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Auteur/autrice : Christine BOYMOND LASSERRE

Guide conférencière. Pratique ma profession depuis maintenant plus de 40 ans. Ai acquis une longue expérience et de larges connaissances en terme d'histoire de patrimoine et d'architecture. Toujours passionnée par ces thèmes et ces sujets !

Maison communale, Hôtel de ville : toute une histoire !

A l’emplacement actuel de l’hôtel de ville , avant le terrible incendie de 1855 qui détruisit une grande partie de Chamonix, se trouvait le premier hôtel «  Mont Blanc » édifié par Gaspard Simond et Victor Tissay en 1849.

Dès 1857, après l’incendie,  Mme Veuilland, veuve de Mr Florentin Tairraz, engage les travaux d’un établissement qu’elle baptise « Grand Hôtel de la Couronne ». En 1859, il prend le nom d’Hôtel de Saussure, puis Hôtel « Impérial et de Saussure ». Il est vendu en 1869 à la « Société des Hôtels de Chamonix » (absorbée plus tard par une société dite « «Immobilière et Industrielle de Chamonix »). L’hôtel est alors dirigé par les divers actionnaires de cette société et  il  prend un temps le nom de « Hôtel Impérial », « Grand Hôtel Impérial » puis « Grand Hôtel Impérial et Métropole ». Géré par des directeurs  , l’hôtel reste une référence dans l’hôtellerie chamoniarde. En 1906, Edouard Simond, propriétaire de l’Hôtel de la Croix Blanche et maire de Chamonix, se porte acquéreur de l’hôtel suite à la dissolution de la société hôtelière. Finalement, ce sera le 21 octobre 1908 que la commune de Chamonix, à l’étroit dans ses locaux, achète pour 250 000 Fr le bâtiment afin de le transformer en hôtel de ville.

Il est inauguré officiellement lors du passage du président de la république Mr Armand Fallières à Chamonix le 7 septembre 1910.  L’hôtel de ville occupe le rez de chaussée et le premier étage. La partie supérieure étant transformée en appartements et divers bureaux dont ceux du notaire.  Peu à peu, l’hôtel de ville finira par occuper l’ensemble du lieu.

Construit sous la période du royaume de Piémont Sardaigne, l’hôtel de grande envergure pour l’époque est édifié selon un style néoclassique relativement simplifié rappelant le style piémontais. Ce qui en fait un des bâtiments les plus élégants de la ville. Un corps principal légèrement plus élevé marqué de pilastres en granit. Ce même matériau que l’on retrouve aux encadrements des portes et fenêtres, singularité chamoniarde repris par bien d’autres hôtels dans les décennies suivantes. L’immeuble se distingue par un haut porche d’entrée mis en valeur par des colonnes de granit. Les garde-corps tous différents d’un étage à un autre ornent les différents balcons de la façade sud.

Dans le porche, à gauche on voit un médaillon datant de 1932 de Paul Sylvestre sculpteur représentant Michel Gabriel Paccard. A droite, en septembre 1959 est inauguré un autre médaillon réalisé par le sculpteur Landowski en l’honneur d’Emile Chautemps, ancien conseiller général de Chamonix, député sénateur, vice-président du sénat.

 Mais auparavant, où se trouvait donc le lieu qui recevait les édiles ?

Au moment du retour au Royaume de Piémont Sardaigne on trouve dans les archives de la ville une réclamation demandant à l’intendant du royaume de remettre en état le bâtiment servant de maison communale. Il se trouvait le long de la route nationale (actuellement rue Paccard), et sur ce document accompagné d’un plan on a le descriptif détaillé de l’édifice avec « chambre d’arrêt » (probablement une geôle), une cuisine, un corridor d’entrée, une place d’écurie. La maison communale restera dans ces lieux,  puis en 1864, au moment des projets d’alignement de cette route principale, une partie de ces édifices  est détruite dont la maison communale. Les bureaux sont alors transférés dans la maison située entre l’hôtel Impérial et la messagerie, ils partagent le bâtiment  avec le bureau des guides.

Sources : Archives communales, archives départementales, archives association des Amis du Vieux Chamonix

Mais qu’y avait-il donc à l’emplacement du Super U ?

L’été dernier, sa rénovation lui a redonné de la couleur. Mais avant d’être un supermarché, qu’était donc ce bâtiment ?

En regardant les anciennes photos, vous découvrirez que cet immeuble a abrité, d’une part un hôtel : l’hôtel de la Paix, et d’autre part une pâtisserie : la fameuse « PDA » (la Pâtisserie Des Alpes) .

Hôtel de la Paix

Construit  probablement vers 1870 par une famille Claret Tournier, l’hôtel connaîtra nombre de propriétaires différents, dont Mr Bourgeois en 1895 et 1896, Mme Eloi Couttet en 1912, Mr Gustave Tairraz en 1924, Mr Alfred Tairraz en 1925, et Alfred Couttet (guide) en 1940. Il sera ensuite géré par des consorts qui, fin 1944, vendent l’hôtel à Romain Payot.

On sait que durant la seconde guerre mondiale l’hôtel a abrité nombre des jeunes enfants juifs.

PDA Pâtisserie Des Alpes

Beaucoup, parmi les anciens, se souviennent encore de la fameuse pâtisserie « PDA » . Jean Edouard Devouassoud créa d ‘abord dans les années 1870 une  boulangerie qui connut  un réel succès. Après la première guerre mondiale, la boulangerie est abandonnée au profit de la pâtisserie et ce sont Hélène et Jeanne Vallet (nièces de Mr Devouassoud)  qui tiennent cette « PDA ». C’est d’ailleurs Jeanne qui épousera René Payot associé de son  frère Paul Payot banquier. Il sera le père d’ un autre Paul Payot ( le fameux historien) avant de décéder durant la guerre de 14-18.

Les deux femmes tiennent d’une main de fer la boutique et leur pâtissier, le célèbre François Aubert,  fabrique durant 40 ans les meilleurs macarons qui soient . Il les expédie dans le monde entier. A la lecture des journaux et des publicités la « PDA » est toujours référencée comme étant la meilleure pâtisserie de Chamonix. Dans les années 50, la pâtisserie change de main, mais  la tradition se perpétue..On fait même jusqu’à 56 sortes de chocolats différents !

La pâtisserie ferme en 1961, vendue à Romain Payot qui avait quelques années auparavant acheté l’ancien hôtel de la Paix.

Sources :  Archives famille Payot Pertin – Archives association des Amis du Vieux Chamonix – Revue Relief – Livre : Flâneries au pied du Mt Blanc de Ch Boymond Lasserre et Joëlle Dartigue Paccalet

A Chamonix en 1898, l’air conditionné avant l’heure ?

Dès le XVIIIe siècle Chamonix est fréquenté par des  scientifiques à l’époque appelés « naturalistes ». Les premières ascensions vers le Mt Blanc seront, avant tout, réalisées par des hommes désireux d’en connaître la formation géologique, ou de comprendre les questionnements liés à l’altitude, sans parler évidemment de l’intérêt pour les formations glaciaires,etc…

La période de la Belle Époque, avec sa révolution scientifique et technique en Europe, verra un accroissement de fréquentation encore plus important des scientifiques en tous genres. On connaît les plus connus,  Pasteur et ses recherches bactériologiques, Janssen et ses études sur l’astronomie, Vallot et sa curiosité pour les glaciers. A la lecture des revues spécialisées de l’époque, on découvre l’incroyable attrait de la vallée pour des scientifiques de tous bords. Nombre de rassemblements y sont organisés régulièrement   qui les attirent  fréquemment. C’est ainsi que Viollet le Duc, découvrant ce lieu magnifique, imaginera la maison idéale à construire dans ces montagnes au climat rude. Article à consulter sur l’article  ci joint.Viollet le Duc à Chamonix. Qui s’en souvient ?

Dans un numéro de la revue « Nature » de 1898, un petit article éveille l’attention. « Nature » est l’une des revues scientifiques les plus anciennes et les plus réputées au monde de l’époque. Elle a été lancée en 1869 avec une vocation d’excellence dans les domaines des sciences et la liste des articles en tous genres est impressionnante.

Parmi ceux-ci, une publication de Max de Nansoutty, ingénieur civil des Arts et Manufactures, évoque la construction  à Chamonix d’une maison bien particulière réalisée par Monsieur Caron, architecte, ancien élève de l’École Centrale. Mr Caron, montagnard,  réside dans la vallée. Il prend conscience de la particularité de ce climat glacial en hiver et chaud en été. Il imagine une maison à température constante c’est-à-dire insensible aux variations thermiques. S’inspirant des chaudières tubulaires adaptées aux locomotives à vapeur, il conçoit une maison avec des murs de bois à double paroi. Entre les deux murs, une charpente tubulaire à circulation d’eau permettrait de donner à l’air de l’espace sa température optimale En été on ferait circuler de l’eau froide qui rafraîchirait les murs et en hiver  l’eau passant tout d’abord dans un serpentin de calorifère pourrait être envoyée chaude dans ces tubulures réchauffant l’ensemble de la maison ! L’idée est séduisante !

Un peu comme un radiateur géant les murs seront donc toujours à la bonne température.

La maison est rapidement construite. Le montage de cette charpente creuse se fait sans l’aide d’un ouvrier spécialisé.  Tous les planchers, tous les plafonds et tous les murs communiquent entre eux ; les murs sont en bois, formés de planches clouées sur des madriers liés aux tubes par des colliers métalliques. Commencée le 7 juillet 1898, elle est habitable le 15 septembre.

L’article s’arrête là, mais qu’est donc devenue cette maison ? C’est dans une autre revue de 1902 , « La science curieuse et amusante », que l’on apprend, hélas, que l’hiver suivant, très froid, l’eau s’était congelée à l’intérieur des tuyaux et le calorifère en surchauffe, mit le feu aux murs, détruisant l’ensemble de la maison. Ce fut donc un essai pour rien !

Une vingtaine plus tard l’architecte Marcel Cochet réalise en 1930, à Chamonix, un bâtiment (Banque Payot) qui sera citée par l’école d’architecture de l’époque comme un exemple remarquable de bâtiment conçu pour lutter contre le froid et le chaud  Article ci joint : Une remarquable expression de l’art déco : la Banque de Paul Payot maire de Chamonix de 1888 à 1901

Bibliographie : Revues scientifiques : « Nature », « La science curieuse et amusante » , revues « Architecture moderne « .

Une « sportswoman » oubliée de Chamonix : Marie Marvingt

«  Il n’y a pas une femme au monde qui possède un bagage sportif aussi universel que Mlle  Marie Marvingt et je ne voudrais pas garantir qu’il existe un seul représentant du sexe mâle qui en ait un semblable ». Voilà en quelques mots un article de la revue aérienne du 25 décembre 1910 qui parle avec autant d’admiration d’une femme d’exception.

Pionnière de l’aviation, championne de ski, nageuse virtuose, aventurière, héroïne de guerre, tels sont les qualificatifs donnés à Marie Marvingt dans les diverses publications de la Belle Epoque lorsque peu à peu les femmes soutiennent des paris sportifs incroyables.

1899, elle obtient l’équivalent du permis de conduire. 1904, elle participe à la première  course cycliste Nancy Bordeaux. 1906, 1ère française à effectuer les 12kms de la traversée de Paris à la nage. 1908, elle termine le tour complet du Tour de France, malgré le refus de l’administration de sa participation à la course. Elle le fera  jour après jour, avec quelques heures de décalage,  dans la foulée de la vraie course.1909, première femme à traverser la Manche en ballon. 1910,Brevet de pilote. 900 vols en avion avant la première guerre mondiale. Puis elle se fera remarquer par son implication et sa participation en tant que pilote durant la guerre, où elle invente le concept d’aviation sanitaire !

ET A CHAMONIX ?

Elle est proche de la famille Vallot, amie de Madeleine Namur, fille de Joseph Vallot, avec qui elle invente des tenues adaptées pour le ski, le patin à glace et l’alpinisme.

Elle loge dès 1903 à l’hôtel Couttet, car très proche des deux frères Joseph et Jules avec qui elle s’initie au ski avec l’aide de deux  moniteurs norvégiens : Durban Hansen et Nyqwist !

En 1903, elle découvre l’escalade avec Camille Ravanel à l’aiguille de l’M.

1905, elle est la première femme à faire la traversée Grands Charmoz- Grépon avec Edouard et G. Payot, guides chamoniards. Elle échappe de peu à une avalanche de rochers dans le couloir Mummery !

1907, le 5 août avec Joseph Démarchi et Jacques Tissay, elle fait l’aiguille du Moine. Puis le 8 août la traversée col du Passon et col du Tour Noir. Le 9 août le Chardonnet et le 13 août  la dent du Requin !

Quelle santé cette femme ! On la voit à la Dent du Géant où elle prononce ces mots : «  j’ai le mal des hauteurs et n’en veux plus guérir », se fait remarquer en Suisse au Mont Rose, à la Jungfrau, au Wetterhorn …

1908, première ascension féminine du Buet à ski.

1909, troisième à la course féminine de ski mise en place dans la vallée.

1909, première féminine  au col de Balme à skis.

1909, première en luge à Gérardmer.

1910, première en patinage au Ballon d’Alsace.

1910,première femme au Col de Voza à skis.

1910, première au championnat féminin international de bobsleigh ! Première au concours de saut  à Chamonix!

1912, première à la compétition de luge organisée à Chamonix

1924, elle survole en hiver avec Mr Thoret l’ensemble du massif du Mont Blanc, un grand bonheur pour elle. Très amie avec Jean Lavaivre, maire de Chamonix, ils mettent en place les journées de l’aviation qui connaissent beaucoup de succès.

Puis, dans les années 1930, elle invente un ski métallique pour se déplacer sur le sable et parcourt le sud tunisien et le sud Marocain avec ses skis. Elle explore tout le Maghreb avec son avion…  et ses skis.

Ses conférences attirent un grand nombre d’étonnés et de curieux. Elle est prolixe, vivante, amusante.

A l’âge de 85 ans elle passe son diplôme de pilote d’hélicoptère.

Elle décède deux ans après dans un certain dénuement ! Mais dans son pays d’origine, la Lorraine, elle sera honorée par  nombre de places, écoles et terrains d’aviation à son nom.

A Chamonix ? Rien !

Sources : Revues « la vie au grand air », Revue universelle et populaire illustrée, « Aviation Magazine, « Femina », « Revue aérienne », « la montagne », Archives Vallot de l’association des Amis du Vieux Chamonix

Petite histoire du bivouac des Périades

VIDEO REALISEE par SEBASTIEN MONTAZ  ROSSET

Bousculé par un éboulement en raison des conditions climatiques, le petit bivouac des Périades menaçait de s’effondrer. Jean Sébastien Knoetzer,( guide de haute montagne – professeur à l’ENSA ) et quelques amis ont, grâce à la générosité de donateurs, réussi à l’héliporter en bas dans la vallée, avant de prendre place sur la terrasse du Majestic, d’où il rejoindra bientôt  le Musée alpin.

Ce petit refuge a une histoire qu’il est intéressant de rappeler.

Dans les années 1920-1925 , les alpinistes, de plus en plus nombreux et motivés, cherchaient à ouvrir de nouvelles voies plus ardues dans ce secteur du massif. En août 1928, deux grimpeurs, Paul Chevalier et Maurice Sauvage, membres du tout nouveau GHM (Groupe de Haute Montagne ), décident de construire un petit abri au milieu de cette belle arête faîtière que sont les Périades.  Paul Chevalier, architecte, conçoit cet abri, en établit le plan et le construit  lui-même, payant de sa poche les frais de l’édification  Les deux compagnons choisissent la pointe de Sisyphe à 3459mètres, proche de la Brèche Puiseux. Le matériel est monté à dos d’homme. Ils l’inaugurent dans la nuit du 10 au 11 août 1928 ce qui leur permet de réussir la première ascension de la calotte de Rochefort par l’arête nord. Bel exploit pour l’époque !

Haut de 1.50m, long de 3 mètres et large de 2 mètres,  recouvert de planches brutes sans bardage, sans poêle, ce tout petit refuge pouvant abriter 3 ou 4 personnes donne alors aux grimpeurs la possibilité de parcourir cette magnifique arête que sont les Périades. Ce sera une ouverture vers les voies nouvelles offertes aux alpinistes.  Il prend alors le nom de bivouac Paul Chevalier.

Malgré les conditions hivernales venteuses l’abri  résiste longtemps aux intempéries. Avec le temps il devient propriété du Club Alpin Français.

Photo Georges Tairraz 1957

En  1957 cette sympathique cabane  commence à présenter  quelques faiblesses. A l’initiative du président de la section du CAF du Jura, Mr René George, il est entrepris de le consolider. On fait appel à Armand Couttet, ancien président du syndicat des guides et menuisier, pour refaire une nouvelle porte. Celui ci la fabrique, l’emporte là haut et refuse de présenter une facture  … «  je ne ferai pas de note pour cette petite porte, cela n’en vaut pas la peine d’ailleurs, je me suis assez servi des refuges du CAF dans ma vie d’alpiniste !».

Le bivouac Paul Chevalier s’appelle encore ainsi en 1946.

Puis avec le temps, les alpinistes finissent par l’appeler par son lieu de situation et le petit refuge Paul Chevalier prend le nom de Bivouac des Périades.

Il est encore restauré en 1996 par Armand Comte et Serge Bladet. Il est très souvent fréquenté par les cristalliers.

Juste après son affaissement, une tentative de redressement est effectuée par Christophe Lelièvre  (gardien du Couvercle), Christopher  Baud (guide et cristallier) et Sébastien Kayati (cristallier).

Bientôt, un nouvel emplacement sera choisi afin d’élever un autre bivouac. Mais le petit abri construit par Paul Chevalier va pouvoir prendre sa retraite tranquillement  dans la vallée protégé des intempéries.

Merci aux initiateurs du projet d’avoir voulu le sauvegarder. D’autres de ce type ont malheureusement déjà disparu !

SOURCE: Site de l‘association des Amis du Vieux Chamonix  -site Bernard Cottard –  Revues du Club alpin français. – – Revues du Groupe de Haute Montagne.

Pont de Piralotaz aux Bossons

Pont de Piralotaz au Bossons  : signifie  « le pont de pierre à l’hôte »

Dans la vallée de Chamonix, les ponts jetés sur l’Arve ont été de tout temps rares car bien souvent menacés par le cours tumultueux du torrent.

Le pont à la sortie du village des Bossons, appelé Peralota ou Piralotaz, commandait l’accès à la vallée de Chamonix.

Celui-ci, dans un acte du 17 octobre 1692, doit être surveillé de près par les autorités  pour obtenir les réparations jugées indispensables « afin d’assurer  la continuité des échanges et des transports avec le pays du Valey et dudit Faucigny »

Le 24 ventôse de l’an X, il est précisé  « que le pont de pierre à l’hôte menace de chute » !

Il est, avec l’arrivée des visiteurs, renforcé au cours du XIXème siècle.

Il est constitué peu à peu d’une charpente plus savante sur laquelle repose un tablier.

Avec le rattachement à la France et la visite de l‘Empereur à Chamonix, le chemin traditionnel est amélioré et le pont de Piralotaz consolidé jusqu’à sa construction totale en pierres, permettant dès 1868 le passage des diligences se rendant à Chamonix.

Bibliographie : Le massif du Mont Blanc de Fischbacher – Guide  Vallot – Archives départementales

La maison du Lieutenant au village du Mont à Servoz

La maison du lieutenant au village du Mont de Servoz trône au cœur du village. Nettement plus importante que tous les autres, elle se remarque car foncièrement différente des fermes traditionnelles qui l’entourent. Adossée à la pente, sa face nord présente un large auvent couvrant l’entrée actuelle. En face sud, une belle façade s’ouvre au soleil. Deux larges galeries sont composées de grandes dalles de schistes, les deux supérieures sont en bois . De part et d’autre, deux tourelles encadrent l’ensemble, l’une d’elle abrite un escalier.

Certes d’un aspect imposant on aurait pu imaginer une ancienne maison forte mais d’après Elisabeth Chalmin Sirot, spécialiste des maisons fortes du haut Faucigny aucune n’apparait au village du Mont, seul figure dans la région le château saint Michel.

L’accès intérieur à l’habitation se fait par un bel escalier de trois marches arrondies qui ouvre sur  une salle dont le sol est couvert de dalles irrégulières. Dans celle-ci on distingue les restes d’une bourne (cheminée ancienne des maisons locales) dont la poutre traverse l’ensemble de la pièce. Au pied de la fenêtre se trouve une pierre creusée de deux vasques dont le fond est percé d’une ouverture afin de laisser s’écouler un liquide ou des grains. Sur le côté droit, un évier de pierre. Au sol, deux sortes de cannelures creusées dans ces dalles épaisses intriguent. Sur le côté existe encore un très beau four à pain.

L’étage supérieur est quasiment identique au précédent.

Les combles sont magnifiques. A l’intérieur, la bourne est intacte, chevillée selon la technique ancienne elle est un élément majeur du passé de cette maison.

Dans la cave se trouvent deux énormes  pressoirs, un à huile, un à fruits et une cheminée.

Après étude des maçonneries et des encadrements des baies, on peut imaginer la possibilité d’une construction ancienne totalement rénovée fin XVIIIe voir milieu du XIXe. Il n’est pas impossible que, compte tenu de l’aménagement intérieur, cette maison ait tenu un rôle collectif important. En effet toutes les fenêtres sont dotées de barreaux ou de protections jusqu’au dernier niveau, ce qui est rare pour une maison domestique. A t-elle été un lieu de collecte de biens, d’impôts?

Dans le passé, lors de la réalisation de la mappe sarde en 1731, figuraient  en ce lieu quatre maisons bien distinctes.  L’association  » Servoz  Histoire et Traditions » reconstitue peu à peu l’histoire de ces familles propriétaires dont deux portaient le nom de Devillaz et les autres apparentées à cette famille..

Le nom de Maison du Lieutenant provient d’inscriptions aux frontons de portes de cette maison étonnante. Sur l’un d’eux est gravé « 1798 , De Villaz Joseph Marie, Lieutenant » et sur une autre « 1798, De Villaz Jean Claude Lieutenant » d’où le surnom de cet édifice.

Joseph Marie Devillaz est un personnage important de l’histoire de Servoz, Jean Claude est son fils. On retrouve aussi inscrit le nom de Bernard  son second fils. Par héritage, Joseph Marie récupère en indivision avec son cousin deux parcelles sur lesquelles se retrouvent deux maisons. IL occupe ensuite l’ensemble de ces deux propriétés.

Favorable aux idées jacobines, Joseph Marie Devillaz  mène la vie dure aux curés lors de la période révolutionnaire. Secrétaire de mairie de Servoz, gardien des mines, guide naturaliste reconnu de Servoz. Il était très apprécié des scientifiques pour ses connaissances. A-t-il été lieutenant? Pour le moment on l’ignore. C’est son petit fils Jean Pierre Devillaz qui hérite de l’ensemble des parcelles. Géomètre patenté il est probable qu’il soit à l’origine de la transformation de ces deux maisons en une seule.

Sans héritier, sa femme se remarie avec Achille Blondaz dont elle aura trois enfants qui en deviendront les propriétaires. Ils  vont eux même transformer cette maison en deux appartements distincts. Elle servira même d’école un temps. Finalement en 1963, Guy Félisaz acquiert cette maison, la modernise afin de la rendre plus confortable. C’est en 2014 que la communauté de communes de la Vallée de Chamonix l’acquiert enfin d’en faire un centre orienté vers une meilleurs connaissance de la vie rurale.

Sources :Deux brochures intitulées  « le Mont » édités par  l’association  « Servoz Histoire et traditions  » –  Monographie de l’abbé Michel Orsat –  Archives départementales :  Mappe sarde Servoz cote 2253W445-44.  Archives départementales : Servoz affaires communales : 4L 141 – Note d’information du CAUE –  diagnostic de la ComCom de la vallée de Chamonix,

Le Grand Hôtel Couttet et du Parc va t’il enfin retrouver ses lettres de noblesse?

Tout commence par la chronique d’une famille hôtelière chamoniarde qui aura marqué de son empreinte les plus belles années de la Belle Époque,  jusqu’aux  années folles.  François Couttet (né en 1828) , guide de haute montagne, avait l’habitude dès, les années 1855, d’héberger ses clients dans sa maison familiale. Son abord sympathique,  sa bonhomie  étaient très appréciés des britanniques. Ceux-ci l’incitèrent à construire une auberge afin de recevoir dignement ses clients qui appréciaient son savoir faire et ses connaissances.

Dès 1867, il construit  «  l’Hôtel Pension Couttet ». Fort de son succès, une quinzaine d’années plus tard,  il édifie le Grand Hôtel Couttet qui devient peu de temps après  le Grand Hôtel Couttet et du Parc. L’hôtel connaît ses heures de gloire durant la Belle Époque, puis dans les années folles, grâce aux deux fils: Joseph et Jules, très impliqués dans le développement de la commune de Chamonix.. Par ailleurs leurs sœurs (Joséphine, Aline, Sarah)  seront à l’origine de la création du palace le Savoy, de l’hôte du Beau Site et de l’hôtel des Alpes, beaux établissements prestigieux de la vallée.

Cet hôtel chargé de souvenirs nous évoque la présence d’Edward Whymper, venu ici chaque année de 1865 à sa mort en 1911 dans une chambre de l’hôtel. Le fréquentaient aussi Gabriel Loppé, ce peintre grand ami de François Couttet, le critique d’art et poète John Ruskin, Lord Sinclair l’inventeur du merveilleux petit coin appelé « le Lac à l’anglais » aux Gaillands,  Alphonse Daudet, Albert Mummery,  le musicien Rimsky Korsakoff, et tant d’autres.

Le Grand Hôtel Couttet et du Parc ferme ses portes en 1939. Les bâtiments  rouvrent en 1946 en tant que préventorium (pour enfants atteints de primo-infection tuberculeuse), ainsi que l’hôtel Beau-rivage (UCPA), sous la dénomination « Centres Guynemer », mais qu’on appelait à Chamonix « Centre Couttet ». Mme Ehrhardt,  puis son fils Paul en assurent la direction. Vers 1950, un directeur national de la Santé impose la construction des terrasses de béton. L’activité préventorium cesse en 1970. Le Couttet alors est loué par la SARL Couttet à une association du département des Yvelines, l’ADEPEP, qui en a fait un centre de colonies de vacances, classes de neige et classes vertes. L’hôtel est ensuite occupé par les employés et la direction de l’UCPA voisin, le temps de la rénovation du Beau-rivage (UCPA)  La commune rachète l’ensemble, parc et bâtiments en 1990.

En 2003 l’ensemble du parc et de l’hôtel est menacé de destruction. Est prévu à cet emplacement un auditorium haut de 16 mètres et une école et maison de la musique haut de 12 mètres.

Bon nombre  chamoniards sont affolés par ce projet ambitieux et c’est ainsi qu’en 2004 est lancé une pétition alertant la DRAC sur la menace portée sur l’ensemble historique de ce quartier. La DRAC se fait pressante, la commune renonce  à ce projet. Merci Eric !

L’hôtel Couttet est alors  abandonné.  Pendant de nombreuses années, le rez de chaussée est occupé par le club des anciens, par le club de bridge, par des groupes musicaux. Les étages laissés à l’abandon, sont souvent squattés. Les murs tagués. Les bâtiments se dégradent.

Vient alors en 2013 l’idée de remettre sur pied cet ensemble historique. On parle de logements sociaux, de maisons pour nos anciens, mais le coût de la rénovation très élevé (5 500€ par m2) ne peut être assuré par la commune. Est donc lancé un appel à projet. Dans les conditions imposée par la  commune est précisé que les bâtiments  (qui restent la propriété de la commune) doivent conserver le caractère architectural initial afin de sauvegarder  l’âme et l’histoire de cette prestigieuse famille hôtelière chamoniarde.

C’est finalement  Paris Inn Group qui est choisi. Cette société créée en 2005 sous sa forme actuelle est issue d’une épopée hôtelière familiale née en 1923 et intéressée essentiellement par  l’aménagement et la rénovation  d’hôtels historiques. On ne peut qu’espérer qu’ils auront le souci de ce passé dont certains ici à Chamonix se sont battus pour le préserver

Puisse le Grand Hôtel Couttet et du Parc retrouver enfin ses lettres de noblesse ! Nous veillerons !

Source: Archives notariales aux archives départementales d’Annecy

Mieux comprendre Chamonix Nord !

Faisons un petit tour dans le passé pour mieux comprendre Chamonix Nord.

En mai 1958 est créé un haut commissariat à l’éducation physique et aux sports, une grande nouveauté dans la vision de l’éducation nationale. Ce haut commissariat est confié à Maurice Herzog qui considère que le sport est quelque chose d’essentiel dans la politique nationale et internationale. Puis celui-ci est nommé en 1963 à la tête d’un secrétariat à la jeunesse et aux sports rattaché au ministère de l’éducation nationale. Est ainsi  décidé d’introduire le sport au sein des activités scolaires.

Par ailleurs, en cette même période, l’État modifie les diverses branches de l’éducation.  Sont alors créés en 1963 les CES (Collèges d’Enseignement Secondaire) qui ont pour vocation de regrouper l’ensemble du premier cycle ,  6ème- 5ème-4ème et 3ème , qui étaient en ces années là dispatchées en deux cycles différents.

Avec  Henri Cettour, futur directeur de l’ENSA, Maurice Herzog met en place un premier plan quinquennal ayant pour ambition de fournir une série d’équipements et structures d’enseignement sportif dans toute la France. L’objectif étant de mettre la jeunesse et le sport au cœur d’une politique de renouveau de l’éducation des jeunes. La première réalisation sera le fameux lycée sportif de Font Romeu.

C’est dans cet esprit que le 30 mars 1968, après l’élection de Maurice Herzog à la mairie de Chamonix, le conseil municipal lance une étude en vue de la création d’un complexe sportif et culturel pour Chamonix. En cette époque, exceptées les remontées mécaniques, Chamonix disposait pour ses habitants de peu d’équipements sportifs, et les cours complémentaires se trouvaient à l’école du centre. Beaucoup d’élèves qui désiraient prendre une autre option devaient se rendre à Bonneville.

Sous l’impulsion de Joseph Comiti, nouveau secrétaire à la jeunesse et aux sports, Chamonix est retenu en 1969 pour la réalisation d’une importante opération expérimentale ! On imagine ainsi pour Chamonix la cité scolaire  idéale en tentant de regrouper  l’esprit et les jambes pour un projet pédagogique innovateur. D’une part un pôle culturel avec un CES accueillant des sections sport-études (complètement nouveau à l’époque), une école  hôtelière, l’ENSA, une MJC, une bibliothèque… D’autre part un pôle sportif avec hall omnisports, centre nautique, tennis etc… Et l’ensemble des ces deux pôles devant être reliés par des galeries et coursives permettant aux étudiants de passer de leurs activités scolaires aux activités sportives et internat sans quitter cette cité « idéale ».

On fait alors appel à Roger Taillibert qui avait déjà beaucoup œuvré pour des équipements sportifs et éducatifs. Le projet est lancé officiellement. Le centre sportif est la première tranche réalisée sur une surface de 6 875m2 abrité sous neuf voûtes en voile mince de béton précontraint (technique permettant de réaliser des espaces aérés et ouverts sur l’extérieur). Joseph Comiti vient à l’inauguration du centre nautique. Mais en 1974 il perd son poste et le  ministère suivant se désintéresse totalement de ce projet initial.

La commune de Chamonix ayant toujours le financement accordé par l’éducation nationale pour le collège doit s’empresser de l’utiliser. On abandonne l’idée des coursives, des passages d’un pôle à l’autre qui faisaient l’originalité du projet, afin de poursuivre la construction du pôle éducatif . C’est une partie de l’esprit novateur qui ne sera ainsi jamais menée à terme ! Ici sont construites sur une surface de 41 000m2 dix neuf autres voûtes dans ce même matériau qu’est le béton pré contraint et sont construites alors trois tours pour abriter les 600 internes des deux collèges et les élèves de l’ENSA. Seul des bâtiments en élévation pouvaient abriter autant d’élèves. Le terrain n’était pas extensible !

Mr Taillibert imaginait les tours comme une réplique aux Aiguilles qui leur faisant face.

La caractéristique de cet ensemble sont ces voûtes reposant sur trois points permettant d’alléger l’impact visuel. Ceci grâce à l’emploi d’un voile mince de béton précontraint . Et ayant des portées variables, elles ouvrent sur de belles vues panoramiques.

Les voûtes hautes de 22 à 60mètres sont équipées de lanterneaux circulaires de 6 à 9 mètres de diamètre apportant la lumière au cœur des coupoles triangulaires. Celles ci permettent une grande liberté pour l’aménagement intérieur. Étudiées par l’ingénieur suisse Heinz . Elles ont permis à Mr Taillibert de perfectionner sa pratique des coupoles sphériques pour le complexe olympique de Montréal ou encore le hall de conférences d’Abu Dhabi.

l’architecte Roger Taillibert (décédé récemment) auteur du parc des Princes à Paris, du stade olympique de Montréal  et tant d’autres, a marqué son temps et a été mondialement reconnu par ses pairs.

Beaucoup de chamoniards même s’ils ont apprécié la forme élégante des coupoles,  ont eu du mal à accepter les tours jugées agressives dans ce paysage de vallée sans heurts visuels majeurs et les ont même reprochées au maire en place. D’autres, au contraire, y ont vu le signal d’une modernité compatible avec notre cadre de vie et une esthétique répondant à l’élancement de nos aiguilles. N’a-t-on pas parlé de classer l’ensemble comme patrimoine du XXè siècle, tant elles sont représentatives des nouveaux courants architecturaux ?

Quelques chiffres : Centre culturel et cité scolaire : 45000m2. Bibliothèque municipale : 1480m2, Maison pour tous:2167m2. ENSA : 9950m2. Centre sportif : 6875m2

sources : Comptes rendus des conseils municipaux années 1968-1969,1970. Revue architecture n° 389, site Agence Roger Taillibert , Revue architecture d’aujourd’hui 1968 et 1972,site internet CAUE, magasine de l’architecture en station, Chamonix information n° 10, revue Relief n°11.

 
 

LES Montquats


Au Moyen Age, les Montquarts sont le centre de la dimerie (lieu de récolte de l’impôt de la dîme) du village des Bossons. En 1561, cette dimerie compte une dizaine de hameaux regroupant une soixantaine de feux (60 familles) soit 331 habitants. Donc les Montquarts sont le centre historique du village des Bossons. C’est la raison pour laquelle, jusqu’à la construction de la gare, chapelle, école, bassin, four à pain, sont implantés dans ce lieu central à la croisée des chemins.

Le tourisme naissant le centre historique perd ses activités au profit des nouvelles installations à proximité de la gare. La construction de la route Blanche dans les années 1960 rompt définitivement les liens entre les hameaux du haut et du bas des Bossons.

La chapelle des Montquarts, construite vers 1695, sur un site épargné par l’avalanche, est un exemple typique de chapelle baroque avec son large auvent abritant la façade. Elle mesure dix mètres sur cinq et est composée de murs épais. L’ensemble est surmonté par un clocher d’une dizaine de mètres. Sur le linteau, les clés de Saint Pierre sont dominées par la statue de Saint Donat. L’intérieur simple et sobre abrite un retable offrant quelques éléments de la période baroque et d’autres plus récents néo classiques.

Un habitant du village, Pierre Loye, imaginant que la crue du glacier des Bossons pourrait fermer la vallée, construit vers 1870 une grande maison de pierres afin d’héberger les visiteurs. Elle n’est jamais achevée, le glacier commençant à décroître. Elle sert un temps d’école.

L’ancienne école construite en 1887, est à l’image de l’ensemble des écoles de la vallée avec au rez de chaussée une salle de classe flanquée de son vestibule et le logement de l’instituteur à l’étage. Elle reçoit l’ensemble des élèves des environs des Pélerins à Tacconaz soit près de 70 enfants L’enseignant est aidé d’une régente pour s’occuper des filles.


Elle ferme au profit d’une école plus moderne en 1995.

La route Napoléon ainsi nommée car elle rappelle le cheminement emprunté par l’Empereur venu à Chamonix en 1860 après l’union de la Savoie au territoire français. Cette route suit le très ancien chemin qui serpente depuis toujours le long de la vallée permettant aux voyageurs d’accéder à Chamonix.

Les 130 ans d’une belle histoire familiale à Vallorcine : l’hôtel du Buet

Tout habitant de la vallée a, un jour, fréquenté l’hôtel du Buet. Déjà enfants,  après une balade dans le vallon de Bérard, nous avions droit à un verre de limonade si nous avions bien marché. Plus tard, lors des randonnées à ski, à Beugeant, au col Cornu, à Bérard ou au Buet, la récompense était cette croûte au fromage dégustée après ces randos mémorables

L’hôtel du Buet fête cette année ses 130 ans.

Maurice Chamel avait déjà, dès les années 1884 -1885, entamé, avec son frère Félix, qui travaillait à l’époque à l’hôtel Beau Rivage de Genève , la construction d’une auberge-restaurant avec quelques chambres. L’établissement est construit en embauchant les vallorcins dont Marie Burnet qui transporta un jour 5 « hottes » de chaux.

Maurice était alors maire de Vallorcine et conduisait la diligence Martigny-Chamonix.

L’arrivée de la route pour diligences en 1885-86 incite Maurice à agrandir et l’agrément donné par l’Etat est accordé en 1889. L’hôtel naît officiellement cette année là.

Nombreux sont les touristes s’arrêtant à l’hôtel durant les étés d’avant guerre. Les registres de l’époque sont riches de noms provenant de tous  pays USA, Russie, Angleterre, Allemagne, etc…).

Le 7 janvier 1904 logent à l’hôtel une équipe chamoniarde, constituée de l’abbé d’Argentière, du docteur Michel Payot,de  Joseph Ravanel ( le Rouge) guide, Joseph Couttet ( hôtelier) , Robert Charlet, Désiré Charlet, Henri Simond (guide), Emile Fontaine et un client.  Ils réalisent ensemble la première hivernale du Buet. Les mêmes qui, l’année précédente, avaient réalisé en janvier 1903 la première traversée à ski Chamonix-Zermatt. Le début d’une longue histoire ! En 1920, huit skieurs vallorcins effectuent la montée en 5h la descente en 45mn !

Le confort de l’hôtel était modeste. Une colonne d’eau à l’arrière du bâtiment approvisionnait l’ensemble de la maison. Chaque chambre avait des bassines et le personnel apportait tous les matins l’eau nécessaire aux clients .On éclairait à la bougie ou avec des lampes à pétrole.

L’arrivée du train en juin 1908 engendre des changements notables dans la vie du village. La vie est quelque peu bouleversée par la venue d’ouvriers piémontais dont certains logent tout près de l’hôtel dans un baraquement aujourd’hui disparu. Pour l’inauguration, le 1er juillet 1908, plus de 200 personnes sont reçues à l’hôtel, un « fameux » repas est proposé à l’ensemble des convives.

Durant l’été de cette même année huit trains desservent la vallée. Les cascades de la vallée deviennent accessibles. De même le Buet qui voit la construction  d’un nouveau refuge !

L’hôtel a un emplacement idéal,  chaque train débarquant des cohortes de touristes, dont nombreux sont ceux qui résident à l’hôtel. Celui-ci s’adjoint une annexe, l’hôtel prend alors le nom d’Hôtel du Buet et de la Gare.  Il faudra attendre les 1934 -1935 pour que le train arrive enfin en hiver. D’ailleurs, l’électricité arrive à l’hôtel en 1930. Le bâtiment est déjà rehaussé d’un étage. L’hôtel poursuit année après année son essor. Jules, le fils, prend la succession, aidé plus tard de son fils Maurice, digne successeur de son grand père.

Avec l’arrivée de la période sombre de l’occupation allemande à partir de 1943, Germaine Chamel, la  mère de Maurice, s’honore en participant aux réseaux constitués dans la vallée pour aider au cheminement des juifs cherchant désespérément à fuir le pays. En 1979 elle est reconnue comme « JUSTE PARMI LES NATIONS» par l’Etat d’Israël .Discrètement, sur le côté du bar de l’hôtel, est encadrée l’attestation délivrée par la Commission des Justes et le plateau offert par Alexander  Rotenberg  venu personnellement à Vallorcine afin de remercier ceux qui avaient participé à sa fuite vers la Suisse. « Inspirée par l’amour de son prochain elle a sauvé des griffes des collaborateurs de l’Allemagne nazie la vie de nombreux persécutés destinés à être déportés dans les camps de la mort »

Maurice Chamel 3ème génération

Après guerre, l’hôtel doit se moderniser. Les contraintes, les règles de plus en plus strictes  sont parfois bien lourdes à assumer. Durant longtemps, l’hôtel continue à recevoir ces clients  « fidèles des fidèles » attachés à la famille. Des liens étroits se sont noués avec ces clients habitués au lieu.

Avec la quatrième génération  l’hôtel du Buet continue. Marie Anne, Véronique, leurs enfants s’attachent à poursuivre cette longue tradition hôtelière et familiale.

Longue vie aux Chamel arrivée dans la vallée en 1623 et longue vie à hôtel familial chargé de souvenirs que tous ici s’emploient  à transmettre.

Sources : Archives familiales Famille Chamel. Vallorcine de Françoise et Charles Gardelle, les sauveteurs de l’ombre de Michel Germain et Robert Moos, Vallorcine de Nathalie Devillaz

La première ascension du petit Dru

Il y a 140 ans le vendredi 29 août 1879 à 14h30 le Petit Dru est vaincu par Jean Esteril charlet Stratton, Prosper Payot e Frédéric Payot

Jean Estéril Straton Frédéric Folliguet, Prosper Payot

Sur la façade de la Maison de la Montagne, un médaillon honore trois guides chamoniards qui ont marqué l’aventure de l’alpinisme à Chamonix : Jean Estéril  Charlet  Straton, Frédéric Folliguet, Prosper Payot, qui réussirent le 29 aout 1879 la première ascension du Petit Dru.

Le Grand Dru avait été grimpé à l’aide d’échelles en 1878 par Mrs Dent, Walker et Hartley avec deux guides suisses, Burgener et F Maurer.

Cette même année, Jean Estéril Charlet Straton était parvenu seul à quelques mètres de la brèche qui sépare les deux  Drus. A son retour, peu avaient cru à cette escalade incroyable.  Jean Estéril  l’année suivante convainc deux de ses amis guides de refaire une tentative au Petit Dru.

Ils bivouaquent au pied de la voie. Ils partent à 5h30. Le récit de leur ascension en pure escalade est impressionnant,  compte tenu de l’inexistence de matériel à l’époque, d’autant plus que Jean Estéril Charlet  Straton méprisait l’usage des échelles, il estimait que ce n’était pas un instrument d’alpiniste !  Mais il avait des talents rochassiers hors normes ! Le récit à lire dans l’annuaire du Club Alpin Français de 1879 est passionnant,  instructif et révèle le talent de ces trois hommes arrivés au sommet à 14h30. D’autant que pour la descente, ayant emporté avec eux une centaine de mètres de corde (de chanvre, bien sûr, donc particulièrement lourde !) . Avec  13 longueurs, ils improvisent  une technique de descente qui se révélera très pratique que l’on appellera plus tard  descente en rappel. A 22h30, ils sont au relais laissé au petit matin. Ils passent une seconde nuit.  Tôt à l’aube, le départ doit se faire encore dans la sécurité car  il fallait franchir  un névé fort dangereux qu’ils descendent  avec cette nouvelle technique qu’ils avaient adoptée la veille. et qui leur permet alors d’arriver rapidement à la Charpoua, puis au pavillon du Montenvers.

Grande et belle ascension pour les trois chamoniards.

Il y a cent ans le MAJESTIC ouvrait officiellement ses portes


En période de Belle Epoque (1885-1914), Chamonix connaît un développement fulgurant. La famille Cachat, propriétaire de l’Hôtel Mont-Blanc, se lance dans la construction d’un palace.

Elle possède des terrains remarquablement bien situés au pied des pentes du Brévent. L’avenir touristique est prometteur et le projet est grandiose. On fait appel à Alexandre Bordigoni, architecte suisse. Dès 1911 les travaux sont engagés. Un immense  palace voit le jour. 300 chambres dont 200 avec salles de bains. Il trône au milieu de jardins somptueux. Des tennis sont aménagés en contre bas afin d’ assurer à la clientèle une animation estivale.

Pour ce faire, la famille fait un très gros emprunt auprès du Comptoir Suisse. Hélas, la guerre est déclarée en septembre 1914. C’est la chute du tourisme, le personnel est manquant, le palace vivote. Après guerre, la vie reprend peu à peu. On inaugure officiellement le palace durant l’été 1919. Les voyageurs reviennent dans la vallée. Le palace connaît même en ces années folles une vie éblouissante de fêtes mondaines, galas, bals masqués, concerts en tous genres pour satisfaire une clientèle internationale bien souvent exigeante et excentrique. Animation qui cache cependant une gestion difficile pour la famille. Le coût de l’emprunt lancé avant guerre a quintuplé, la famille, prise à la gorge, se voit dans l’obligation de confier la gestion du palace à la banque ! L’arrivée de la seconde guerre mondiale est évidemment catastrophique, les touristes sont peu nombreux.


A partir de 1943, le palace est réquisitionné pour servir d’hôpital aux officiers allemands, puis en 1944 aux officiers américains. Après la guerre, la vie reprend peu à peu, le palace cependant ne retrouve pas cette clientèle riche et aisée des périodes fastes. Bien que le sultan du Maroc ou l’Agha Khan viennent régulièrement avec leur cour, le Majestic peine à entretenir ce prestigieux palace où plus de 200 personnes, dont 80 cuisiniers, sont nécessaires pour le faire vivre ! Chaque cuisinier dirige une brigade (environ 7-8 personnes) pour chaque spécialité (viandes, poissons, entrées). Sans compter un chef saucier, un chef grillades, et deux chefs pâtissiers (gâteaux et entremets). Plus toute une équipe de plongeurs : un pour les casseroles en cuivre, un pour les autres casseroles, un pour les couverts en vermeil, un pour les simples couverts, un pour les verres en cristal, etc … Sans oublier, à l’hôtel, plus d’une centaine de personnes, femmes de chambres, hommes de main, chapeauté par un directeur, aidé d’ un chef de réception et concierges secondés par une multitude de sous mains, comme coursiers, porteurs, jardiniers. Et des gendarmes à la retraite afin de surveiller les nombreux couloirs et salons du palace, mais également le personnel à la sortie de leur travail!


Cette abondance de personnel, usage d’une autre époque, coûte cher. Les années 1950-1960 marquent le déclin de cette hôtellerie de prestige. Est alors décidée la transformation du palace en habitations. Victor Saglia, architecte spécialiste de ce type de travaux, s’engage dans ce projet ambitieux. Les suites et chambres sont transformées en appartements et bureaux. La commune achète les trois quarts du rez de chaussée en 1961 pour accueillir l’organisation des courses des championnats du monde de ski de 1962.


Le palace connaît alors une nouvelle vie grâce à son rez de chaussée préservé dans son décor d’origine.

Merci à Pierre Osterberger pour les souvenirs de son apprentissage dans les cuisines du Majestic qu’il m’a gentiment transmis.

Fritz Schuler et son frère Henri ne seraient ils pas les premiers étrangers à intégrer la compagnie des guides de Chamonix ?

La tradition chamoniarde a pour habitude de raconter que Roger Frison Roche, admis à la compagnie des guides de Chamonix en 1930, a été le premier guide étranger (c’est-à-dire non natif de Chamonix) à être accepté au sein de cet organisme déjà prestigieux. Il est vrai qu’il fut un des meilleurs « ambassadeurs » des guides, tant sa sympathique énergie, sa belle simplicité, ont été une des meilleures publicités pour la compagnie.

Cependant, à la lecture de la presse et des revues spécialisées de la fin du XIXème, on voit quelques fois cités un nom de guide chamoniard dont la consonance n’est ni Balmat, ni Ravanel, ni Charlet, ni Simond…Des guides qui seraient étrangers à la vallée ? Et même deux frères ! Et oui… Ils s’appellent Schuler :  Fritz et Henri Schuler. Certes pas très chamoniard  comme patronyme! Et pourtant !

Nés à Bonneville de parents originaires de Stuttgart, Fritz (né en 1856) vient avec son frère Henri  (né en 1861) à Chamonix chercher du travail et naturellement se passionnent pour ce massif. Tous deux parlent allemand, et leur mère leur ayant enseigné l’anglais, ils parlent couramment cette langue si utile pour échanger avec des clients déjà nombreux venant de Grande Bretagne ou des USA. Rapidement ils deviennent porteurs, se font remarquer pour leurs capacités et sont bien décidés à devenir guides.  Leur connaissance des deux langues  a  probablement joué en leur faveur !Peu de détails sur Henri sinon que, selon la légende familiale, il portait une barbe de Toussaint à Pâques, pour, disait il, avoir plus chaud . Son nom est listé par Edouard Whymper dans son livre sur Chamonix et précise qu’il est devenu guide en 1887.. . Henri est par ailleurs cité dans une caravane de secours en août 1901.

Fritz réalise officiellement en tant que porteur son premier Mont Blanc le 4-5 septembre 1878 ! Il passe son diplôme et rentre à la compagnie le 1er juin 1882.

Dès 1883, son carnet est riche de témoignages de clients français, allemands, américains, anglais, lui reconnaissant son extrême gentillesse et sa grande disponibilité. Il épouse en 1886 une jeune fille de Morges, Jeanne Rauschert. Il       l’emmène aux Grands Mulets pour passer  leur nuit de noce !  Puis décide sa jeune épouse à monter au Mont blanc. Ce qui sera fait. Jeanne deviendra  ainsi une vedette locale. Le Mont Blanc gravi  par des femmes de guides n’était pas encore un événement très courant !

Les deux frères sont inscrits en juillet 1890 par Henri Vallot sur la liste des 110 guides ayant participé au transport des charges pour le refuge construit par ses soins. Fritz d’ailleurs travaille à l’édification du refuge dont il est le chef des ouvriers. Noté par Henri Vallot dans son récit sur la construction de l’observatoire.

Il sera, par ailleurs, en 1891, le guide de Mr Infeld, ingénieur suisse chargé par Mr Janssen et Mr Eiffel de réaliser des sondages au sommet du Mont Blanc afin de trouver le fond rocheux de cette cime. Fritz est signalé pour son ardeur et son courage au travail face aux terribles températures  lors des travaux !

Dans les journaux suisses de 1891, c’est Fritz Schuler qui raconte le terrible accident subvenu au Mont Blanc en août 1891 où  mourut Mr Roth, autre scientifique pris dans une terrible avalanche avec son guide Simond. Il fera partie de l’équipe de secours.

Généreux,  il intègre l’équipe des pompiers de Chamonix dont il sera un temps le capitaine.

Installé à la Mollard, Fritz aura 4 enfants

Fritz ne figurait pas sur le registre civil français . Né à Bonneville, sous régime sarde, les registres d’état civil savoyards de l’époque étaient tenus par les curés des paroisses. Donc Fritz et son frère Henri , de religion protestante, ne figuraient nulle part ! Leur situation sera régularisée en 1901.

Un jour de septembre 1902, revenant d’une course au Mont Blanc, Fritz tomba dans une crevasse. Ses compagnons ne pouvant l’aider à s’extraire de celle-ci  descendent à Chamonix pour organiser une équipe de secours,  mais le temps qu’elle arrive,  Fritz probablement  en hypothermie s’était beaucoup affaibli. Il fut tiré d’affaire mais ne se remit jamais de cette terrible chute.  Diminué, il perdit peu à peu ses forces et mourut le 25 juin 1903. Il avait 45 ans.Il fut inhumé dans le petit cimetière protestant situé derrière l’église « anglaise » devenue temple protestant où l’on peut toujours voir sa tombe.

Sources : Archives familiales Schuler et Démarchi – Livre de Charles Schuler : L’histoire d’une vie peu ordinaire (édition Gérard Châtel) – Revues Club Alpin Français – Livre d’Edouard Whymper : Escalades dans les Alpes

les 150 ans du refuge du Plan de l’Aiguille

                 Cette année, venez fêter les 150 ans du refuge du Plan de l’Aiguille

En 1869, lorsqu’Henri Khun obtint l’autorisation de construire un pavillon pour accueillir les visiteurs au Plan de l’Aiguille, pouvait-il deviner à quel point son choix était une bonne idée? Ce sera le début d’une belle et longue histoire que, cette année, le refuge du Plan de l’Aiguille fête avec nous tous, chamoniards et visiteurs.

Dès 1894, les frères Benoît, Ambroise et Joseph Couttet demandent l’autorisation d’élever un pavillon, ce qu’ils feront en 1898.

Conscients du cheminement long et rude pour arriver sur ces hauteurs, ils aménagent à mi-pente le pavillon du « Trois » (aujourd’hui disparu) permettant aux touristes de trouver rafraîchissements et nourriture avant de poursuivre la montée jusqu’au refuge.

Entrepreneurs et visionnaires, les Couttet tracent en 1903 le chemin conduisant du Plan de l’Aiguille au Montenvers, d’une largeur de plus d’un mètre sur cinq kilomètres de long.

Avec la découverte de belles voies d’escalade dans les aiguilles, durant les années d’avant guerre, le petit chalet sert de camp de base aux alpinistes.

Le  téléphérique des Glaciers ouvre en 1924, le refuge, perd une partie de la clientèle de promeneurs. Toutefois, transformé,  le refuge devient un lieu de rendez vous incontournable pour les ascensionnistes attirés par les nouveaux itinéraires.

Dès 1940 d’anciens guides comme Aristide Farini, Jean Schuler et René Rionda se succèdent pour le gardiennage de ce lieu paisible. A l’époque, l’approvisionnement se fait par la station supérieure du téléphérique des Glaciers. En 1946,le refuge accueille les stages des guides encadrés par Armand Charlet et Armand Couttet. Les gardiens avec leurs familles se succèdent ( Fernand Bellin, Lucien Thivierge, André Zizi ).

En 1950 est lancée la construction du nouveau téléphérique vers l’Aiguille du Midi. Le refuge est laissé à la disposition des ouvriers, l’emplacement est pratique, Une trentaine d’ouvriers, la plupart valdôtains, gèrent l’entretien et l’approvisionnement. Les conditions de vie sont particulièrement dures surtout durant la « mauvaise saison ». Finalement en 1954, le téléphérique fonctionne jusqu’au Plan de l’Aiguille.

Le refuge retrouve son activité ancienne d’accueil des alpinistes. La famille de Joseph Claret Tournier, gardienne du lieu, profite de la ligne de service du téléphérique pour l’approvisionnement en denrées alimentaires. Un vrai progrès dans l’organisation de la vie du refuge.. En 1974, ce sont les enfants Claret Tournier qui prennent le relais. C’est à cette période que le refuge est équipé d’un radio-téléphone assurant ainsi une liaison permanente avec le PSHM (Peloton de Secours en Haute Montagne). Malgré la concurrence du téléphérique, les grimpeurs désirant partir au petit matin apprécient de dormir au refuge plutôt que prendre la première benne souvent bien bondée. Ils ont ainsi l’avantage d’être les premiers sur les voies d’escalade et goûtent du plaisir d’être seuls ! En 1988, Anne et Jean Christophe Devouassoux prennent la suite. Le refuge est vieillissant, ils entreprennent des travaux conséquents : toiture, réaménagements intérieur, création de sanitaires, adductions d’eau avec captage au petit lac bleu situé en amont. En 1999, les consorts décident la rénovation. Le refuge du Plan de l’Aiguille entre dans la modernité. Il rouvre ses portes en 2006, avec 23 lits.

En 2008, Claude Quénot et Marie Noëlle Thévenet reprennent la gérance. Les travaux continuent afin d’assurer encore plus de confort.

Alors… Cette année, allons partager avec les gardiens ce moment d’histoire. Témoignage d’un passé vivant, le refuge du Plan de l’Aiguille ouvre toujours ses portes. Depuis 150 ans, l’accueil y est toujours chaleureux, les omelettes et les tartes ont acquis une réputation méritée. Et lorsque le soir tombe, le silence reprend tous ses droits. Une grande quiétude s’étend sur le lieu.. Le soleil décline, puis les lumières de la vallée s’allument une à une.

Ici au pied des Aiguilles et du Mont Blanc le monde nous appartient !

Article réalisé avec la collaboration de Joëlle Dartigue Paccalet auteur de l’ouvrage : « De Blaitière au Plan de l’Aiguille, un alpage à Chamonix Mont Blanc »

Les Grands Mulets : un refuge mythique

De tous les refuges du massif du Mont Blanc, celui des Grands Mulets est celui qui a été le plus souvent peint ou photographié. D’ailleurs, la plus ancienne photographie réalisée en haute montagne est une prise de vue du premier refuge des Grands Mulets datant de 1856.

Gabriel Loppé : Refuge des Grands Mulets en 1862

Lors de l’ascension du Mont Blanc par Horace Bénédicte de Saussure en 1787, celui-ci fit édifier  une sorte de construction accolée au rocher,  constituée de deux murs de pierres sèches et recouverte d’un toit de 2.30 m par 1.30m.

Elle disparaîtra très vite et par la suite les alpinistes tentant le mont Blanc auront à charge de faire transporter par leurs guides et porteurs le matériel de de campement: couvertures, tentes, éléments de cuisine pour assurer des repas pour l’ensemble des équipes entreprenant l’ascension. Et nombreux sont les récits faits par les voyageurs ou les guides sur ces nuits glacées passées sur le promontoire des grands mulets.

En 1853, la commune de Chamonix décide de construire un « refuge ». Celui-ci est construit dans la vallée et transporté planche par planche par les guides de Chamonix. Il mesure 4.25 X 2.12 m . Il est installé sur une plateforme au sommet du rocher . En septembre, on l’inaugure en grande pompe.  Il recevra 50 personnes décidées d’y passer la nuit !

C’est dans ce refuge que les frères Bisson feront étape sur le chemin du Mont Blanc et le livre d’or (appartenant à la collection Paul Payot) nous dévoile ainsi leur passage, mais aussi celui de Gabriel Loppé qui restera d’ailleurs plusieurs jours en 1861. Il y fera un de ses plus beaux tableaux appelé : « Grands Mulets ».

Ce refuge se révélera très vite trop petit.  La compagnie des guides décide en 1866 de financer un nouvel établissement dont elle confie la gestion à Sylvain Couttet. A charge pour lui de réaliser et faire transporter les éléments de construction de ce nouveau bâtiment. Il décide de l’élever sur l’emplacement du refuge de de Saussure c’est-à-dire en bas du rocher. Il faudra 400 voyages pour transporter le tout. Il mesure 6 x 3m divisé en deux pièces. qui servent  de dortoirs avec  des tables à charnière fixées sur la cloison. Rapidement, Sylvain Couttet l’agrandit d’une pièce qui lui sert de cuisine avec un petit poêle à bois. Il mesure alors 9 x 3m !

En 1868, il récupère les restes de l’ancien refuge abandonné plus haut pour l’accoler à la cuisine  ce qui constituera une 4ème pièce où coucheront les guides. Ce fut le premier dortoir réservé aux professionnels.

Sylvain Couttet gérera le refuge de 1866 à 1880.

Celui-ci devient de plus en plus un but  de «promenade », pas uniquement réservé aux alpinistes en route vers le Mont-Blanc,  mais aussi aux amateurs désirant découvrir ce site unique d’où l’ on jouit d’une vue exceptionnelle.

Il restera longtemps ainsi .Transformé peu à peu, mais de bric et de broc.

En 1897 la commune lance un nouveau projet à une cinquantaine de mètres plus haut. Il est inauguré le 19 mai. Cette fois, on construit un bâtiment digne de de son succès : un rez de chaussée avec quatre chambres, une cuisine et une salle à manger, et un étage avec aussi quatre chambres plus un dortoir pour les guides. Le refuge est confié aux frères Balmat, assistés d’une cuisinière et d’une domestique ! On y installe même le téléphone en 1908.

De plus en plus utilisé il finit par ne plus correspondre aux normes aussi après 63 ans de bons et fidèles services, il est transformé en un tout nouveau bâtiment, pouvant accueillir plus d’une soixantaine de personnes,  qui est inauguré le 8 août 1960.

 Il succède ainsi à la longue et belle histoire des refuges sur le chemin du Mont Blanc. Témoin ancestral de bien des aventures, ce lieu mémorable pourrait raconter de belles mais aussi de bien tristes histoires que beaucoup ont oubliées.

Sources : Revues du Club Alpin Français, Histoire du Mont Blanc de Stephen d’Arve, le Mont Blanc de Charles Durier. Page personnelle de Bernard Cottard

1900 : construction du viaduc sainte Marie des Houches

En 1895, le pont de la Griaz sur le chemin de la rive gauche de l’Arve est emporté par une crue dévastatrice. Le chemin de fer, alors en projet sur cette même rive aurait certainement été emporté. Les dirigeants du PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) ne veulent pas prendre le risque de voir la ligne détruite. Contrairement à l’idée reçue, le changement du tracé prévu à l’origine rive gauche de l’Arve est bien dû aux caprices de la nature et non aux habitants.

L’ouvrage conçu en pierres de granit se compose de sept arches de quinze mètres de long, le tout surplombant l’Arve de 52 mètres. Le viaduc en forme de S s’appuie sur des piles de 4.30 mètres de côté et de 6.40 mètres pour la grande arche. Il franchit la route départementale, ce qui augmente sa longueur de 130 mètres.

A l’origine, le viaduc Sainte Marie devait compter uniquement un tablier métallique central de 50 mètres de long. Mais l’armée, toujours impliquée dans toute construction importante, même ferroviaire, craint qu’en cas d’invasion celui-ci puisse être sabordé aisément. Le ministre de la guerre impose l’usage exclusif de la pierre.  Le ministre des travaux publics choisit lui-même la forme des moellons !

Source : Archives départementales – Association des Amis du Vieux Chhamonix

1836 : De drôles d’hôtes à l’hôtel de l’Union à Chamonix

En septembre 1836 : le propriétaire du très fameux hôtel de l’Union à Chamonix voit débarquer de drôles de personnages…

« Un soir, un jeune homme mal vêtu, couvert de boue, à la blouse étriquée et à la chevelure désordonnée, accompagné  de deux enfants et d’une servante, demande à l’aubergiste s’il avait, parmi ses pensionnaires,  un personnage, avec un large chapeau, une cravate roulée en corde et fredonnant en permanence une rengaine le « Dies Irae ! », ainsi qu’une belle jeune femme. Bien sûr, lui répond l’aubergiste. Ils viennent d’arriver ! Ils sont au numéro 13. Tout ce petit monde se retrouve dans une grande gaîté, ameutant les voisins irrités par le bruit.  Oh ! Compte tenu de leurs  vêtements farfelus, indéfinissables et par ailleurs chevelus comme des sauvages, ce ne pouvait être qu’une troupe de comédiens ! Le chef de cuisine les prend pour des saltimbanques, et en office on compte et recompte l’argenterie.

Le lendemain, un major de l’artillerie se présente et demande après ce groupe. L’hôtelier est persuadé que celui ci vient les arrêter. Ils sont si bruyants !

Mais pas du tout, il se précipite vers la chambre numéro 13 et c’est de nouveau un tapage incroyable, des cris de joie, des hurlements ! Oh scandale ! La bonne clientèle britannique n’apprécie guère cette troupe bruyante ! Ainsi, deux jeunes douairières ce soir là barricadèrent leur porte craignant, on ne sait, une invasion de leurs chambres !

Mais qui sont donc ces personnages excentriques ?

Notre jeune homme à la blouse étriquée et à la chevelure en bataille n’est autre que Georges Sand venue retrouver ici à Chamonix Franz Liszt et sa belle et douce amante, la fameuse comtesse d’Agoult : Georges Sand venue avec ses 2 enfants, mais habillée en homme, tenait à revoir ce que la bonne société parisienne décrivait avec emphase : Chamonix. Le dernier venu, le militaire, n’est autre que le major Pictet arrivé de Genève pour se joindre à cette équipe pas banale !

Le lendemain aux aurores Franz Liszt s’époumone à réveiller tout ce petit monde afin de se rendre à la fameuse Mer de glace. La caravane ne passe pas inaperçue, tout particulièrement Georges Sand osant porter un pantalon et une chemise d’homme et fumant cigare sur cigare. Franz Liszt, habillé style renaissance, avec un béret du genre « Raphaël » à l’image du peintre italien et Pictet en uniforme militaire ; on imagine l’équipée !

Au Montenvers, Georges Sand montre assez peu d’enthousiasme, contrairement à ses compagnons s’émerveillant « des magnificences de la mer de glace »,  « .. des éclatantes aiguilles, des glaciers et de l’immense chaos de la mer de glace où les nuages jouent avec les aiguilles dominant la vallée glaciaire ».  Elle résistait à l’entrain de sa troupe, elle cueille une petite clochette bleue et déclare

« J’aime mieux cette campanule que toute votre Mer de glace » mais, attentive aux pierres, elle achète un cristal de roche. Mais il est vrai que la présence d’autres touristes l’importune. Lors de son voyage précédent, en 1834,  son compagnon Pietro Pagello note la longue caravane d‘anglais de français d’allemands et d’américains qui l’agaçait déjà ! Probablement ne supporte-t-elle pas cette proximité avec ces touristes étrangers !

Elle se rend également au glacier des Bossons, et note une scène peu connue de la vie rurale chamoniarde : dans la soirée, elle remarque qu’un roulement de tambour annonce aux habitants qu’ils doivent allumer des feux dans les champs afin de les protéger de la gelée qui s’annonce.

Elle admire cependant les «… monts neigeux, étincelants aux premiers rayons du soleil »

Le soir de leur excursion, un plantureux repas les attend à la table d’hôte de l’hôtel. La bande joyeuse est  mêlée à la clientèle anglaise que George Sand apprécie assez peu, elle la considère comme snob et prétentieuse !

Le lendemain, il pleuvait de nouveau. Pour passer le temps, on se mit à philosopher, puis le ciel s’éclaircissant, la petite équipe se mit en route repartant en direction de Martigny. L’aubergiste de l’hôtel de l’Union poussa un grand soulagement, se réjouissant de voir partir cette bande d’hôtes dont il se méfiait tant. La légende dit qu’il envoya aussitôt chercher Monsieur le curé pour exorciser, en les aspergeant d’eau bénite, les chambres qu’ils avaient occupées.

Georges Sand ne reviendra pas à Chamonix

Source : Annuaire du club alpin français: article de Julien Bregeault – Les quatre montagnes de Georges Sand de Colette Coisnier.

Merci à Madeleine Namur Vallot

Une femme à qui nous devons beaucoup. Qui ?  Madeleine Namur Vallot qui, à Chamonix, s’est battue pour  UN droit : celui de porter une tenue masculine : le pantalon !

Et oui, Madeleine Vallot fut la première à oser porter la « culotte ». Que dire des remarques, des sarcasmes lancés  sur cette jeune femme qui osait ainsi défier le monde masculin et les esprits bien pensant? Mais elle n’en avait cure ! Emmenée par son père au sommet du Mont Blanc, elle réalisa à quel point une jupe traînant dans la neige était vraiment un réel handicap. Embarrassée par cette masse de tissus, elle osa la remonter au dessus de ses mollets afin de mieux franchir névés et crevasses. Et de retour , très vite, elle imagina une tenue adaptée à l’alpinisme. Elle gravit sept fois le Mont Blanc dont 6 en pantalon et deux fois elle resta plus de 10 jours à l’observatoire créé par son père Henri Vallot.

Son expérience lui permit d’imaginer une tenue vestimentaire adaptée à l’alpinisme et au ski. « Nous devons emprunter à nos camarades masculins, la culotte si pratique » disait-elle Et  lorsque, vers 1905, elle entend parler de ces planches que l’on adaptait au pied, immédiatement elle adaptera sa tenue afin de pouvoir se déplacer correctement sur la neige. Mais quel scandale !  Pour mieux affronter le regard des autres, elle s’alliera avec sa meilleure amie, Marie Marvingt, autre personnalité « moderne » de son temps, pour se montrer en toute impunité ! Quelques femmes dans ces années avant la première guerre oseront les copier mais que de remarques désobligeantes peut on lire dans la presse de l’époque !

Soutenue par son père et son mari et grâce à ses qualités sportives Madeleine imposera son genre et son style.

Mais il faudra attendre l’après guerre pour que les tenues imaginées par Madeleine Namur –Vallot soient peu à peu adoptées par toutes les femmes modernes qui osaient s’aventurer dans ces activités montagnardes qu’étaient l’alpinisme et le ski !

Merci Madeleine Namur Vallot !

Sources : Archives association des Amis du Vieux Chamonix . Revue Femina.

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