1911 avec qui elle aura 4 enfants.

 Publicité été avec les tennis années 1935 Collection Bernadette Tsuda

L’hôtel prend le nom de Savoy Palace.

Il connait alors ses heures de gloire jusqu’à l’entrée en guerre de la première guerre mondiale. Les années d’après guerre appelées les « années folles » voient arriver au palace une clientèle excentrique, riche.Les journaux locaux se font l’écho de ces fêtes somptueuses se déroulant au Savoy palace : « orchestres, danse, bals masqués,  fêtes mondaines et galas, compétitions de tennis » sont les publicités de l’époque. Avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale son fils Armand Tairraz prend la relève et gère le palace un temps avec son demi frère Charles Guglielmetti.

En 1945-1946 l’architecte Henri Jacques le Même aménage la terrasse supérieure. L’hôtel reprend en 1947 son nom d’origine « Savoy Hotel » perdant sa qualité de palace, Armand ayant beaucoup de peine à maintenir à flot cet ancien hôtel de luxe. Les travaux de modernisation sont trop coûteux et de plus il ne s’entend guère avec son demi frère et les frais liés à l’indivision sont  particulièrement élevés pour Armand.

Le glorieux établissement sera finalement acheté en 1960 par le baron Elie de Rotschild, très vite il se rend compte qu’il perd chaque année 50 millions de francs. Confié à un fond de pension l’hôtel est  loué au CET ( (club européen du Tourisme) en 1963 . Ce CET Absorbé par le Club Méditerranée  le Savoy deviendra en 1970 un de ses fleurons.

Depuis de nombreux travaux ont été réalisés. Mais quasiment tout du décor original disparaît dans des travaux de modernisation. Fort dommage car on aurait pu, à l’image du Majestic, garder et rénover au moins l’ensemble des salons et salle à manger ! Même l’escalier principal a disparu !

Le Savoy Hôtel n’est plus occupé par le Club Méditerranée. Propriété d’un fond de pensions il est à ce jour loué à un nouveau groupe hôtelier appelé Folie Douce.

L’ensemble du rez de chaussée a été entièrement détruit pour ne faire qu’un seul et unique espace .   Plus rien n’existe du palace d’antan , ici les murs sont bruts de décoffrage! Le décor est surprenant ! parfois intrigant. En tout cas très décalé. Certains peuvent aimer !

La façade principale est , de nuit, éclairée par une lumière passant du bleu au rose…à l’image des maisons closes des années 1900 !

L’entrée ouvre sur un bar monumental, de là un escalier conduit dans une fosse où musique ,  danseurs , clients se mêlent dans une rumeur houleuse et bruyante. Trois restaurants aux thème différents se trouvent sur le même niveau. 250 chambres aux tarifs variés du très cher au bon marché, 220 personnes y travaillent….

Le temps passe, que restera t’il de cet ancien palace fleuron de l’architecture chamoniarde .

Les deux Croix de Savoie ornant le balcon supérieur de l’aile construite en 1911 et la très belle ferronnerie typique Art Nouveau

Avril 1956 : la terrible affaire de la Vallée Blanche

A Pâques 1956, à Chamonix, de très bonne heure le matin, une équipe de trois personnages part en direction de la Vallée Blanche. Paul Démarchi, guide renommé de la vallée, avait été contacté par le « beau Muck » afin de conduire à Courmayeur un de ses proches, Mr Frédéric Ebel, en passant par le col du Géant.

 Paul ne se pose pas vraiment de question sur cette demande un peu curieuse en cette saison de la part de ce client.  Tous trois empruntent le chemin traditionnel passant par le petit refuge du Chapeau où ils font étape. Paul emprunte une paire de gants au gardien Luc Couttet. Ensuite ils remontent la Vallée Blanche. Le temps n’est pas vraiment au beau, mais Paul, guide chevronné, ne semble pas inquiet et annonce son retour dans la soirée. Le Chapeau est le dernier endroit où on les voit en vie !

   PAUL DEMARCHI
 Le beau MUCK

Ce jour là on relève des températures de -30° ! La tempête s’est levée sur la Vallée Blanche. Luc Couttet, inquiet, espère qu’ils se sont réfugiés au refuge du Requin. Mais Rien. 55h après leur départ, sans nouvelles , on s’alarme dans la vallée. Paul, , guide d’une très grande expérience, est habitué aux coups durs… Son silence est inquiétant. Le guide chef Camille Tournier lance les secours.Trois guides, dont le frère de Paul, obtiennent l’autorisation d’emprunter le téléphérique de l’Aiguille du Midi qui n’est pas encore en activité. C’est la tourmente. Ils enfoncent dans la neige profonde, le cheminement est difficile, il n’y a aucune visibilité… Mais soudain ils distinguent une tâche noire, en s’approchant ils voient une paire de skis fichés dans la neige. Eux, les guides, en connaissent bien le sens …C’est le signe d’une catastrophe ! On devine une forme humaine sous la neige. Le frère de Paul reconnaît son frère. Il est couché sur le dos, la tête tournée sur le côté. Cette force de la nature qu’était Paul est mort !
Le lendemain, quatorze sauveteurs partent à la recherche des deux autres compagnons de l’équipée. Plus bas, au dessous du passage de la Vierge, on découvre Muck, le corps plié en deux, et plus loin encore dans une crevasse, enseveli sous la neige, la troisième victime, Frédéric Ebel.
Mais que s’est il donc passé ?
Paul, le plus robuste d’entre eux, décédé à cent mètres du tunnel de l’Aiguille du Midi ! cela semble incompréhensible à l’ensemble de la communauté chamoniarde. La même interrogation se pose à propos du « beau Muck », lui-même grand sportif, habitué aux rigueurs de Chamonix. Comment se sont ils laissés prendre par la tempête ?
A cette même période la gendarmerie s’apprêtait à interpeller Mr Ebel, recherché par Interpol pour trafic d’or.
Ebel a-t-il cherché à passer la frontière le plus rapidement possible pour échapper à la police ? Il fait appel au meilleur des guides de l’époque Paul Démarchi. Avec la tempête, Paul a-t-il voulu rebrousser chemin ? Mais pour Ebel il n’en n’était pas question et un guide comme Paul n’abandonne pas son client. Ils ont donc continué en direction du col du Géant , mais le froid, la tempête persistant, son client s’affaiblit. Probablement Paul a-t-il décidé de dévier son chemin pour aller au plus prés des secours, c’est à dire vers le téléphérique de l’Aiguille du Midi. Frédéric Ebel mourant de froid, Muck également, Paul a dû partir pour aller chercher des secours. Il arrive à cent mètres de son but mais il succombe à son tour. . A Chamonix, on est abasourdis. D’autant que ses gants étaient dans son sac, tous trois étaient habillés légers, leurs vêtements chauds dans leur sac… Un mystère !
Alors certains s’imaginent que peut être, comme Ebel avait rencontré avant son départ d’autres trafiquants, les trois compagnons auraient été empoisonnés. On pratique donc une autopsie. C’est la stupeur à Chamonix, mais aucune trace d’empoisonnement n’est décelée. L’’affaire est close, laissant les chamoniards perplexes face à la mort de ces deux personnalités qui avaient marqués la vie locale.

 PAUL DEMARCHI : un homme généreux
On l’avait surnommé le « Saint Bernard des neiges » en raison des nombreux secours qu’il avait réalisés dans le massif. Une quarantaine, dont certains dans des conditions extrêmes. En février 1938, il avait participé au secours du fameux alpiniste genevois Raymond Lambert perdu aux Aiguilles du Diable avec son équipe. Des heures durant, les sauveteurs luttent contre le blizzard avant de découvrir les trois malheureux grelottant au fond d’une grotte. La redescente sera un enfer et Paul perdra plusieurs de ses orteils. Plus tard, il s’engagera dans les combats contre l’ennemi et après guerre il partira régulièrement à la recherche des alpinistes en détresse. Il était un homme d’une résistance hors du commun. Lors de la construction du refuge du Couvercle, il transporte seul, du Montenvers au chantier, une plaque de fonte de 120kgs ! Et c’est encore à lui que l’on fait appel, aidé des ses frères Gérard et Roger et de trois compagnons italiens, pour descendre le câble d’une tonne et mesurant plus d’un km dans la face nord de l’Aiguille du midi jusqu’au au Plan de l’Aiguille, une performance défiant tout entendement !
Paul Démarchi laisse dans la vallée l’image d’un guide tout a fait exceptionnel et sa mort sera un des souvenirs les plus douloureux pour les chamoniards !

Sources : Revue Détective 1957, Revue la montagne année 1956, Journal le Temps 1956, INA Pierre Bellmare, Revue Relief.

Qui était donc Sylvain Couttet ?

Aux Rebats se trouve une des maisons  typiquement chamoniarde de la fin du XIXe. Édifiée à une période où l’on redoute les incendies destructeurs, son propriétaire l’a édifiée  selon un style purement local.  Construite en pierres et ciment recouverts de crépi, elle est toute simple.

A sa construction, en 1898, elle fut construite pour devenir la « Pension Sylvain », ce qui justifie évidemment quelques chambres ouvertes sur un balcon pour profiter de la vue sur le Mont Blanc. Mais qui est donc ce Sylvain ?

Ce Sylvain fait partie de ces personnages emblématiques oubliés de l’histoire locale. Sylvain Couttet, guide, a laissé dans la mémoire alpine quelques souvenirs remarquables. Particulièrement dynamique, il tient avec sa femme le pavillon  de Pierre Pointue situé sur le chemin vers le Mont Blanc. C’est là qu’il va se faire remarquer, car volontiers disponible, il accompagne bien souvent de nombreux touristes vers la cabane des Grands Mulets et vers le sommet du Mont Blanc.

En 1866, en raison du nombre croissant de visiteurs, la compagnie des guides décide d’édifier un nouveau refuge aux Grands Mulets. Sa construction est confiée à Sylvain Couttet, à  charge pour lui de transporter les matériaux, ce qui sera fait avec l’aide des guides chamoniards.

Cette même année il interrompt ses  travaux pour  participer aux secours lancés par le guide François Couttet et Gabriel Loppé partis à la recherche d’un des frères Young décédé au cours de la descente du Mont Blanc.

Toujours en 1866,   plus tard dans la saison, parti avec le capitaine Arkwright,  il échappe à l’avalanche meurtrière qui ensevelit le capitaine et deux de ses guides. Désespéré,  il assure durant plus de 15 jours les recherches afin de retrouver ses compagnons d’infortune mais jamais il ne retrouva le corps du jeune anglais !

Plus tard encore, en 1870, lors de cet été mémorable où le temps n’a jamais été clément, on retrouve notre gardien toujours prompt à partir au secours des accidentés, malheureusement cet été là sera un été funeste puisque onze individus décédèrent en raison du très mauvais temps.Il montre toujours une grande compassion envers les familles.

Sylvain va tenir ce refuge de 1866 à 1881. A la lecture des journaux de l’époque,  les alpinistes parlent de lui comme… « le meilleur guide de Chamonix, qui passe sa vie sur les glaciers et qui a conduit de nombreux voyageurs au sommet de la cime ; il est de bon conseil, bon à l’action, a l’expérience de la montagne, a du sang froid, est courageux et est une force de la nature… »…

Le 31 janvier 1876,  à 42 ans, il participe à la première ascension du Mont Blanc en hiver avec le couple Charlet-Stratton . Et c’est à lui que l’on doit le récit de cette ascension publiée dans les journaux de l’époque.

En 1881, il abandonne la gestion du refuge des Grands Mulets. Il tien l’hôtel Beau Site et  en 1898 la maison du personnel devient une pension appelée Pension Sylvain. Il n’en profite que très peu puisqu’il décède en 1900.

Sa femme Marie Denise Charlet, avec qui il avait escaladé le Mont Rose en guise de voyage de noces, tient l’auberge jusqu’en 1907, année de son décès.

Bibliographie : Le Mont Blanc de Charles Durier, Les fastes du Mont Blanc de Stephen d’Arve, le « XIXe » journal quotidien l’Abeille, « le petit journal »

L’hôtel Fin Bec ou l’hôtel Lutetia ?

En juin 1888, la préfecture de Haute Savoie autorise Auguste Alfred Couttet, voiturier et guide , à « …construire une maison sur le côté droit de la Route Nationale ». Décédé dix ans après, c’est sa fille Augusta Ernestine qui, héritant d’un quart de la maison construite par son père , rachète le reste à son frère. Avec son mari Jean César Couvert ils créent en 1902 l’hôtel «  Fin Bec et des Fonctionnaires ». Il abrite 20 chambres. Ce petit hôtel propose une cuisine dite « bourgeoise »

Et oui ! On ne s’appelle pas hôtel « Fin Bec » pour rien ! Et la qualité d’un restaurant fait la renommée du lieu ! La publicité précise qu’il y a de l’électricité, une chambre noire, le chauffage central et des bains. Certes, nous ignorons si les bains étaient dans toutes les chambres, probablement pas. L’habitude à l’époque était d’avoir une salle de bains à l’étage. Mais la précision de l’électricité, qui n’était pas toujours généralisée dans Chamonix, et l’installation du chauffage central nous montrent le désir de la part du propriétaire de proposer un hôtel confortable et chaleureux ! Il est intéressant aussi de noter la remarque sur une « chambre noire ». En fait, déjà à cette époque, les appareils de photographie s’étaient miniaturisés et les clients aisés possédaient leurs propres appareils. Avec une chambre noire, ils pouvaient procéder à la technique du développement de leurs photos. Un argument de poids pour le client passionné. Et afin de rassurer la clientèle potentielle, on précise bien que le propriétaire, Jean César Couvert, est ancien chef de brigade de gendarmerie. Pour rassurer la clientèle ? Pour inviter les fonctionnaires à se rendre dans cet hôtel là plutôt qu’un autre ? Probablement les deux !

En 1908, l’hôtel prend le nom d’Hôtel-restaurant du Fin Bec, officiellement tenu par Couvert-Couttet. Il perd son appellation des fonctionnaires.
Manifestement, l’hôtel fonctionne car bien répertorié par le Touring Club, référence importante de l’époque. A partir de 1927, l’hôtel est mentionné comme Hôtel Fin Bec et Lutetia. Pourquoi ce nom ? Est-ce en rapport avec le Lutetia du boulevard Raspail à Paris. Peut être !

Il est vrai que la famille entreprend d’agrandir l’hôtel. En 1929 on le surélève de 3 étages. Il est tenu par l’ensemble de la famille « Couvert-Couttet et fils ». Il y a alors 52 chambres, presque toutes face au Mont Blanc et au 1er étage sont créées deux appartements avec cuisine, nouveauté à l’époque. Le dernier étage , sert de séchoir à linge les jours de mauvais temps mais aussi de réservoir à eau. Ce Lutetia a un petit air d’hôtel parisien avec son toit à la Mansart !

Mais la guerre arrivant, l’hôtel, comme nombre d’hôtels à Chamonix, ferme. En 1939 il est réquisitionné un temps par l’armée française pendant la période 1939-1940. Il est bien difficile de le rentabiliser avec la menace de la guerre, la clientèle est rare. L’hôtel finalement ferme. De plus, en 1942 meurt Jean César Couvert. L’immeuble est alors divisé et vendu en appartements.

Un des héritiers, Martial Couvert (fils d’Ernestine), rachète le rez de chaussée afin de continuer d’exploiter avec sa femme Alice un restaurant brasserie qui, toujours appelé le Fin Bec, puis finalement le Lutetia, connait une belle réputation. Martial avait fait l’école hôtelière Lesdiguères de Grenoble et la réputation du restaurant n’était pas usurpée. Un beau livre d’or rappelle le souvenir du passage de Maurice Baquet, Jean Constantin, Lionel Terray, la patineuse Jacqueline Vaudecrane, l’actrice Ann Todd ou encore l’acteur Jean Tissier ou le réalisateur David Lean.

A ce jour le Lutetia trône ainsi face au Richemond au cœur de la rue Michel Gabriel Paccard et nous rappelle ainsi les temps ou un chamoniard (Alfred Auguste Couttet), voiturier en contact avec une belle clientèle, entreprend de se lancer dans l’hôtellerie et dont les enfants sauront se mettre au goût du jour. Une belle histoire locale !

 

Merci aux membres de la famille Couvert qui ont bien voulu m’ouvrir leurs archives .

L’Amitié et la solidarité : 2 vertus précieuses pour les alpinistes polonais

Tous, nous avons été impressionnés, récemment  par l’engagement sans faille de l’équipe de 2 grimpeurs polonais ( Adam Bielecki et Denis Vurubko)qui, sans hésitation, se sont précipités en abandonnant leur projet initial au K2 pour se lancer au secours d’ Elisabeth Revol et de leur ami alpiniste  Tomek Mackiewiz perdus sur le Nanga Parbat.

Cet engagement  de la part d’alpinistes polonais en haute montagne nous fait penser à un engagement similaire se déroulant dans la vallée de Chamonix en 1957.

Stanislaw Gronski

Stanislas Gronski, polonais originaire de Zakopane, était un alpiniste chevronné.

En août 1957, Il enchaîne quelques sommets dans les Alpes françaises et se lance dans la traversée du Mont Blanc. Il n’en  revient pas. Les secours sont engagés pour le retrouver.  Immédiatement,  se  joint aux sauveteurs  locaux un des ses chers amis de montagne et d’escalade, Wawrzyniec Laurent

ZULAWSKI.  En ce mois d’août,  il n’est pas à Chamonix, il est à Paris. Il se précipite et forme une équipe franco-polonaise pour essayer de retrouver son compagnon.   Il ne peut supporter l‘idée que celui-ci ait disparu. Hélas, le 18 août, sans avoir retrouvé Gronski, Zulawski  est emporté à tout jamais par une avalanche de séracs sous la pente septentrionale du Mont Blanc du Tacul  et paye ainsi de sa vie sa tentative de sauvetage.

Les deux hommes  reposent depuis dans les entrailles du glacier. Ils n’ont jamais été retrouvés. Leur amitié indéfectible et  leur passion alpine les a rassemblés désormais sur les pentes du Mont-Blanc.

Sur le mur du cimetière de Chamonix,  deux plaques commémoratives  immortalisent la mémoire de ces deux grands alpinistes.

Par ailleurs ces deux  hommes étaient des personnages hors du commun. Alpinistes connus de l’histoire alpine, ils avaient tous deux été des résistants notoires. Stanislas Gronski avait  beaucoup aidé à s’enfuir par la montagne polonaise ceux qui cherchaient à fuir la dictature nazie, il avait, par ailleurs,  participé à la révolte de Varsovie.

De même Zulawski , alpiniste de renom, avait participé en 1937 à la 12ème ascension du Mont Blanc par l’arête de l’Innominata et en 1938 à la traversée orientale du Mont Blanc par l la Sentinelle Rouge. Résistant dès les premières heures, il avait caché chez lui des juifs à plusieurs reprises, ce qui lui a valu après la guerre d’être nommé « Juste ». De plus, il était musicien,  compositeur, et  aussi auteur de  cinq ouvrages sur l’alpinisme. Un très grand « Bonhomme »,  non grisé  par le succès et qui n’a su écouter que son cœur pour partir à la recherche de cet ami si précieux.

Sources : revue polonaises de montagne Taternik. Archives de la ville de Zakopane. Cimetière de Chamonix

L’ Ange protecteur

Je suis « l’ange protecteur  de Chamonix ». Je suis là pour protéger  la vallée de Chamonix,  tout particulièrement  pour veiller sur les alpinistes avant leur départ en montagne.

 Caché, peu me connaissent !

 Je suis juste à l’arrière de la Maison de la Montagne au-delà de la passerelle.

Je viens de Davos,  offerte  pour les 25 ans du jumelage de nos deux stations. Mon sculpteur, Andréas Hofer a été choisi pour symboliser cette amitié commune. Il aime ce monde magnifique et rude de la montagne c’est pourquoi il a été choisi pour me réaliser !

J’ai de nombreux autres coreligionnaires me ressemblant dans les montagnes de Suisse et d’Autriche.
Venez donc me voir !

Le clocher de l’église de Chamonix…surprenant

La structure  du clocher de Chamonix est  la construction la plus ancienne  dans la vallée car la partie maçonnée date du 12ème siècle, on a en effet retrouvé à sa base la date de 1119. A l’origine, au Moyen Age, le  clocher se trouvait à gauche de l’église qui était orientée  perpendiculairement à l’actuelle.

A la suite d’un incendie l’église fut reconstruite en 1709 dans le sens d’aujourd’hui. C’était une église baroque magnifique mais nous n’en avons pas de représentation picturale. Un tableau  représentant le bourg de Chamonix  avant la période révolutionnaire date de 1742. Il est réalisé par Martel, visiteur naturaliste venu à Chamonix . On voit le village blotti aux pieds des montagnes et l’église nous apparaît avec un clocher pyramidal, donc bien différent de ce qu’il est actuellement.

En 1758 l’ensemble des toitures et du clocher disparaît de nouveau dans un incendie. Le clocher est probablement reconstruit mais nul ne connaît sa nouvelle apparence.

A la période révolutionnaire, le gouverneur français nommé à la tête  du nouveau département du Mont Blanc, Mr  Albitte,  exige la destruction de tous les clochers savoyards. En 1794 la flèche sommitale est abattue…Tous nos clochers disparaîtront du paysage savoyard. En 1807, le clocher est reconstruit selon l’aspect traditionnel des clochers à bulbe savoyards. Un dessin de Ruskin ( apartenant au musée alpin) nous montre le  clocher chamoniard  avec sa flèche et son bulbe.

Le bulbe  était recouvert d’ancelles, mais en  1864, lors des travaux  d’agrandissement de l’église,  la crainte d’un nouvel incendie incite les chamoniards à remplacer les ancelles par du fer blanc étamé, tandis que la base  sera recouverte d’ardoises. Mais le fer blanc s’oxyde,  l’humidité pénètre la structure,  elle s’infiltre partout menaçant la charpente intérieure. En 1934 on remplace ces anciennes plaque de fer blanc par du cuivre, sensé mieux protéger l’ossature de la flèche .Malgré tout, dès les années 1995, la partie sommitale est de nouveau menacée par l’humidité. Il faut restaurer le clocher. Ni le fer blanc, ni le cuivre n’ont donné satisfaction. Que faire pour restaurer ce magnifique clocher de manière pérenne dans ce climat où les matériaux subissent de grands écarts de température qui déstabilisent les matériaux de recouvrement ?

On pense à un nouveau matériau coûteux et habituellement utilisé dans l’aéronautique ou pour les implants médicaux. C’est le le titane, il est léger,  il résiste mieux à la chaleur que l’aluminium, il est plus dur que l’acier et pèse moitié moins. Sa dureté est « virtuellement égale à celle du verre et du granit et proche du béton » Donc les contraintes sur le titane sont très faibles. S’inspirant des couvertures traditionnelles, les plaques de titane seront découpées en forme d’écailles. Le titane ne se soudant pas, on imaginera des clous spéciaux inoxydables afin de pouvoir  fixer l’ensemble sur la structure. Ainsi le clocher de l’église de Chamonix entre en l’an 2000 dans l’ère de la modernité!

Oui, c’est cher,  mais on peut espérer que les générations futures n’auront plus à s’inquiéter de l’entretien coûteux du lanternon du bulbe et  de la flèche.

Longue vie à notre clocher chamoniard 

Sources : Archives de la commune de Chamonix- Revue Pierre d’Angle.

La météo capricieuse en 1924 pour les JO à Chamonix

Ce 25 janvier  1924, à l’ouverture  de cette « Semaine Internationale de Sports d’Hiver » se déroulant à Chamonix et  qui prendront par la suite le nom de Jeux Olympiques,  les conditions météorologiques suscitaient pas mal d’inquiétude !

 

Au début du mois de décembre 1923, il n’y avait qu’à peine 10 cm de neige dans la vallée. Vers le 20 décembre,  l’épaisseur atteint 25cm. Puis la semaine suivante plus d’un mètre de neige  tombe  à Chamonix. De nombreuses avalanches se déclenchent et les routes sont coupées. L’épaisseur de neige au sol le 27 décembre est de 1.40mètre . Ainsi , le fameux et immense stade de glace construit pour l’occasion est,  un mois avant l’ouverture,  recouvert d’une épaisse couche de neige L’armée est sollicitée  pour participer aux travaux de déneigement. On fait également appel aux chamoniards qui donneront de leur temps pour honorer cette fête à venir.

En  début de janvier 1924, il se met à faire un temps splendide, froid et sec, qui persiste durant deux semaines, à la satisfaction de tous. On travaille dur. A la mi janvier, grand redoux. Pluie, gel se succèdent… Il se met à pleuvoir des trombes d’eau les 19 et 23 janvier ! La patinoire se transforme en lac à la veille de la cérémonie d’ouverture ! En 24 h grâce aux bénévoles et à l’armée et au  temps qui  se remet au très beau et très froid, on remet en état la patinoire qui doit servir pour l’inauguration.

Le jour de l’ouverture  tout est prêt. Il ferra un temps splendide mais très froid durant toute la période des jeux ! Les températures resteront  glaciales accompagnées d’un vent vif et de tourbillons  de neige aveuglante rendant les compétitions parfois très  difficiles, autant pour les compétiteurs que pour les jurys. Certains concurrents des courses de ski de fond (18km et 50km) eurent les doigts gelés, beaucoup abandonnèrent… L’équipement n’était pas celui que nous connaissons maintenant bien sûr.

Comme quoi la météo, de tous temps, est parfois bien capricieuse !

Presqu’un siècle plus tard, on connaît toujours ce type de temps à Chamonix en janvier !

 

 

 

 

 

 

Chamonix ou Vallée de Chamonix ?

Dans un article précédent, j’ai traité de l’étymologie du nom de Chamonix et des diverses variantes orthographiques  apparues au cours de l’histoire de la vallée. Du « campus munitum » au « Chamouny » adopté par Bourrit ou Horace Bénédict de Saussure.

Dans les documents officiels du duché de Savoie, Chamonix était orthographié avec un X.  Les erreurs d’écriture sont venues des voyageurs qui transcrivaient phonétiquement le nom qu’ils entendaient. Par ailleurs dans les courriers où dans les actes notariés,  les chamoniards eux même écrivaient le nom de manières différentes.

Mais ce que l’on a oublié, c’est que Chamonix autrefois ne désignait pas seulement et spécifiquement l’agglomération mais s’employait surtout dans l’expression de « la vallée de Chamonix » c’est-à-dire l’ensemble des hameaux, d’ailleurs  tout comme aujourd’hui.

Depuis toujours, dans les documents officiels, les documents notariés ou les écrits des voyageurs, le chef lieu était appelé « Le Prieuré ».

C’est en 1792 avec l’arrivée des troupes révolutionnaires que le terme de « prieuré » va être abandonné et que l’agglomération prendra le nom  définitif de « Chamonix ».

Cependant, les touristes, comme les guides de tourisme  concernant la région,  utiliseront le terme de « prieuré » quasiment jusqu’en 1860, moment où la vallée devient française. Le terme de prieuré est abandonné au profit de Chamonix.

Quant aux chamoniards,  à la lecture de leurs courriers ou actes notariés, on constate que lorsqu’ils évoquent l’agglomération de Chamonix ils disaient :

« Le Bourg » avec des précisions pour chaque quartier :

Le « bourg » signifiait le centre.

le « sommet du bourg » était le haut de la rue Vallot.

Le « fond du Bourg », le bas de la rue Paccard.

Le « Bourg de la Tour » la rive gauche de l’Arve côté Casino actuel.

Le « Bourg du Lyret »  l’autre partie de la rive gauche de l’Arve.

C’est seulement avec ces trente dernières années et l’obligation de mettre des noms à chaque rue et ruelle que ces appellations vont s’estomper peu à peu dans le  langage chamoniard.

Chamonix rentrant dans la vie moderne et en réponse à la commune de Saint Gervais désirant s’identifier au Mont Blanc, la commune prend le nom de Chamonix-Mont-Blanc le 21 novembre 1921.

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