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Auteur/autrice : Christine BOYMOND LASSERRE

Guide conférencière. Pratique ma profession depuis maintenant plus de 40 ans. Ai acquis une longue expérience et de larges connaissances en terme d'histoire de patrimoine et d'architecture. Toujours passionnée par ces thèmes et ces sujets !

1786…oui bien sûr c’est l’année de la 1ère ascension du mont Blanc…Mais…

1786 : Une année majeure pour la vallée de Chamonix.

Nous pensons donc immédiatement à la première ascension du mont Blanc le 7 aout 1786

Portraits de Michel Gabriel Paccard et de Jacques Balmat par Louis Albert Bacler d’Albe

Oui le mont Blanc est vaincu. Deux chamoniards Jacques  Balmat et Michel  Gabriel Paccard ont, ensemble, réussi le 8 aout 1786 à grimper au sommet du mont Blanc. Le sommet le plus élevé d’Europe a été grimpé. Quel évènement !   Chamonix entre, sans le savoir, dans un nouveau monde inconnu jusqu’à ce jour le monde de l’alpinisme et celui du tourisme.

On imagine la fébrilité des chamoniards face à cet exploit ! Mais étaient ils si excités à cette nouvelle ? Considéraient-ils ce sommet vaincu comme un évènement pour eux ? comprenaient-ils le sens de cet exploit ? Ils devaient être aussi étonnés des premiers touristes capables d’offrir une belle somme d’argent pour aller là haut !

Mais comment vivait on à Chamonix en ce XVIIIe ?

N’oublions pas , leur quotidien était dur, rude. On était paysan à s’occuper du bétail, le monter en alpage, faire le fromage, se préoccuper des moissons, récolter les raves et navets nécessaires pour le bétail etc…Par ailleurs les relations avec la collégiale de Sallanches dont dépendait la vallée de Chamonix n’étaient pas toujours des plus faciles. Les témoignages sont nombreux des conflits aigus entre la collégiale e les chamoniards.

Depuis plusieurs décennies les Chamoniards se battaient avec toute leur énergie à la conquête de leur liberté, de  leur indépendance face aux chanoines de Sallanches bien peu  enclins à céder des avantages aux Chamoniards d’autant que l’on note une baisse notoire de l’économie  locale en raison du refroidissement climatique.

 Cependant durant ce XVIIIe des décisions majeures pour les savoyards sont prises par le royaume.

  En 1771  Charles Emmanuel III , roi de Sardaigne, fait paraître l’Edit d’affranchissements  qui donne  l’opportunité aux savoyards de racheter certains droits. Ce sera le début d’un combat difficile mais majeur pour les Chamoniards.

Ce qui caractérise les chamoniards c’est que  pour rien au monde ils ne cédent devant le pouvoir des autorités supérieures. Ils vont négocier pas à pas pour essayer de racheter l’ensemble de leurs droits, notamment en 1698 et 1736.  La collégiale de son côté ne voulait céder en rien ses prérogatives sur le territoire chamoniard. En 1757  les habitants obtiennent de n’être plus serfs mais étaient encore astreints  à une quantité de devoirs seigneuriaux : taxes, droits de mutations, auciège (redevance sur la production de fromages), droits de chasse, droits de pêche, de mines, de justice).  Et aussi  à la « taille », sorte d’impôt calculé en fonction des terres,

Et donc 1786 c’est aussi

Le rachat des droits et des biens du fief de la vallée de Chamonix

.La collégiale de Sallanches  évalue ce capital à 150 000 livres. Il faudra 14 ans de pourparlers pour aboutir à un arrangement (délivré  par la très officielle délégation générale des affranchissements mise en place par le royaume ) qui  fixe définitivement à 58 000 livres l’affranchissement du fief. La collégiale est furieuse, mais l’accord est finalement signé le 15 juillet 1786 et enregistré sur le registre officiel le 3 octobre 1786.  « Ainsi se termina la domination sept fois séculaire du prieuré de Chamonix qui a expiré sur l’heure de minuit et a été inhumée le lendemain ! »

Les chamoniards obtenaient leur totale liberté !

La chronique prétend que les chamoniards ramassèrent toute la somme du rachat en petite monnaie (58 000 livres) qu’ils chargèrent sur des mulets et vinrent la verser dans la cour du chapitre à Sallanches.

Sources : Histoire des communes savoyardes de Henri Baud et Jean Yves Mariotte – Histoire de la Vallée de Chamonix par André Perrin – Une vallée insolite par Roger Couvert Ducrest

De l’hôtel pension Balmat à l’hôtel Rallye; deux anciens hôtels chamoniards

Sur la place du triangle de l’amitié, qui ne connaît pas l’Hôtel « Le Chamonix » tenu longtemps par la joyeuse Mélanie. Juste à côté se trouve une autre petite bâtisse qui abrite de nos jours la Caisse d’Epargne, mais savez vous qu’ici s ‘est trouvée pendant longtemps une pension appelée « la Pension Hôtel Balmat » ? Un petit hôtel qui raconte l’histoire d’une chamoniarde investie dans la vie hôtelière.

L’hôtel Balmat dans les années 1960

Qui est Caroline Clémentine Balmat :

Elle est chamoniarde ,originaire de ce quartier près de l’église, elle obtient par adjudication le 6 mai 1883, pour la somme de 7 500fr, un terrain avec immeuble. Celui-ci a un bel emplacement, près de l’église et Caroline comprend l’intérêt d’y faire édifier une bâtisse plus importante. Elle n’a pas de gros moyens puisqu’elle elle précise qu’elle le fait édifier « sans avoir conféré d’un privilège d’architecte ou d’entrepreneur » ce qui montre un caractère bien trempé, décidé à tout, même pour diriger des travaux de constructions. Dans cette période de fin de siècle, Chamonix connaît déjà un succès grandissant. Les touristes viennent de plus en plus nombreux grâce aux diligences arrivant de Genève et cet emplacement près de l’église ne peut être qu’un des meilleurs endroits pour élever un hôtel.

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Sa petite pension repose sur un sous sol voûté. Au rez de chaussée elle installe un magasin, un salon un bureau et un office. Le magasin appelé « Universal Bazar », puis « Aux cent mille Articles » est recommandé dans le guide Conty de l’époque. Il se trouve le denier à droite, avant d’arriver à l’église. On y trouve articles de voyages, chemises, faux cols, parapluies, voiles, manteaux, couvertures gants et parfumerie. Mais aussi des chaussures de montagne. Les prix sont consciencieux.

Les touristes s’arrêteront nombreux dans cette boutique où l’accueil est chaleureux. Au premier étage elle aménage quatre chambres, puis cinq au second. Sur chaque étage les clients trouvent une salle de bains et des toilettes. Le troisième, lui, est réservé au personnel avec quatre chambres. Cette petite pension fonctionne si bien qu’en 1895 Caroline Clémentine construit à l’arrière, un second bâtiment avec au rez de chaussée une grande salle à manger, un salon, une lingerie et un garage. Il communique avec la pension principale par un passage de 4m. Cette nouvelle aile est composée de trois étages avec sept chambres équipées d’ eau courante, puis une salle de bain et un W.C. à l’étage. Le quatrième, mansardé, est réservé au personnel. Ce sera ce bâtiment qui, plus tard, deviendra l’Hôtel Rallye.

publicité ou l’on distingue bien les deux ailes de l’hôtel Pension Balmat.

La nièce Caroline, Adèle Balmat :

En 1926 elle lègue à sa nièce Caroline Adèle Balmat Kodijk : «  Je lègue à ma nièce Caroline mes deux hôtels Balmat avec toutes ses aisances ». Elle décède en 1930. Sa nièce est mariée avec un hollandais nommé Kodjic puis épouse en seconde noces Mr Sleutelberg en 1935. Lorsqu’elle hérite de cet hôtel, celui- ci est équipé de chauffage central à tous les étages les chambres disposent d’eau courante et par ailleurs le sol du rez de chaussée est en chêne, contrairement aux étages qui sont en sapin !

La tante avait donc modernisé son hôtel dans les années 1920.

La nièce ne garde pas la boutique dont elle vend le stock en 1930

Elle transforme le rez de chaussée en restaurant. L’hôtel fonctionne jusque à l’arrivé de la guerre. Il est vendu et acheté par divers propriétaires, dont Mr Auguste Cachat dans les années 1950.

Hôtel Balmat dans les années 1950 avec Mr Auguste Cachat, propriétaire. C: Bernard Cottard

Les deux hôtels seront repris par une agence immobilière. Celle-ci modernise la partie de l’hôtel située à l’arrière lui donne le nom de Rallye , le confie à Mr Richard puis finalement le vend à Mr Fernand Morel.

L’hôtel le Rallye dans les années 1970

L’agence Pierre installe ses bureaux dans les locaux de l’Hôtel Balmat, après quelques années la Caisse d’Epargne achète le bâtiment qu’elle occupe encore de nos jours. A l’arrière, le Rallye tenu par Mr Morel, fonctionne jusque dans les années 1980 lorsque l’hôtel sera racheté par la commune afin d’ouvrir la vue sur la Maison de la Montagne située à l’arrière.

Sources : Archives association des Amis du Vieux Chamonix . Guide Conty – Guide Joanne -Guide Bleu. Mr Michel Charlet. Mme Gavard.

HISTOIRES DE PATINOIRES A CHAMONIX

Dans les pays du Nord patiner sur les rivières et fleuves gelés était un moyen de déplacement très courant mais restait une activité de commerce et non de loisirs. Avec le XIXe patiner devient un loisir et peu à peu on prit plaisir à patiner soit sur les rivières, soit sur les lacs , soit sur les canaux .

Patinoire aux Pays Bas durant le XIXe

Avec l’arrivée du XIXe Les progrès techniques permettent de faire des patinoires artificielles . La première remonte à 1842 et fut construite à  Londres dans un sous sol. et finalement en 1892 est ouverte à Paris la première patinoire artificielle.

A Chamonix les hôtels n’ouvraient qu’en été.

L’hiver personne n’osait se hasarder dans ces lieux difficiles d’accès. Rares étaient les visiteurs. En 1896 un révérend méthodiste britannique  Henry Lunn fondateur d’une agence de voyages  rencontre les deux frères  Jules et Joseph Couttet propriétaires du Grand Hôtel Couttet. Se crée alors une vraie amitié entre la famille et nos deux hôteliers, si bien que dès l’hiver 1897-98 les deux frères ouvrent leur hôtel en décembre. Ils créent immédiatement sur l’emplacement des tennis  une patinoire. Ce sera la première patinoire de Chamonix immortalisée par le photographe Georges Tairraz .

Patinoire du Grand Hôtel Couttet. On aperçoit l’hôtel au fond. Photo Georges TAIRRAZ

C’est un vrai succès

Dès l’année suivante les clients reviennent nombreux à Chamonix et d’autres hôtels ouvrent dans la foulée. Les frères Couttet ne ménagent pas leur peine. Avec le train qui  arrive en 1901, Chamonix reçoit de plus en plus de monde et les deux frères édifient une nouvelle patinoire  sur un terrain qu’ils  possèdent sur la rive droite de l’Arve. Elle connaît un tel succès que dès 1909 la commune en fait la patinoire municipale qui restera municipale jusqu’à l’entrée de la guerre.  Ils organisent fêtes, courses compétitions. Chamonix en hiver devient populaire. La patinoire voit toujours de nombreux clients mais également le club de hockey de Paris venant s’entrainer très régulièrement à Chamonix.

La patinoire rive droite de l’Arve. On aperçoit très bien au fond le palace du Savoy.

Avec la guerre la patinoire a du mal à fonctionner ; mais dès la fin des combats on voit rapidement divers projets proposés par la mairie qui se finaliseront finalement avec l’immense patinoire construite pour les JO de 1924.

La plus grande patinoire au monde de l’époque ! Un sacré pari qui impressionne les visiteurs. Une patinoire de plus de 36 000 m2 pouvant contenir deux surfaces de hockey et deux surfaces libres pour les figures ; un anneau de vitesse de 400 mètres et une piste de curling .Une patinoire gigantesque.

Voir ci dessous l’occupation de cette patinoire sur le terrain actuel. Impressionnant.

Mais qui hélas, après les JO, durera assez peu, utilisée quelquefois mais sur une surface très réduite et temporairement car trop chère à entretenir. La patinoire actuelle au nom de Richard Bozon est construite en 1962 par Mr Chiara, sera élevée sur les restes du  pavillon des sports de la patinoire olympique et devient la 1ere patinoire couverte de Chamonix.

Mais, revenons en arrière il faut savoir que les frères Couttet ont créé des émules.

Au Planet Mr Auguste Tairraz propriétaire de l’hôtel élève vers 1905 une patinoire sur les terrains de tennis de l’hôtel.

Mais aussi  Mr Alphand  propriétaire de l’hôtel Suisse  sachant que les clients venant aux sports d’hiver étaient amateurs de cette activité eut cette idée assez originale en 1906  d’aménager sur la terrasse supérieur de l’hôtel une patinoire immortalisée par une photo d’Adolphe Couttet ou l’on voit la préparation de la patinoire au sommet de l’hôtel!

D’ailleurs si vous vous promenez dans la rue Paccard vous apercevez au dessus des magasin Napapijri et Richard (en fait le haut du Park Hôtel ) une excroissance qui recevait dans ces temps anciens la patinoire de Mr Alphand.

Plus tard l’hôtel de l’Aiguille du midi avec  Jean Farini , guide et animateur hors pair transforme lui aussi les tennis en patinoire afin de régaler ses clients.

La patinoire de l’hôtel de l’Aiguille du midi dans les années 1950-60. Photo famille Farini

Mais aussi à l’hôtel de la Couronne durant l’hiver 1964 Mr Mortier propriétaire de l’hôtel aménage une patinoire dans le jardin  pour mettre à profit le froid sibérien de cet hiver sans neige  ou durant tout l’hiver les Argentérauds se retrouvaient au bord de « leur » patinoire .immortalisé par Mr Wibault qui réalise là un de ces excellents tableaux d’hiver. .

Ce seront les dernières patinoires privées de Chamonix

SOURCES : Association des Amis du Vieux Chamonix. Entretien avec Mr Mortier de l’hôtel de la Couronne, Archives famille Claret Tournier et famille Farini.

LA PIERRE AUX ANGLAIS DU MONTENVERS : UNE HISTOIRE BIEN MOUVEMENTEE

Sur le  bourrelet morainique,  au-dessous des installations du Montenvers, se trouve un beau bloc de granit où figurent les deux noms des premiers visiteurs au Montenvers en  juin 1741, Mr William Windham et Richard Pococke.

La tradition veut que ce soit à cet endroit particulier que nos deux voyageurs se seraient reposés,  ici tout près du glacier et y auraient gravé leurs noms !

Mais dans le récit de Mr Windham, nulle allusion à cette pierre ni aux inscriptions. Nos deux personnages ne restent qu’une quarantaine de minutes…  Or pour graver du granit, il faut beaucoup  de temps et une certaine expérience pour ce savoir- faire.

Mais alors pourquoi une « Pierre aux Anglais » ?  Qu’est-elle vraiment ?

Il semblerait que le nom et le choix du lieu a été donnés par Mr Pierre Martel, scientifique genevois venu à Chamonix en  août 1742. Mais Mr Martel précise bien qu’il se pose au dessous d’une énorme pierre sous laquelle on pouvait s’abriter. Ce n’était donc pas la pierre en question !

Théodore Bourrit, lorsqu’il se rend au glacier, ne mentionne pas cette pierre aux Anglais. Juste le lieu.

En 1762, le duc de La Roche Foucauld par contre décrit ainsi cette pierre : «..c’est une pierre qui a quinze ou seize pieds de long sur cinq ou six de large ».

Nous avons donc là  un énorme bloc permettant de se mettre à l’abri, on suppose donc que celui-ci  était bien plus important que l’actuel.

En 1840 , cette pierre est immortalisée par Rodolphe Toepffer, lors de son voyage avec ses élèves, où l’on  voit ceux-ci se mettre à l’abri sous le bloc  de granit. Il le décrit ainsi : « C’est une salle souterraine que recouvre un énorme plateau de granit et nos « touristicules » (touristes)  trouvent l’endroit propice pour y faire du feu !»

Extrait de l’ouvrage de R. Toepffer . Chapitre quatrième journée

ET ENCORE

Alphonse Favre (géologue réputé pour ses recherches de blocs erratiques au cours du XIXe) la décrit ainsi : « … On peut se mettre dessus ou dessous car ce dessous  forme une caverne où l’on se met  assez commodément »

C’est avec James Forbes (scientifique écossais)  que l’on apprend  en 1848 que  ce bloc de protogine marquant le lieu de visite de nos deux Anglais aurait été détruit par un feu allumé en dessous  (?). Une  nouvelle pierre avait été choisie afin de marquer le lieu. Les inscriptions auraient alors été gravées sur ce nouveau bloc.

Amédée Achard nous confirme en 1850   « la restauration de la pierre  par le transfert d’une inscription sur un autre bloc ». Et c’est en 1885 que Gabriel Loppé immortalise cette pierre dont on reconnait bien la forme oblongue.

C’est notre fameuse pierre aux Anglais. Elle date de 1848 et non de 1741 !

IL nous faut donc nous souvenir que cette appellation et ce lieu ont été choisis en 1742  par le  suisse Martel qui, voulant rendre hommage aux deux premiers courageux  visiteurs, a situé et nommé  ce lieu à leur mémoire.

Il est intéressant que ces premiers voyageurs aient malgré tout  marqué la mémoire de chacun. De ce moment-là, les guides tels ceux de Edouard Whymper ou de Charles Vallot évoquent systématiquement cette fameuse  Pierre aux Anglais.

Et une petite remarque le e à la fin du nom Pococke a disparu lors de l’inscription

SOURCES : Lettres de Windham et de Martel par Henri Ferrand – Duc de la Roche de Foucauld: Relation inédite d’un voyage aux glacières de Savoie  –  Théodore Bourrit : Voyages aux glaciers –  John Forbes : Les vacances d’un physicien – Rodolphe Toepffer : Premiers voyages en Zig Zags.  Amédée Achard  Une saison à Aix les Bains .

Histoire d’une tragédie il y a 50 ans …Les chamoniards à l’Everest

EVEREST 74

“Le froid et le vent seront vos principaux ennemis sur l’Everest”

Raymond Lambert

Première expédition française et chamoniarde  à l’Everest

L’équipe des chamoniards à l’entrainement (photo Pierre Tairraz)

Septembre 1974. Court résumé d’Eric Lasserre, médecin de l’expédition.

Le propre de cette expédition était d’être composé de guides chamoniards qui, après deux ans de préparation minutieuse, s’envolèrent le 13 juillet 1974 pour Katman­dou. Leur but : gravir l’arête ouest Intégrale, crête vierge qui découpe dans le ciel ses corniches neigeuses sur 3 500 mètres de dénivelée, à la frontière avec le Tibet

Une belle équipe soudée

L’équipe chamoniarde, composée de 10 membres quitte Chamonix le 13 juillet 1974 et nous rejoignons une centaine de porteurs et sherpas dans la vallée du Khumbu.

Notre expédition est dirigée par le guide de haute montagne Gérard Devouassoux, 1 adjoint au maire, fondateur de l’Office de Haute Montagne, personnage charismatique .

l’équipe à Katmandou avec le sirdar et l’officier de liaison

Sont  réunis avec Gérard  les guides Georges Payot, Christian Mollier, Claude Ancey, Jean-Paul Balmat, Fernand Audibert, Daniel  Audibert, Denis Ducroz, le cinéaste ,Pierre Tairraz photographe et cinéaste  et moi-même Eric Lasserre  en tant que  médecin.

Marche d’approche

 La marche d’approche est  de trois cents kilomètres, à travers les forêts du Nord-Népal, noyées par les pluies de la mousson et infestées de sangsues. Un cheminement de 23 jours difficile, mais qui soude notre équipe et prépare à l’affrontement de la haute montagne.

Notre équipe de porteurs Photo Pierre Tairraz

Nous traversons  de nombreux villages, où je tiens chaque soir une consultation médicale assidûment fréquentée. Nombreux sont  les népalais nécessitant des soins indispensables. la queue est toujours longue …

 Après cette longue marche, nous sommes  bien acclimatés à notre arrivée au camp de base le  16 août à 5400m d’altitude sur une moraine désolée du glacier du Khumbu.. Il y a une bonne ambiance et nous sommes tous désireux d’aller plus haut, plus loin.  Gérard se montre un chef reconnu par nous tous. Chacun a son rôle et la vie au camp de base s’organise très vite  en fonction des talents de chacun.

Everest – Sagarmatha – 8848m Chomolungma (photo Piere Tairraz)

Débuts sur cette montagne mythique

L’attaque de la montagne intervient vite par l’équipement du mur rocheux vertical du col de Lho la. Le camp 1 à 5800m est dressé sur une terrasse neigeuse  à mi hauteur. Un raide couloir de neige permet ensuite de prendre pied sur le vaste col de Lho La à 6000m. De là, à droite, on commence l’ascension de la longue arête ouest, neigeuse, itinéraire que nous avons choisi. Le camp II est établi par Gérard Devouassoux et Christian Mollier sur cette arête, à 6400 m d’altitude, juste au dos d’un grand couloir d’avalanches dont  le bord gauche le sépare du camp. C’est une ascen­sion difficile , sous une  mousson permanente.

Le 7 septembre je monte dormir au camp I avec  Pierre Tairraz.

Le camp III à 7000m est établi le 8  septembre par Claude Ancey et  Jean-Paul Balmat. 

Ce soir-là Pierre et moi montons dormir du camp I au camp II. Il neige beaucoup cette nuit du 8 au 9 et le matin  nous passons beaucoup de temps à dégager  les tentes enfouies sous la neige.

Au début de l’après-midi Gérard m’envoie un message radio du camp de base pour me demander de redescendre au camp I pour libérer la  place de couchage que j’occupe au camp II, car il désire  y monter. Nous nous croisons sur le  chemin tandis que je rejoins le camp I. Pouvais je deviner que c’était  la dernière fois que je le verrai ?

L’avalanche

Le soir du  9, alors qu’au camp I je me prépare un frugal dîner, une immense rumeur envahit l’espace, suivie  d’une violente bourrasque  qui secoue terriblement nos tentes. Je parviens à stabiliser la mienne, mais celle qui se situe juste en dessous  disparaît dans le vide, entraînant avec elle le malheureux sherpa qui s’y reposait. Quel choc ! Je comprends que nous venons de subir une grosse avalanche descendue dans le couloir qui borde les camps II et I.

Tout de suite je rends compte par radio  au camp de base de ce qui vient de se passer, Un sherpa disparu, un amoncellement de neige et une angoisse chevillée à mon esprit. Il faut garder la tête froide mais nous sommes terriblement  inquiets de n’avoir aucun contact radio avec le camp II où doivent dormir Gérard et Pierre. Ou sont ils donc ? Pourquoi ne répondent ils pas ?  Je redescend  vite au camp de base avec les autres sherpas bouleversés de la perte d’un de leurs amis.

Nous devons attendre le lendemain matin pour voir arriver,  avec deux sherpas rescapés, au camp de base,  Pierre Tairraz. Il est  épuisé, tétanisé , catastrophé. Il  nous annonce que l’avalanche de la veille  au soir a écrasé le camp II. 

Il raconte comment, coincé et étouffant  dans son sac de couchage, il avait été enseveli par la neige. Il s’est débattu  pour essayer d’en sortir. Il étouffe sous le poids de la neige,  prisonnier de  ce celle-ci qui l’emprisonne. Miraculeusement  il s’en dégage,  emmené par cette rage de lutter contre ce destin  mortifère mais Gérard, qui était allongé  à côté de lui, sur la place où  je dormais la veille, était mort étouffé sous la coulée. Gerard avait disparu. Il le cherche mais en vain. Il fait terriblement froid,  Pierre  erre dans les débris du camp pour trouver des chaussettes et des chaussures, du matériel. Mais tout a été  enseveli.  Il lui faut une sacré volonté pour se mettre en marche vers le camp de base. Pierre  ne se remettra jamais de ce traumatisme d’avoir survécu à l’avalanche et de pas avoir pu sauver Gérard. 

Camp de base après l’avalanche meurtrière (photo Pierre Tairraz)

Nous passons des journées  dans le chaos glaciaire, le froid et l’angoisse,  à rechercher les corps de Gérard et des sherpas disparus. Gérard sera retrouvé quelques années plus tard sur le bas du glacier. 

C’est ainsi que notre chef d’expédition  nous quittait. Celle-ci prenait tristement fin, avec la mort simultanée de cinq sherpas, l’un sous quasiment sous mes yeux au camp I, les quatre autres  ensevelis au camp II avec Gérard .

Gerard Devouassoux ( photo Jacques Marie Bourget)

 Nous participons  à une cérémonie de crémation  pour le jeune sherpa Nawang Loutuc, 17 ans . Nous entendons longtemps les prières du lama.

La rencontre avec les familles des sherpas est douloureuse. L’absence de Gerard est forte. Nous n’arrivons pas à y croire

Nous redescendons peu à peu dans ces vallées interminables. Je continue à soigner régulièrement les habitants de ces villages traversés. Je remets l’ensemble de mon stock de médicaments et de matériel médical dans le seul hôpital de la région de Khumjung.

Nos pensées sont si tristes ! 

Nous étions jeunes, ambitieux, heureux… une belle bande de copains passionnés de montagne et de ses défis. Mais celle-ci, comme souvent, nous a rappelé qu’elle peut diriger nos divers destins.

Sommes-nous devenus plus humbles, plus lucides ? 50 ans après le souvenir de cette catastrophe reste ancré en nous .

Eric Lasserre – Médecin de l’expédition

Pour en savoir plus : l’excellent livre de Christian Mollier . “Everest 74”, les rendez- vous du ciel.

DEUX HEROS MECONNUS : ALFRED ARISTIDE BALMAT ET SON FILS LEON : deux destins de guides marqués par l’histoire mais différente pour chacun

Texte réalisé avec l’aide de Catherine Cuenot

En juillet 1927 le client W.A.Wright engage Alfred Aristide  Balmat comme guide. Alfred  est originaire des Pèlerins. Surnommé « à la Maître » car sa mère et sa tante étaient institutrices  ce qui le distingue des autres Balmat nombreux au village des Pèlerins. Bien que menuisier et cultivateur il aime la lecture, il apprend l’anglais  et se constitue ainsi une belle clientèle. Alfred est un spécialiste des grandes courses de neige et d’arêtes et compte à son actif quelques très beaux 4000 du Valais. Il assume la présidence de la compagnie des guides de 1921 à 1931. Personnage actif il restructure avec Armand Couttet la caisse de secours et c’est sous son mandat  qu’en 1924 est relancée  la fête des guides dont nous fêtons cette année le centenaire.

Forte personnalité il est reconnu par ses pairs pour son talent à diriger cette équipe de guides. Alfred reçoit la légion d’honneur pour les très nombreuses et périlleuses caravanes de secours qu’il mène dans le massif. Il meurt en mars 1945.

Son fils Léon, né en 1904, suit les traces de son père. Cultivé, curieux, généreux  il est recommandé par le guide-chef en 1942 au jeune prêtre  Henry Grouès  (devenu plus tard en résistance l’abbé Pierre). Celui-ci cherche à organiser avec de jeunes délinquants des courses en montagne afin de les aider à se réinsérer.  Très vite Il se lie d’amitié avec ce jeune guide avec qui il partage une foi forte et inébranlable. Henry Grouès est déjà par ailleurs une âme vive de la résistance. .IL est vicaire à Grenoble et héberge au cours du mois d’août  deux familles juives qu’il ne peut garder chez lui trop longtemps. Il se rend alors à Chamonix avec  ces deux familles. et demande à Léon son cher ami, d’héberger ces 12 juifs qu’il a emmené avec lui.

Léon guide engagé dans la protection des plus faibles

La ferme de Léon n’est  pas grande mais immédiatement il ouvre sa grange aux  pauvres malheureux qui se réfugient ainsi  une nuit dans la maison. Dès  le lendemain Léon s’engage à les emmener en Suisse. Par le train l’abbé Pierre les conduit à Montroc . Léon prend le relais Par une longue marche partant de Montroc,  il emmène cette équipe au Tour  puis au refuge Albert 1er qui était tenu par un de ses amis. La voie est ainsi plus discrète. Puis par le col du Tour  et le glacier du Trient l‘équipe arrive en Suisse. On imagine ces citadins traverser ce monde de la haute montagne…il fallait un guide avisé et motivé  pour les accompagner avec sureté. Huit heures de marche harassante …Léon sauve ainsi 12 juifs. Léon s’engage dans ce chemin d’aide, pour lui c’est évident… Parfois les groupes sont trop nombreux et on sait que Léon  fait appel à  son collègue Camille Couttet pour l’aider à faire passer ces juifs en fuite souvent par le même chemin hasardeux du col du Tour   lorsque le col de Balme était trop surveillé. Combien ? On ne sait pas. . L’abbé Pierre lui a demandé quelquefois son aide pour ces passages de frontière mais  on ignore  tout de l’engagement de Léon car celui-ci   en aout 1945 décède dans un accident à la Nonne et son passé de guide passeur tombe alors dans l’oubli.

Père et fils décèdent la même année en 1945 l’un en mars l’autre en août. On imagine la douleur pour la famille.

Nous avions envie avec Catherine de les honorer pout que nul oublie leurs engagement mutuel

Sources : livre Médailles et légendes. Compagnie des guides. Edition Esope . Historien Pierre Dupraz – Association des Amis du Vieux Chamonix

La Stèle Mathews retrouve vie !

A l’entrée du Parc Couttet, côté parking des Allobroges, tout près de la Maison des Artistes se dresse depuis quelque temps une imposante stèle de granit.

À l’origine, celle-ci  se trouvait dans le jardin de l’hôtel Couttet, en contrebas de la tourelle ,( établissement construit en 1867 par le guide François Couttet pour y accueillir ses amis alpinistes).  Le temps passant la stèle fut oubliée et, l’hôtel perdant de son panache, celle ci était noyée parmi les ronces et les herbes hautes  et son inscription devenait illisible.

Grâce à l’action de l’Alpine Club et de la ville de Chamonix  la stèle retrouve vie.

Mais qu’est ce donc que cette imposante pierre de granit et qui est Charles Edward Mathews?

Ce magnifique morceau de granit est érigé à la mémoire de Charles Edward Mathews (1834-1905),cinquième président de l’Alpine Club et 1er Président du Climbers’ Club . Charles Edward Matthews œuvra avec son frère en 1857 à la fondation de l’Alpine Club dont il  fut le président de 1878 à 1880. Grand ami de Leslie Stephen et de Whymper,  il arpenta pendant plus de 40 ans  les Alpes en réalisant discrètement quelques premières. Toute sa vie, il fut un passionné du mont Blanc puisqu’ il en fit 12 fois l’ascension. D’ailleurs dans sa monographie «The Annals of Mont Blanc» (1898) il rend un hommage marqué à ce sommet mythique en retraçant son histoire et décrivant les diverses voies d’accès à ce sommet européen.

A sa mort l’Alpine Club, admiratif de ce personnage exceptionnel, décida d’installer  dans le parc de son hôtel préféré une stèle à la mémoire de cet homme mythique de l’Alpine Club. Cette belle pierre est inaugurée en 1905 dans le parc du Grand Hôtel Couttet en présence de ses amis de l’Alpine Club, du peintre Gabriel Loppé , de l’ensemble de la famille Couttet et des représentants de la ville de Chamonix.

Taillée dans le granit cette stèle est sculptée d’un poème dédié à Charles Edward Matthews.  L’inscription, rédigée par l’évêque de Bristol, témoigne de la simplicité  d’esprit de cet homme exceptionnel.

« Les amoureux de la montagne à un amoureux de la montagne

Les membres de la fraternité alpine à ses membres.

Les frères à l’un de ceux qui ont assisté ses fondateurs

Les Amis à un ami très sûr

Il s’en est allé pleuré de tous »

 

Matthews retrouve désormais vie pas loin du grand hôtel Couttet

Sources : Alpine Club – Archives association des Amis du Vieux Chamonix

Histoire d’un chalet situé aux Frasserrands

Dans le haut de la vallée , sur un balcon naturel au fond des Frasserands , se trouve un centre de vacances privilégié. Le lieu est magique, avec une des vues les plus spectaculaires de la vallée sur la massif du mont-Blanc Il s’agit du Chalet Pierre Sémard.

A l’origine de ce bâtiment un couple mythique : Jean Estéril Charlet et Isabella Stratton

Ce couple sort de l’ordinaire dans l’histoire chamoniarde . Tous deux restent, encore de nos jours, des personnages emblématiques du haut de la vallée. Isabella Stratton, cliente anglaise, fait quelques très belles premières avec son guide Jean Esteril Charlet. Ils réussissent ensemble la première ascension du mont-Blanc en hiver en 1876. On imagine la volonté de cette jeune femme en robe longue et chaussures à clous pour arriver au sommet de ce mont-Blanc, si haut, dans une neige dangereuse et de plus par des températures négatives. Cette Isabella devait être un sacré personnage ! A tel  point que, suite à cette belle réussite, elle lui propose de se marier ! Il en est bien étonné et demande au bureau des guides si ce n’est pas contraire au règlement de la compagnie. Mais non mais quelle union qui, à l’époque, entraînera nombre de commentaires : un guide qui épouse sa cliente… Une cliente fortunée qui épouse un paysan !!!

Pour habiter, tous deux choisissent un lieu enchanteur Ils achètent là, aux Frasserands, plus de quatre hectares et édifient une belle maison avec écurie, grange, grenier. On imagine volontiers que l’endroit n’avait pas été choisi au hasard. Effectivement, cette jolie prairie fait face à l’Aiguille Verte et ses Drus, les montagnes favorites de Jean Esteril.

Sur une bordure d’un mur de la maison , protégé par le nouveau propriétaire, on retrouve une sorte de stèle où l’on distingue les initiales gravées à jamais dans le granit . J.E.C (Jean Esteril Charlet) et M.I.S (Mary Isabella Stratton). Dans la partie supérieure se devine la date de 1876 ( année de leur mariage mais aussi de leur ascension du mont Blanc en hiver ) puis plus haut une corde enlace un piolet et une canne ferrée (peut être leurs objets communs lors de cette fameuse ascension) et encore plus haut on voit deux inscriptions « Gloire à Dieu » et Honneur aux Armes ».

Ce petit monument reste un souvenir poignant de l’histoire de la vallée

Isabella décède en 1918, Jen Estéril en 1925. La famille met en vente ce bel ensemble immobilier.

Achat du centre par la C.G.T.

L’ensemble est alors acheté par la C.G.T. cheminots en 1938. La C.G.T., c’est aussi un grand pan de l’histoire française puisque 1936 voit l’arrivée du Front Populaire au sommet l’État avec la création des congés payés obtenue par Léon Blum (21 jours de congés payés et 40 heures de travail par semaine). Une révolution dans le monde ouvrier ! Les cheminots acquièrent cette grande maison. L’idée est, bien sûr, de faire profiter aux cheminots d’un centre de vacances pas trop onéreux. Le bâtiment est lui-même remis en état par les syndiqués qui vont assurer une partie des travaux. Le centre est inauguré par Pierre Sémard lui-même en 1938.

Qui est Pierre SEMARD ?

Syndicaliste engagé, secrétaire général de la fédération des cheminots dont il rejoint le combat, il s’engage au parti communiste. A la suite du pacte germano-soviétique (23 août 1939) le bureau fédéral de la fédération vole en éclat. Pierre Sémard est démis de ses fonctions. Il est alors arrêté et est condamné à la prison le 6 avril 1940 pour le seul fait d’être communiste. Emprisonné pendant trois ans , il est livré par le gouvernement de Pétain aux allemands en 1942. Il est fusillé le 7 mars 1942 avec d’autres membres syndicalistes. Il a 55 ans . Il devient un symbole puissant auprès de ses anciens compagnons. Sa dépouille sera accompagnée et déposée au cimetière du Père Lachaise en 1945 avec tous les honneurs qui lui sont dus.

Le chalet durant la guerre :

Il est est confisqué puis occupé par l’armée, le gouvernement de Vichy, finalement les allemands, qui en feront une prison. A la fin de la guerre, le chalet héberge les F.F.I, puis le bataillon du mont-Blanc

Le centre est rendu aux cheminots en 1947 .

Il connaît alors très vite un grand succès. Afin d’honorer Pierre Sémard, le chalet prend son nom. En 1956, le centre devient la propriété de la Fédération C.G.T. et de l’Orphelinat du Chemin de Fer Français. Syndicalistes et orphelins profitent de ce lieu exceptionnel. Petit à petit, on agrandit, on transforme, on aménage , on modernises le centre. En 1992, on engage une rénovation totale du centre.

En 1966

De nos jours, le Village de Vacances appartient toujours à la Fédération C.G.T. des cheminots et à l’Orphelinat National des Chemins de Fer. Il permet toujours aux petites bourses de profiter d’un lieu magnifique à des tarifs raisonnables.

Il est le seul centre appartenant à un syndicat encore en activité dans la vallée de Chamonix. Dans les années 1950-1970, il y en avait près d’une dizaine!

Sources : Chalet Pierre Semard pour les informations concernant la partie historique liée à la CGT . Revues CAF et Archives de l’association des Amis du Vieux Chamonix.

Savez vous que le peintre Jacques Louis David est venu à Chamonix en 1815?

En 1815, après la chute de Napoléon à Waterloo, le peintre Jacques Louis David, grand admirateur de l’empereur, inquiet d la tournure des évènements, décide de prendre un peu le large. En juillet 1815 il se rend en Suisse. Est-ce pour s’approcher de l’Italie où il rêve de s’installer ou tout simplement partir à la découverte de ces lieux que l’on dit si étonnants ? Nul ne le sait.

Jacques Louis David en 1817 deux ans après son passage à Chamonix

C’est en 1965 qu’Arlette Calvet-Sévillat découvre dans une collection privée le carnet de voyage en Suisse de Jacques Louis David. Ce n’est pas un récit détaillé, pas de commentaires sur les lieux mais plutôt un agenda tenu jour après jour enrichi de croquis dessinés directement sur place. Il quitte Paris le 23 juillet, se rend à Besançon, Pontarlier, Neufchâtel, puis Lausanne. Il fait le tour du lac Léman en passant par Rolle pour arrive à Genève. Il quitte Genève le 2 août pour Bonneville où il dort puis pour Servoz le 3, Chamouny le 4, de nouveau Servoz le 5 et retour à Bonneville et Genève. Durant ces quelques jours passés dans la vallée, David dessine quelques esquisses réalisées au crayon noir.

L’église de Chamonix

Le premier croquis représente l’église de Chamonix et son clocher bien distinct avec, en filigrane à l’arrière, l’arête de l’Aiguille du Midi et une légère ébauche du mont Blanc. Un dessin qui pourrait de nos jours être dessiné du même endroit ! A droite de la page est annoté par la main de David « le prieuré de Chamonix, 4 aout 1815 ».

Deux sapins

Le second représente une étude de deux sapins en premier plan, tandis que le paysage de montagne au second plan n’est que légèrement évoqué.

Vallée de Chamonix

Le troisième, «  vallée de Chamouny »  est un dessin léger mais très précis de la vallée. On distingue au premier plan les pointes du glacier des Bois, en second plan le village de Chamonix, le glacier des Bossons et au fond le Mont Joly fermant la perspective de la vallée. Probablement réalisé vers le Chapeau.

Un très beau dessin aux justes proportions avec une notion de perspective parfaite qui fait fuir les montagnes au loin.

Vallée de Servoz

Le quatrième intitulé « Vallée de Servoz » nous montre un vaste paysage avec en premier plan une maison située sur un coteau et à l’arrière un large massif où l’on reconnait aisément le long massif des Fiz avec l’aiguille de Warens et la tête de Colonney. Là aussi profondeur et perspective montre le coup d’œil habile du peintre.

Vallée de Servoz avec « char à bancs »

Sur le cinquième annoté également « Vallée de Servoz », est représenté distinctement un char à bancs (le fameux moyen de transport de l’époque) au pied d’une falaise impressionnante et à l’arrière dans une perspective réussie la fin du plateau des Fiz avec la pointe d’Ayères que l’on reconnaît aisément. Le lieu se situe probablement au haut des Montées Pélissier, juste avant la descente vers Servoz.

Ces croquis montrent la maîtrise de Louis David. C’est une main experte qui dessine avec précision et avec une perspective toujours réussie ces paysages de montagne. On note, selon Marc Sandoz auteur de l’article dans la revue savoisienne « l’aisance du trait, la bonne compréhension de l’échelle, et l’effet d’ensemble tout à fait conforme à la réalité », ce qui n’était pas toujours le cas en ce début du XIXème dans la peinture de montagne.

Les dessins de David sont très nombreux dont la plupart se trouvent au Louvre. Souvent exécutés dans des carnets ces dessins nous démontrent le talent de David pour ces esquisses fidèles, mais bien souvent ils représentent des portraits, des groupes. Celui du voyage à Chamonix est une révélation car David a peint très peu de paysages et ce carnet dévoile un pan génial mais un peu méconnu de son talent.

A son retour difficile et houleux, peu apprécié de Louis XVIII car David avait été  favorable aux idées révolutionnaires, il avait voté pour la mort de Louis XVI. Il s’exile définitivement en Belgique .

Il fut l’un des artistes les plus admirés, enviés et honnis de son temps, autant pour ses engagements politiques que pour ses choix esthétiques.

Sources : Revue de l’Art1969 : Un album de croquis inédits de Jaques louis David – par Arlette Calver-Serullaz. La Revue Savoisienne article de Marc Sandoz.

Qui donc se souvient de notre toute première championne de ski chamoniarde ?

En ces débuts du XXe siècle le ski est loin d’être à Chamonix une pratique courante. La station doit aux frères Jules et Joseph Couttet ainsi qu’au docteur Payot d’avoir fait connaître ce nouveau moyen de déplacement sur la neige vers 1903. Il en faudra des chutes et des essais pour arriver à se tenir debout sur la neige avec ces longues planches arrivées de Norvège rivées aux pieds ! Mais quel enthousiasme ! On ose aller sur les routes et chemins chamoniards. et parmi ces jeunes passionnés figurent des «jeunes filles  » qui sont bien souvent encombrées avec leurs longues jupes traînant dans la neige, mais peu importe … On tente de glisser !

Parmi elles une certaine Hélène Simond qui adore cette activité si excitante. Certes, elle travaille en hôtellerie, mais dès qu’elle peut elle se lance avec quelques unes de ses amies sur les itinéraires de la vallée. A l’époque le ski consiste à se déplacer essentiellement à plat ! Une sorte de ski de fond.

En 1908 le docteur Michel Payot, après avoir créé le Club des Sports, organise avec le Club Alpin Français le second concours international de ski (le 1er ayant eu lieu à Montgenèvre l’année précédente). La course a lieu du 03 janvier au 19 janvier. Certes certains viennent de Suisse, d’Italie ou de Norvège et les chamoniards espèrent participer à ces concours. Les hommes bien sûr, mais les jeunes femmes veulent ,elles aussi, en être.

Ci dessous lien pour cette course de 1908

https://www.blogdechristineachamonix.fr/du-03-au-05-janvier-1908-debutent-les-premieres-competitions-de-ski-chamoniardes/

Elles seront neuf, toutes chamoniardes et elles innovent leur tenues.

Elles se permettent de remonter leurs jupes au dessus de la cheville et si certaines portent un corsage à manche « gigots », d’autres se permettent de porter un gilet de laine. Nouveau pour une jeune femme ! Sur la tête certaines portent un chapeau à large bords tenu par un foulard de mousseline mais d’autres plus audacieuses adoptent un bonnet de laine …oh so shocking ! Mais surtout elles adoptent deux bâtons, suivant le conseil du moniteur norvégien Durban Hansen qui œuvre à Chamonix.

Crédit photo : Agence Roll- Gallica – BNF

Leur parcours se déroule sur 4km en terrain particulièrement gelé, varié avec obstacles, marche en forêt et différences de niveau de 50 mètres, dénivelé bien difficile pour l’époque. Les neuf se précipitent mais Hélène, forte de sa belle expérience, sait qu’il faut ménager sa monture.

Elle part lentement et remonte l’ensemble de cette petite équipe. Hélène est la 1er en 29 min 40sec, suivie de Marthe Simond en 31min51s, puis Marie Simond en 32min35s, Léa Benoît en 35min17s, puis Elise Burnet en 38 min 55s, Julie Gouze en 40 min 8s, Anna Devouassoud en 44 min 42s, Andréa Devouassoud en 47min 43s et Mme Payot Lachmayer en 56 min 43s.

Belle performance pour Hélène SIMOND !

Ces jeunes femmes forcent l’admiration des spectateurs. Ce qui fait dire à un journaliste de l’époque, Mr Gelinet. : «  Ce serait une grosse injustice, toute question de galanterie mise à a part, que de ne pas mentionner la virtuosité des dames, que nous avons pu juger et dont nous avons pu admirer l’allant au cours cette course de dames. De cet exercice qui ne demeurera pas l’apanage de l’homme, la femme est susceptible de nous montrer non seulement son courage, son habileté mais encore toute sa grâce ! On croyait que ce sport violent n’était pas fait pour nos compagnes …Il n’en n’est rien ! Les jeunes femmes qui ont enfin adopté le gracieux costume féminin (jupe courte et chandail) n’ont pas, comme quelques années auparavant, l’entrave obligatoire de la jupe longue.Le ski est bien un sport féminin. Il ne donne pas, comme on peut le croire, l’impression de l’effort admirable chez l’homme mais l’impression de légèreté, de grâce, de vitesse. C’est l’opinion de ceux qui ont vu et admiré vers les Frasses la hardiesse et la sûreté d’un groupe charmant de jeunes femmes et jeunes filles.

Mr Gelinet. Journaliste pour la revue du Club Alpin Français

Dès la fin de sa course Hélène retrouve son travail, ravie de sa performance et oublie de se rendre au casino où sont donnés les prix aux trois premières. Pour elle une jardinière en étain, une médaille de bronze offertes par le Club Alpin et un ouvrage intitulé «  Voyage en France ».

La presse française et suisse s’empare de cet évènement. On parle d’elle, on publie sa photo. Hélène reçoit une quantité de courriers la félicitant pour son exploit !

Si bien que l’année suivante, en 1909, lorsque le Club Alpin organise avec le Touring Club la grande quinzaine hivernale avec de multiples compétitions : patin, hockey, luge , ski. Hélène se remet à la tâche. Elle accepte de participer à nouveau à la course de Dames. Forte de son expérience et malgré la présence de la fameuse Marie Marvingt (qui devient dans les années suivantes la « star » de la neige et de l’alpinisme ( https://www.blogdechristineachamonix.fr/une-sportswoman-oubliee-de-chamonix-marie-marvingt/)

Hélène gagne de nouveau haut la main cette course. Course qui compte alors une trentaine de participantes venues de diverses stations françaises ! C’est sa seconde victoire.

Sources :

Archives Association des Amis du Vieux Chamonix – Revues « la Montagne » 1908 et 1909 – film de 1908

Archives presse suisse : « La gazette de Lausanne ». Journal « La Suisse »

Archives Jussy Editions, Rémy Naville -: Revue : « La vie au Grand Air  » – Revue « La Mode »

Publicité de l’époque que l’on retrouve dans toutes les revues sportives

Le destin tragique d’une famille oubliée : les Agnel

Certains parmi nos anciens se souviennent peut-être de Madame Agnel médecin à Chamonix, mais aussi de Monsieur Agnel, également médecin dans la vallée puis aux Thermes du Fayet. Ce couple amoureux de Chamonix sera marqué par un destin tragique

DOCTEUR AGNEL

Le docteur Agnel arrivé à Chamonix en 1923. Il s’investit rapidement dans l’organisation des J.O. de Chamonix. Passionné de patinage et de curling, il crée le premier club de curling chamoniard et édite un petit livret sur cette nouvelle activité sportive. Cheville ouvrière des JO organisés en 1924 à Chamonix, il est le lien permanent entre le comité national olympique et la commune de Chamonix et joue un rôle important pour le bon déroulé de ces 1ers J.O avec Frison Roche qu’il a lui même fait venir à Chamonix. Et sera le vice président de la Fédération française de ski pendant une quinzaine d’années.

Ils ont trois enfants, Louis, Cécile, et Marysette ; trois remarquables skieurs, alpinistes et magnifiques champions

LOUIS AGNEL

Louis né en 1918 surnommé Lalou est champion universitaire de ski en 1936 puis membre de l’équipe de France en 1938. Alpiniste accompli, il se lie d’amitié avec Lionel Terray, Livacic, Rebuffat. Devient pilote et s’engage dès l’entrée de la guerre.

Il meurt au combat en août 1943

CECILE AGNEL

La seconde Cécile née en 1921 fait de brillantes études de lettres mais sa passion pour le ski ne la lâche pas. En février 1939, elle participe aux championnats de du monde à Zakopane en Pologne. Elle est la meilleure française en slalom. Dès le mois de mars, elle participe aux championnats de France où elle prend la troisième place. En 1941, elle termine deuxième de la descente des championnats de France. Elle devient un grand espoir de l’équipe de France.

En juin 1943, elle entreprend avec quatre amis de monter à l’Aiguille de Blaitière. Elle est en bonne forme, tout se passe bien, ils arrivent sans problème au sommet mais le mauvais temps arrive brutalement et se déchaîne sur les aiguilles. Ils descendent mais le mauvais temps les ralentit. Ils arrivent difficilement sur le glacier des Nantillons. Cécile est épuisée. Elle ne peut continuer et reste avec un de ses compagnons lui aussi épuisé.

Sa vie s’arrêt là le 24 juin 1943 aux pieds de cette Aiguille de Blaitière

MARYSETTE AGNEL

a troisième Marysette née en 1926 entreprend des études de pharmacie et à l’image de sa sœur ne lâche pas le ski qu’elle pratique depuis son enfance. Elle est certainement une des meilleures skieuses de l’époque. Neuf fois championne de France, dont deux fois en descente, cinq fois en slalom géant et deux fois en slalom. Elle obtient le fameux K de diamant du Kandahar (très rarement attribué) car elle a accumulé cinq victoires.

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Elle épouse Maurice Claret, un guide et moniteur chamoniard, frère de Georges Claret l’horloger chamoniard. Elle entreprend avec lui quelques belles courses et le 19 juillet 1958 ils partent tous deux pour le mont Blanc par le couloir de la Brenva.

Ils font une chute de mille mètres sur la rimaille. Elle a 29 ans .

Elle vient d’avoir un enfant.

Funérailles de Marysette Agnel et Maurice Claret. Photo Philippe Le Tellier. On reconnait Lionel Terray au centre

Les docteurs Agnel perdent leur troisième enfant !

Sources : Association des Amis du Vieux Chamonix – Famille Georges Claret – Mr Alain Bossy

La 3ème vie du beau Site : la Résidence Beau Site

Afin de compléter ce dossier concernant le Beau Site nous ne pouvons oublier la résidence actuelle.

Chamonix était dans les années 1960 un ensemble constitué essentiellement de très anciens bâtiments dont certains centenaires. La commune à l’époque cherchait  à redéfinir un plan d’urbanisme plus moderne et plus fonctionnel. Elle imagine une cité plus dynamique, plus moderne,  et une grande réflexion est lancée  afin de moderniser l’ensemble de la ville. S’élabore  ainsi un plan directeur d’urbanisme dès les années 1960-70.

Chamonix possède de nombreux anciens hôtels qui sont transformés en appartements, mais rien n’existe  vraiment en termes de logements pratiques et rationnels. Par ailleurs, l’Etat conscient qu’un développement touristique ne peut être que profitable aux stations alpines favorise ces nouveaux projets. Le tourisme promet un avenir heureux pour les villages de montagne. Il faut densifier le centre de Chamonix. Ces  années sont les années ou fleurissent un peu partout dans les Alpes des cités où le béton est roi. C’est un matériau  pratique qui permet  de réaliser des ensembles rationnels donnant la possibilité d’élever des bâtiments en hauteur et ainsi d’aménager beaucoup plus de logements fonctionnels.

Les architectes voient là la possibilité de proposer aux stations en voie de développement  des immeubles sortant du carcan architectural traditionnel. La commune imagine une restructuration de la rue Paccard. C’est ainsi que le Beau Site, l’Outa , le Concordia ou d’autres immeubles voient le jour dans cette nouvelle décade. D’un village Chamonix passe à un centre urbain plus contemporain. Mais si à l’origine les chamoniards gèrent leur aménagement, la maitrise des nouvelles opérations urbanistiques revient à des groupes financiers privés.

Après le rachat de l’ensemble du Beau Site Club, celui-ci est revendu à un promoteur qui fait appel au cabinet d’architecture de Mr Philibert Maurice Plottier. Les abords et les infrastructures sont conçus à l’époque en fonction du « skieur  automobiliste » avec un accès direct des garages aux appartements.  Au dessus, on imagine une grande terrasse avec bar et piscine, aires de jeux pour enfants ainsi que des zones plantées.

Les logements sont conçus en recherche d’orientation de préférence au sud face au mont Blanc. Rien n’est linéaire.  Si la façade nord est rigide la façade sud est une série de décrochements grâce aux murs à refends. Ceux-ci  évitent la mise en enfilade de la façade,  permet des appartements  désolidarisés, avec de petites mezzanines pour certains, d’autres des renfoncements cachés. qui permet également que chaque appartement  possède une loggia afin  de profiter de son emplacement sans être pour autant gêné par l’appartement voisin.

De conception très moderne, le Beau Site fut contesté par de nombreux chamoniards. Il reste, cependant, que pour les occupants,  le Beau Site reste un lieu très agréable à vivre  en raison de sa conception vivante  et  agréable à vivre.

Sources : Revue architecture française 1966. Thèse Isabelle Madesclaire : les métamorphoses de Chamonix

Une piscine adorée des chamoniards : la piscine du Beau Site

La piscine du Beau Site des années 1950-1965, que de souvenirs pour les chamoniards !

Dossier réalisé avec l’aide de Dominique Patrigot et Philippe Rossi. Photos Nicolas Patrigot.

La vie de l’Hôtel Beau Site et de son annexe le Continental prend fin dès sa fermeture en 1935. Racheté, il est détruit rapidement. Ses pierres seront utilisées par Mr Bernaschoni pour réaliser quelques chalets pas loin de la plaine des Praz sur la route du Bouchet. Est alors entreprise la réalisation d’une piscine, mais l’entrée en guerre arrête les travaux. En 1945, le lot composé de la villa Beau Site, de la piscine en construction, du Continental (annexe de Beau Site) et du magnifique potager sont achetés par Nicole Rosendahl. Les travaux se terminent rapidement et la piscine est inaugurée en 1946.

Pour une petite commune comme Chamonix, une piscine composée de trois bassins c’est une belle opportunité pour les jeunes chamoniards ! Et oui ! Un grand bassin de douze mètres, avec plongeoir, un plus petit et un bassin école pour les enfants. On peut venir en famille, avec ses amis. Chacun y trouve son compte ! La piscine connaît dès son ouverture un très grand succès.

Nicole Rosendahl, bien que discrète, met toute son énergie à gérer son établissement. Elle achève les travaux en créant les terrasses. Elle aménage le bar du soleil , se charge de son décor et de son ameublement. Elle trouve les « bonnes » personnes pour assurer l’animation et l’organisation de la vie de cette piscine. Elle est âme de ce lieu qu’il faut gérer avec intelligence et bonne humeur.

Le « Beau Site Club » est très vite créé.

Mme de la Chaussée et de Mme Izard tiennent la caisse de la piscine . Mr de la Chaussée, l’architecte de la ville, crée le club de natation. Beaucoup de chamoniards lui doivent d’avoir appris à nager. Mais rien n’aurait pu se faire sans Mme Pasquier, maître-nageur diplômée d’État qui forte de son leitmotiv « plier- écarter- serrer », apprend à nager en 10 leçons à des générations de petits chamoniards et vacanciers. Elle est parfois assistée de Wolf Striker , maître-nageur incontestable !

Vous souvenez vous des balais nautiques, des défilés de mode, des spectacles comiques, des concours de natation et de plongeons ? Personne n’aurait voulu manquer ces animations uniques dans leur genre ! Ça bouge enfin à Chamonix ! Et les touristes prennent goût tout autant à ces moments d’exception.

Défilé

Dans le parc, la villa Beau Site (qui à l’époque de l’hôtel hébergeait la famille de de Gaby Curral Couttet) est transformée. On utilise le rez de chaussée pour en faire des vestiaires gérés par Jean Pierre Ancey et son frère. Les deux étages supérieurs abritent des appartements (dont un est occupé pat Mme Pasquier maître nageur), plus diverses chambres.

Mais on ne peut imaginer la piscine sans son célèbre « Bar du Soleil » avec sa grande terrasse donnant sur le bassin. La vue est imprenable, on y rencontre amis et touristes, le bar est animé.

Le bar du Soleil

Mais surtout nul ne peut oublier le fameux Pascal Rossi. Il est non seulement un excellent barman formé dans les plus grands palaces de la côte d’Azur, mais de plus amoureux du lieu . Il a le don d’animer de folles soirées.

Pascal Rossi

Dès les années 1950, il met en place des animations si joyeuses que tout jeune chamoniard ou touriste se précipitent pour y participer. D’ailleurs Pascal crée le « Club Hifi ». En permanence un haut parleur accroché à la villa diffuse les « tubes » de l’époque. C’est l’époque du ChaChaCha et du Twist. Pascal veille avec amitié sur ces jeunes afin que nul n’aille trop loin. Parfois le soir il leur prépare des spaghettis à la bolognaise ou des beignets aux pommes. On l’adore !

Cette piscine du Beau Site est, durant une quinzaine d’années, le lieu de rencontres de tous les chamoniards et visiteurs. On y rencontre aussi bien des guides que des alpinistes , des « têtes » connues comme Gérard Géry journaliste de Paris Match qui immortalise ce lieu mythique ou encore Maurice Baquet , Pierre Mazeaud, ou encore Gary Hemming, et Muckenbrunn.

Il y avait vraiment une « sacrée » belle animation.

Mais hélas toute bonne chose prend fin . En 1965, la piscine est vendue aux frères Patino. L’ensemble est détruit. Finie la piscine, fini le bar du soleil, finies les animations d’été. Les temps changent. la ville connaît un nouveau développement et Le Beau Site connaît ainsi une troisième vie.

Les trois vies du Beau Site

Nous connaissons la résidence du Beau Site construite en 1968 qui se fait remarquer par son architecture foncièrement moderne et intrusive dans le paysage chamoniard. Mais connaissez-vous l’histoire précédente de notre période moderne ?

Car le Beau Site a une longue et belle histoire à raconter.

Tout d’abord L’HÔTEL BEAU- SITE

A l’entrée de Chamonix, dès 1898, un bel hôtel apparaît dans le paysage hôtelier. Il s’appelle le Beau Site et son nom est associé à Sylvain Couttet, propriétaire. Sylvain Couttet a laissé dans la mémoire collective de la Belle Époque un souvenir ému. Guide, et surtout gardien du pavillon de Pierre Blanche puis des Grands Mulets dont il a mené les travaux pour la commune, il a accompagné de nombreux alpinistes vers le mont Blanc, a assuré quelques secours mémorables et chacun parle de lui avec une réelle tendresse et grande admiration. On le retrouve ainsi sur la publicité de ce nouvel hôtel

.A la mort de Sylvain, en 1900, l’hôtel est acheté par Joséphine Couttet, fille de la grande famille hôtelière du Grand Hotel Couttet épouse de Jacques Curral , actif membre de la commune.

Le Beau Site est un petit hôtel charmant, à trois étages, assez simple mais chaleureux. Tout à côté, se dressent une villa pour la famille et une annexe pour le personnel qui prendra, avec le temps, le nom d’Hôtel Continental. Certes au début, il n’y a pas de chauffage central mais à l’époque on ne venait guère l’hiver à Chamonix. Dans le hall  il y avait cependant un énorme fourneau de faïence qui dégageait une chaleur réconfortante. La salle à manger était décorée par Ferrero, peintre connu de l’époque (dont on retrouve un tableau au Majestic). Chaque chambre possédait une cheminée ou de petits fourneaux dont les bûches étaient entreposées dans des coffres de bois. En rez de chaussée, se trouvait une immense cuisine avec garde-manger, cellier, vaisselier. Et aussi une buanderie, une lingerie et en sous sol une cave à beurre, lait, fromages, vins. L’hôtel est modernisé après guerre. L’eau courante, le chauffage central sont enfin installés. L’hôtel devient plus confortable. Mme Curral-Couttet gère son hôtel avec bienveillance, mais aussi fermeté. Jacques Curral, son mari, s’investit auprès de son beau frère Jean Lavaivre, maire de Chamonix. Il crée la Chambre Hôtelière de Chamonix. L’hôtel était composé de deux bâtiments, le bâtiment principal avec 37 chambres et l’annexe avec 18 chambres. Il prendra ensuite le nom d’Hôtel Beau Site et Continental.

Les voyageurs aiment se retrouver dans ce petit hôtel cet établissement au charme singulier. D’autant plus que de l’autre côté de la rue un immense jardin s’étend jusqu’à la voie ferrée. Arbres fruitiers, potager avaient une large place au cœur du jardin d’agrément où phlox, fuchsias, dahlias, roses etc. .. font la réputation de cet espace extraordinaire dont la presse décrit avec moult détails le ravissement .

Joséphine meurt en 1926. C’est la catastrophe ! L’hôtel est repris pendant un temps par Gabrielle, sa fille, et son époux Roger Aubaut , qui ensuite le louent et finalement, en raison d’un revers de fortune du à la crise de 1929-1930 , le vendent vers 1935. Il sera détruit peu après.

A venir : Histoire de la piscine du Beau Site

Le pari de la construction de la Résidence Beau Site

Sources : Archives Amis du Vieux. Divers articles de Mr Casella ;livre « les folles années de Chamonix »par Gabriel Curral Couttet

1886 à Chamonix un voyage de noce pas banal !

Ah l’amour quand ça vous tient !


Fritz Schuler, né à Bonnneville, 1er guide étranger, entre à la compagnie des guides en juin 1882 .

Guide compétent, il emmène très vite ses clients au mont Blanc. La liste des ses courses est impressionnante.

Pour en savoir plus sur Fritz Schuler : cliquer ci dessous

https://dev.blogdechristineachamonix.fr/wp-admin/post.php?post=5438&action=edit

Il tombe amoureux d’une belle jeune fille nommée Jeanne Rauschert, originaire de Morges en Suisse. Après un mariage laïc au printemps, ils se marient religieusement en septembre 1886. Les deux tourtereaux, dès la cérémonie terminée, abandonnent rapidement les festivités et se précipitent sur les pentes conduisant au refuge des Grands Mulets accompagnés de quelques amis séduits par cette idée originale. Ils franchissent torrents et crevasses et passent leur nuit de noce aux Grands Mulets ! o

Décision déjà pas banale pour l‘époque ! Mais qu’à cela ne tienne, le lendemain, notre fougueux Fritz, encouragé par ses amis fascinés par un beau temps parfait et une journée s’annonçant splendide, convainc sa belle et son petit groupe de partir vers ce sommet encore mythique pour l’époque. Qu’a -t-elle pu répondre à cette proposition ? Quels ont été ses sentiments, ses impressions ? Car on imagine facilement notre Jeanne encombrée de sa longue robe et portant des chaussures sans doute pas très adaptées. Mais elle part à l’aventure confiante dans la décision de son Fritz. La seconde étape sera le refuge Vallot , où tous deux passent leur seconde nuit ! Le lendemain, ils font l’ascension du mont Blanc et au retour s’arrêtent de nouveau au refuge Vallot … Là Ils sont seuls et tranquilles , ce sera leur troisième nuit ! L’altitude ne semble pas leur avoir posé de problèmes ! Finalement, le quatrième jour, ils décident de redescendre et après une pause aux Grands Mulets, les deux amoureux rejoignent Chamonix en fin de journée ! Ils sont accueillis par une foule enthousiaste impressionnée par l’exploit de cette jeune femme qui n’avait jamais vraiment grimpé en haute montagne. Certes, quelques femmes avaient cherché à atteindre le sommet du mont Blanc, mais c’étaient bien souvent des touristes. Rarement, les femmes de guides ou tout simplement les habitantes du village n’auraient osé y penser. Mais Jeanne resta toujours très modeste sur cette ascension du mont Blanc en 1886.
Bravo à Jeanne ! qui par la suite donna quatre enfants à Fritz. Mais hélas, elle perdit son guide de mari en 1904 des suites dramatiques d’une chute en crevasse !

Source : Livre de Charles Schuler, l’histoire d’une vie peu ordinaire.

MARIE des Grands Mulets

: Une illustre inconnue au destin un peu particulier.

 Lors de diverses lectures concernant l’ascension vers le mont Blanc au cours du XIXème siècle on fait quelquefois allusion à la cuisinière la plus élevée de l’Europe « Marie des Grands Mulets ». L’auteur d’un de ces voyages  évoque Marie qui   leur raconte des histoires d’accidents, de tempêtes, d’ouragans d’avalanches …. Pendant les mauvais temps Marie reste parfois 8 à 10 jours sans voir personne. Et n’est  point sans émotion au souvenir d’une  terrible nuit qu’elle passa sous un rocher des Grands lorsqu’un  ouragan d’une violence inouï, avait soulevé l’ancienne cabane à un pied au dessus du sol menaçant d’emporter la fragile maison à travers les séracs des glaciers ..Mais Marie reste fidèle à son poste possède une petite bibliothèque !

Plus tard  La fille de Joseph Vallot parle tendrement de Marie qu’elle admirait particulièrement. « Je dois noter l’énergie de cette brave paysanne  qui à 3300 mètres d’altitude et qui durant près de 20 ans  fut la bonne hôtesse qui faisait la liaison entre la vallée de Chamonix et le mont Blanc. Elle ne semblait cependant pas destiner  à vivre dans les glaces ayant passée sa jeunesse dans  la loge d’une danseuse d’opéra dont elle était la femme de chambre et qu’elle quitta pour épouser un machiniste  du centre du Théâtre National qui par la suite la ramena chez lui… Elle en avait vu la bonne Marie qui  parfois seule comme dans un phare demeurait isolée par les jours de tourmente  dans sa petite cabane … »

Après quelques recherches   (grâce à la généalogie des Amis du Vieux Chamonix) on trouve que cette Marie était une jeune femme originaire de Pyrénées (son nom Marie Lacabanne) qui  partit travailler à Paris  puis épousa Basile Tairraz  originaire de Chamonix , cultivateur et guide en 1852 et commissionnaire à paris. C’est ainsi qu’elle arrive à Chamonix. Elle eut avec Basile un garçon nommé Paul qui à l’âge de 9 ans alla voir sa maman et en profita pour faire le mont Blanc le 13 juillet 1877.

Marie restera 20 ans chaque été assurant les repas et l’entretien du refuge

Mais qui de nos jours qui se souvient de Marie, de sa bonne cuisine, de sa bonne humeur et de son attention auprès des clients ?

20 ans au refuge des Grands Mulets c’est une sacré performance.

De l’usage des bains dans l’hôtellerie chamoniarde

Au cours du XIXème siècle la vallée de Chamonix voit  le nombre de visiteurs croître de jour en jour. On compte 10 hôtels en 1860 lorsque  la Savoie devient française et dès lors Chamonix se développe rapidement. Les chamoniards édifient auberges, petits hôtels familiaux, hôtels de grand confort puis hôtels de luxe.

Un hôtel dit « confortable », au début  du XIXème siècle,  se devait de proposer à ses clients dans chaque chambre un « meuble  de toilette » recouvert d’une plaque de marbre, avec  une bassine , un broc à eau en porcelaine  ainsi qu’un porte savon assorti et un pot d’aisance.  A l’origine, dans les hôtels chamoniards,  l’eau chaude était apportée par le personnel  dans chaque chambre. Parfois il existait un réservoir d’eau chaude à chaque étage, le client allant se  servir lui-même.

 

A Chamonix, les frères Charlet, associés aux frères Simond, propriétaires  de l’Hôtel  de l’Union (construit en 1816), élèvent des bains en 1825 le long de l’Arve. A  partir de 1834, ils font apporter l’eau sulfureuse des Mouilles par des canalisations de bois. Le «Guide du voyageur en Suisse » de Richard  insiste sur « ces bains de santé et de propreté « 

L’Hôtel d’Angleterre fait construire dans ses jardins une « maison des bains » avec neuf chambres de bains proposant eau chaude et eau froide.

L’’Hôtel Mont Blanc aménage  également un bâtiment « bains »  dans le jardin.

De même le Grand Hôtel Couttet et l’hôtel de Paris .

Le XIXème est  le siècle de la révolution hygiénique avec  une notion nouvelle dans le traitement du corps. L’idée de l’hygiène, de la propreté, entre dans les mœurs. Les liens sont  établis entre les épidémies et la propreté des corps. Pasteur, venu à Chamonix en 1860, faisant le constat de la réalité bactérienne ouvre une nouvelle ère dans la conscience collective. D’ailleurs en 1860, la commune fait dresser deux fontaines, l’une au centre du village, l’autre dans le haut du bourg, afin de proposer aux habitants une eau courante accessible à tous.

Cette amélioration de l’’hygiène se développe et connaît un réel  succès auprès des hôteliers en contact avec  une clientèle sensible à ce type de services. Les salles de bains font leur apparition. La publicité  des hôtels  insiste sur ces nouveaux aménagements. A savoir cependant qu’à l’origine le  client devait réserver son horaire car  il fallait faire chauffer l’eau pour alimenter les baignoires.  Les hôtels de l’époque  avaient rarement de l’eau courante en étages. On réservait une pièce où l’on disposait une baignoire et une femme de chambre  apportait l’eau chaude.  C’est avec le début du XXème siècle  que les nouveaux hôtels, comme le Métropole en 1902,  aménagent des salles de bains avec eau courante  et  des lavabos dans chaque chambre.

Ce nouveau siècle  vantant  de plus en plus les vertus du bain,  Chamonix se devait d’offrir à ses clients le « nec plus ultra » du confort et des soins de propreté  de l’époque. On  vante  l’idée d’une  « station climatérique »,  c’est-à-dire une station saine, en contact direct avec la nature, où l’homme peut s’épanouir en toute tranquillité sans miasmes. « Chamonix est la station climatérique la plus fraîche et la plus salubre de toutes les stations estivales et alpestres » peut-on lire sur les affiches publicitaires. De nombreux médecins y vont de leurs recommandations sur la qualité de l’air à Chamonix. La « Société des hôtels réunis » envisage en 1890 de créer une station thermale  aux Mouilles avec un  hôtel de 300 chambres  disposant de bains d’eau sulfureuse et bains de lait ! Ce projet ne voit pas le jour, mais en 1905, à côte du Casino nouvellement construit (piscine actuelle),  est aménagé un établissement d’hydrothérapie à l’eau d’Arve selon le procédé de Mr Kneipp qui  préconisait des bains d’eau froide pour stimuler les organismes  défaillants.

 

La modernité arrivant, la salle de bains privée devient un concept de luxe et de grand confort. Le Savoy, édifié  en 1901, propose 150 chambres dont 100 avec salle de bains. De même le Chamonix- Palace  offre 200 chambres dont 150 avec salle de bains ou encore le Majestic 300 chambres dont 200 avec salle de bains.  Cependant les hôtels plus modestes garderont longtemps une seule salle de bains à l’étage,  mais généraliseront  des lavabos équipés d’eau chaude et d’eau froide dans chaque chambre.

Sources : Le propre et le sale de Georges Vigarello – L’invention de l’habitation moderne de Monique Eleb et Anne Debarre. – Hôtels et palaces. Edition Gilletta – Il était une fois la montagne de Luc Tournier – Les folles années de Chamonix de Gaby Curral Couttet.

 

 

A Vallorcine – Une église lumineuse après cinq années de travaux. Bravo !

Cette petite église de Vallorcine qui se dresse ici depuis 1272 force l’admiration de chacun. Reconstruite en 1288 elle est là, présente, seule au milieu des prés.

Elle semble affronter siècle après siècle le climat rude de cette vallée. Nombreuses sont les coulées de neige qui l’ont atteinte. Elle est touchée en 1594 puis en 1674 et les catastrophes se répètent, particulièrement durant la période du petit âge glaciaire. L’église est menacée si bien que les vallorcins décident en  1720, de la protéger, tout d’abord en construisant une impressionnante « tourne » ( voir article sur la tourne : https://dev.blogdechristineachamonix.fr/la-tourne-de-leglise-de-vallorcine/ ,

En 1756 l’église est reconstruite dans le sens inverse de l’origine pour la mettre à l’abri de cette digue. Quel était son décor ? On peut l’imaginer baroque.

Retable de 1838

Il est probable que le décor d’origine avait été endommagé par l’humidité permanente du lieu. Par ailleurs le maître autel de 1838 avait été détruit en 1958. Les vallorcins avaient peu à peu réaménagé leur église en faisant appel aux artisans locaux dont on retrouve de nos jours la marque dans le mobilier : portail d’entrée, autel, baptistère ou croix de l’entrée du chœur.

Avec le temps, l’église se dégrade, rongée par le salpêtre. La décision est prise de lancer une grande campagne de restauration. De gros travaux sont entrepris en 2017 afin d’assainir l’ensemble du bâtiment. La question s’est posée à propos du décor d’origine. Des sondages intérieurs sont   réalisés  révélant jusqu’à sept restaurations entre le XVIIIe et XXe . Des fresques sont peu à peu mises à jour. Bien que lacunaires, elles sont restaurées et offrent au regard du visiteur quelques très beaux éléments de facture baroque. Au centre de l’arc triomphal on reconnaît Dieu le père auréolé du triangle de la Trinité. Sa main repose sur un globe, image traditionnelle représentant l’Univers dont le Père est le créateur. Sur sa gauche, probablement Saint Paul  tenant un livre (ses épitres) et un glaive (instrument de son martyr ou encore vu comme le glaive de l’Esprit c’est à dire de la parole de Dieu) ,  et sur sa droite probablement Saint Pierre.

Au pied de l’arc à gauche on devine Saint Michel terrassant le dragon et tenant  dans sa main gauche la balance des âmes au moment du jugement dernier. Sur la droite Saint Maurice en légionnaire romain brandissant son étendard reconnaissable à sa croix tréflée . Intéressant car ceux-ci sont deux saints de paroisses voisines : Chamonix et l’abbaye de Saint Maurice en Valais.

Dans la partie supérieure, à la croisée de la nef et du transept, quatre personnages représentent les quatre Pères de l’église : Saint Ambroise, Saint Jérôme, Saint Grégoire et Saint Augustin, docteurs sur qui la foi de la Contre Réforme repose.

L’église est claire, lumineuse, car une fois que notre regard quitte ces fresque restaurées on ne peut que remarquer la douzaine de vitraux qui ornent l’ensemble des fenêtres de cette petite église. Vallorcine a fait appel au Père Kim En Joong, coréen, qui d’emblée a été enthousiasmé par ce lieu étonnant. Prêtre dominicain, Kim En Joong a décoré de nombreuses églises dans le monde entier et aussi dans notre région, notamment à Saint Gervais, Martigny, Hospice du col du Grand Saint Bernard. Après avoir découvert la foi catholique, il raconte sa découverte des vitraux de Chartres « Lorsque je pénétrais à l’intérieur de la nef pour la première fois, je fus ébloui. Il me semblait percevoir comme un avant-goût du ciel. Je n’avais vu nulle part cette lumière diffusée par des baies où dominent mes trois couleurs préférées : le bleu de l’espérance, le rouge de la naissance et le jaune de la joie »…

Et ce sont effectivement ces trois couleurs qui dominent dans l’ensemble des vitraux réalisés à Vallorcine. Peu importe, croyant ou non, nous ne pouvons qu’être éblouis par la beauté ce ces vitraux très modernes dans lesquels aucun thème religieux ne s’impose. Le bleu, le jaune le rouge forment une triade de couleurs qui jouent avec la lumière extérieure. Parfois un trait ou une tache plus sombre voire une autre teinte met en valeur ces couleurs lumineuses. Il y a de la gaieté, de la joie mais aussi pour des croyants de la profondeur et de l’espoir.

L’église de Vallorcine, témoin d’un passé séculaire, entre dans la modernité. Bravo à ceux qui se sont battus pour initier un tel projet et le mener à bien.

Sources :  Brochure de l’église de Vallorcine . Dominique Ancey – Revue Nature et patrimoine n°66. Article Jean Paul Roudier et  Dominique Ancey. Livre : Baroque un Art retrouvé (éditions Rossat-Mignod)

Pour en savoir plus sur l’église de Vallorcine je vous recommande le site  : https://www.eglise-vallorcine.fr/

Pour en savoir plus sur le Père Kim en Joong :https://www.kimenjoong.com/

La première ascension à ski du col de Balme

Cette année 2023 est inaugurée la nouvelle télécabine de Charamillon.  Beaucoup se souviennent des diverses remontées mécaniques qui ont fait l’histoire de ce domaine de ski, mais skier sur ces pentes débonnaires n’a pas toujours été facile !

A la fin du XIXème on employait  bien largement des raquettes  pour se déplacer d’un village à l’autre.  A Chamonix le ski arrive avec Joseph Couttet qui avait découvert grâce à des amis norvégiens ce moyen de déplacement et nous devons au docteur Michel Payot la popularisation du ski.

Celui-ci, fan de cette activité incite ses amis guides à utiliser ce moyen de transport  pour se mouvoir sur la neige. Il essaie divers type de skis et  estime que « la longueur idéale des skis doit être de 2 mètres pour un poids moyen de 75kgs et recommande que pour remonter la pente il faut fixer une bande de peau de phoque de 0.80 de longueur environ  qui doit être fixée sous le ski au moyen de petits clous disposés de telle manière que les poils se lissent en poussant le ski et se rebroussant pendant le recul. Et il convient de se munir d’une paire de chaussons en feutre se mettant par-dessus la chaussure.

Il est le premier à s’aventurer sur des pentes un peu plus raides et fait ses premiers essais  au col de Balme le 12 février 1902

                                                                             Texte Michel Payot :

….La vallée de Chamonix est actuellement couverte d’une couche de neige dont l’épaisseur varie entre un et trois mètres. Les skis permettent de gravir de fortes pentes avec un minimum de fatigue. Les longs patins de frêne s’enfoncent que de quelques cm sous le poids du corps et l’effort pour les faire glisser parallèlement est insignifiant.

Le 12 février par un temps incertain profitant d’une éclaircie nous partions du village du Tour accompagné du guide  Joseph Ducroz pour faire l’ascension du col de Balme. Mon brave compagnon employait les skis pour la deuxième  fois et il partit avec la certitude de ne pouvoir effectuer le quart du trajet et il comptait sans son énergie et son endurance. Le départ eut lieu du Tour à 1heure de l’après midi. La première partie de l’ascension est la plus pénible en raison de pentes, qui sont très accentuées. Nous suivions la direction des poteaux téléphoniques et nous arrivons sans incidents aux chalets de Charamillon. Je tire ma montre : il est deux heures exactement. « Eh bien », dis-je à Ducroz, « pensez vous atteindre le sommet maintenant ? » « Oh ! Oui !, ça va très bien et si nous allons toujours de ce train là, en moins de 40mn nous sommes au col ! »

Mais il comptait sans l’état de la neige qui, sur le plateau de Charamillon à l’abri du vent, s’était ramollie sous l’action du soleil et collait aux skis. La marche devint pénible et nous regrettons vivement de n’avoir pas emporté un peu d’huile pour en frotter nos patins. Cependant, après une demi-heure de marche nous retrouvons, avec la bise, tantôt la neige sèche et en poussière, tantôt la neige dure et nous arrivons au sommet du col à 2h48mn….Les chalets de Balme disparaissent sous la neige et ceux du col sont crépis d’une couche de 20cm de neige tassée et bizarrement sculptée par le vent âpre et violent qui y souffle sans cesse..

La tourmente approche, et après une demi-heure de repos nous songeons à la descente. Je laisse mon guide Ducroz dont l’équilibre sur les skis à la descente est peu stable, partir le premier. En quelques secondes il a parcouru la moitié du chemin entre le col et les chalets de Charamillon. Une magnifique culbute arrêt sa course : l’homme a totalement disparu. Deux skis s’agitent comme les ailes d’un moulin à vent au dessus de la neige. Il est trois heures et demie, je me lance à mon tour et passe à vingt mètres au dessus de Ducroz qui achève à peine de reprendre son équilibre sur ses longs patins. La glissade vertigineuse continue, et 25mn après notre départ du sommet nous arrivons chez mon brave compagnon au moment où la famille prend place pour le thé.

Voilà donc une course d’hiver faite par plusieurs mètres de neige molle avec plus de rapidité qu’on ne le fait généralement en été. ..A notre avis l’emploi de skis constitue le meilleur moyen pour faire rapidement avec un minimum de fatigue les ascensions d’hiver…

     Photo frères Bisson : col du Géant

Le 24 février de la même année accompagnés des guides Alfred Simond et Joseph Ravanel, nous avons Henri Devouassoud , Joseph  Couttet, René Payot et moi effectué la traversée du col du géant en skis avec descente sur Courmayeur en 14 heures par la neige et le brouillard  durant la moitié du trajet

Michel PAYOT

Sources  : Bulletin CAF 1903-1904  -Photos  fonds Jean Fabre

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