Guide conférencière. Pratique ma profession depuis maintenant plus de 40 ans. Ai acquis une longue expérience et de larges connaissances en terme d'histoire de patrimoine et d'architecture. Toujours passionnée par ces thèmes et ces sujets !
Sur le bourrelet morainique, au-dessous des installations du Montenvers, se trouve un beau bloc de granit où figurent les deux noms des premiers visiteurs au Montenvers en juin 1741, Mr William Windham et Richard Pococke.
La tradition veut que ce soit à cet endroit particulier que nos deux voyageurs se seraient reposés, ici tout près du glacier et y auraient gravé leurs noms !
Mais dans le récit de Mr Windham, nulle allusion à cette pierre ni aux inscriptions. Nos deux personnages ne restent qu’une quarantaine de minutes… Or pour graver du granit, il faut beaucoup de temps et une certaine expérience pour ce savoir- faire.
Mais alors pourquoi une « Pierre aux Anglais » ? Qu’est-elle vraiment ?
Il semblerait que le nom et le choix du lieu a été donnés par Mr Pierre Martel, scientifique genevois venu à Chamonix en août 1742. Mais Mr Martel précise bien qu’il se pose au dessous d’une énorme pierre sous laquelle on pouvait s’abriter. Ce n’était donc pas la pierre en question !
Théodore Bourrit, lorsqu’il se rend au glacier, ne mentionne pas cette pierre aux Anglais. Juste le lieu.
En 1762, le duc de La Roche Foucauld par contre décrit ainsi cette pierre : «..c’est une pierre qui a quinze ou seize pieds de long sur cinq ou six de large ».
Nous avons donc là un énorme bloc permettant de se mettre à l’abri, on suppose donc que celui-ci était bien plus important que l’actuel.
En 1840 , cette pierre est immortalisée par Rodolphe Toepffer, lors de son voyage avec ses élèves, où l’on voit ceux-ci se mettre à l’abri sous le bloc de granit. Il le décrit ainsi : « C’est une salle souterraine que recouvre un énorme plateau de granit et nos « touristicules » (touristes) trouvent l’endroit propice pour y faire du feu !»
ET ENCORE …
Alphonse Favre (géologue réputé pour ses recherches de blocs erratiques au cours du XIXe) la décrit ainsi : « … On peut se mettre dessus ou dessous car ce dessous forme une caverne où l’on se met assez commodément »
C’est avec James Forbes (scientifique écossais) que l’on apprend en 1848 que ce bloc de protogine marquant le lieu de visite de nos deux Anglais aurait été détruit par un feu allumé en dessous (?). Une nouvelle pierre avait été choisie afin de marquer le lieu. Les inscriptions auraient alors été gravées sur ce nouveau bloc.
Amédée Achard nous confirme en 1850 « la restauration de la pierre par le transfert d’une inscription sur un autre bloc ».Et c’est en 1885 que Gabriel Loppé immortalise cette pierre dont on reconnait bien la forme oblongue.
C’est notre fameuse pierre aux Anglais. Elle date de 1848 et non de 1741 !
IL nous faut donc nous souvenir que cette appellation et ce lieu ont été choisis en 1742 par le suisse Martel qui, voulant rendre hommage aux deux premiers courageux visiteurs, a situé et nommé ce lieu à leur mémoire.
Il est intéressant que ces premiers voyageurs aient malgré tout marqué la mémoire de chacun. De ce moment-là, les guides tels ceux de Edouard Whymper ou de Charles Vallot évoquent systématiquement cette fameuse Pierre aux Anglais.
Et une petite remarque le e à la fin du nom Pococke a disparu lors de l’inscription
SOURCES : Lettres de Windham et de Martel par Henri Ferrand – Duc de la Roche de Foucauld: Relation inédite d’un voyage aux glacières de Savoie – Théodore Bourrit : Voyages aux glaciers – John Forbes : Les vacances d’un physicien – Rodolphe Toepffer : Premiers voyages en Zig Zags. Amédée Achard Une saison à Aix les Bains .
“Le froid et le vent seront vos principaux ennemis sur l’Everest”
Raymond Lambert
Première expédition française et chamoniarde à l’Everest
L’équipe des chamoniards à l’entrainement (photo Pierre Tairraz)
Septembre 1974. Court résumé d’Eric Lasserre, médecin de l’expédition.
Le propre de cette expédition était d’être composé de guides chamoniards qui, après deux ans de préparation minutieuse, s’envolèrent le 13 juillet 1974 pour Katmandou. Leur but : gravir l’arête ouest Intégrale, crête vierge qui découpe dans le ciel ses corniches neigeuses sur 3 500 mètres de dénivelée, à la frontière avec le Tibet
Une belle équipe soudée
L’équipe chamoniarde, composée de 10 membres quitte Chamonix le 13 juillet 1974 et nous rejoignons une centaine de porteurs et sherpas dans la vallée du Khumbu.
Notre expédition est dirigée par le guide de haute montagne Gérard Devouassoux, 1 adjoint au maire, fondateur de l’Office de Haute Montagne, personnage charismatique .
l’équipe à Katmandou avec le sirdar et l’officier de liaison
Sont réunis avec Gérard les guides Georges Payot, Christian Mollier, Claude Ancey, Jean-Paul Balmat, Fernand Audibert, Daniel Audibert, Denis Ducroz, le cinéaste ,Pierre Tairraz photographe et cinéaste et moi-même Eric Lasserre en tant que médecin.
Marche d’approche
La marche d’approche est de trois cents kilomètres, à travers les forêts du Nord-Népal, noyées par les pluies de la mousson et infestées de sangsues. Un cheminement de 23 jours difficile, mais qui soude notre équipe et prépare à l’affrontement de la haute montagne.
Nous traversons de nombreux villages, où je tiens chaque soir une consultation médicale assidûment fréquentée. Nombreux sont les népalais nécessitant des soins indispensables. la queue est toujours longue …
Après cette longue marche, nous sommes bien acclimatés à notre arrivée au camp de base le 16 août à 5400m d’altitude sur une moraine désolée du glacier du Khumbu.. Il y a une bonne ambiance et nous sommes tous désireux d’aller plus haut, plus loin. Gérard se montre un chef reconnu par nous tous. Chacun a son rôle et la vie au camp de base s’organise très vite en fonction des talents de chacun.
Débuts sur cette montagne mythique
L’attaque de la montagne intervient vite par l’équipement du mur rocheux vertical du col de Lho la. Le camp 1 à 5800m est dressé sur une terrasse neigeuse à mi hauteur. Un raide couloir de neige permet ensuite de prendre pied sur le vaste col de Lho La à 6000m. De là, à droite, on commence l’ascension de la longue arête ouest, neigeuse, itinéraire que nous avons choisi. Le camp II est établi par Gérard Devouassoux et Christian Mollier sur cette arête, à 6400 m d’altitude, juste au dos d’un grand couloir d’avalanches dont le bord gauche le sépare du camp. C’est une ascension difficile , sous une mousson permanente.
Le 7 septembre je monte dormir au camp I avec Pierre Tairraz.
Le camp III à 7000m est établi le 8 septembre par Claude Ancey et Jean-Paul Balmat.
Ce soir-là Pierre et moi montons dormir du camp I au camp II. Il neige beaucoup cette nuit du 8 au 9 et le matin nous passons beaucoup de temps à dégager les tentes enfouies sous la neige.
Au début de l’après-midi Gérard m’envoie un message radio du camp de base pour me demander de redescendre au camp I pour libérer la place de couchage que j’occupe au camp II, car il désire y monter. Nous nous croisons sur le chemin tandis que je rejoins le camp I. Pouvais je deviner que c’était la dernière fois que je le verrai ?
L’avalanche
Le soir du 9, alors qu’au camp I je me prépare un frugal dîner, une immense rumeur envahit l’espace, suivie d’une violente bourrasque qui secoue terriblement nos tentes. Je parviens à stabiliser la mienne, mais celle qui se situe juste en dessous disparaît dans le vide, entraînant avec elle le malheureux sherpa qui s’y reposait. Quel choc ! Je comprends que nous venons de subir une grosse avalanche descendue dans le couloir qui borde les camps II et I.
Tout de suite je rends compte par radio au camp de base de ce qui vient de se passer, Un sherpa disparu, un amoncellement de neige et une angoisse chevillée à mon esprit. Il faut garder la tête froide mais nous sommes terriblement inquiets de n’avoir aucun contact radio avec le camp II où doivent dormir Gérard et Pierre. Ou sont ils donc ? Pourquoi ne répondent ils pas ? Je redescend vite au camp de base avec les autres sherpas bouleversés de la perte d’un de leurs amis.
Nous devons attendre le lendemain matin pour voir arriver, avec deux sherpas rescapés, au camp de base, Pierre Tairraz. Il est épuisé, tétanisé , catastrophé. Il nous annonce que l’avalanche de la veille au soir a écrasé le camp II.
Il raconte comment, coincé et étouffant dans son sac de couchage, il avait été enseveli par la neige. Il s’est débattu pour essayer d’en sortir. Il étouffe sous le poids de la neige, prisonnier de ce celle-ci qui l’emprisonne. Miraculeusement il s’en dégage, emmené par cette rage de lutter contre ce destin mortifère mais Gérard, qui était allongé à côté de lui, sur la place où je dormais la veille, était mort étouffé sous la coulée. Gerard avait disparu. Il le cherche mais en vain. Il fait terriblement froid, Pierre erre dans les débris du camp pour trouver des chaussettes et des chaussures, du matériel. Mais tout a été enseveli. Il lui faut une sacré volonté pour se mettre en marche vers le camp de base. Pierre ne se remettra jamais de ce traumatisme d’avoir survécu à l’avalanche et de pas avoir pu sauver Gérard.
Nous passons des journées dans le chaos glaciaire, le froid et l’angoisse, à rechercher les corps de Gérard et des sherpas disparus. Gérard sera retrouvé quelques années plus tard sur le bas du glacier.
C’est ainsi que notre chef d’expédition nous quittait. Celle-ci prenait tristement fin, avec la mort simultanée de cinq sherpas, l’un sous quasiment sous mes yeux au camp I, les quatre autres ensevelis au camp II avec Gérard .
Nous participons à une cérémonie de crémation pour le jeune sherpa Nawang Loutuc, 17 ans . Nous entendons longtemps les prières du lama.
La rencontre avec les familles des sherpas est douloureuse. L’absence de Gerard est forte. Nous n’arrivons pas à y croire
Nous redescendons peu à peu dans ces vallées interminables. Je continue à soigner régulièrement les habitants de ces villages traversés. Je remets l’ensemble de mon stock de médicaments et de matériel médical dans le seul hôpital de la région de Khumjung.
Nos pensées sont si tristes !
Nous étions jeunes, ambitieux, heureux… une belle bande de copains passionnés de montagne et de ses défis. Mais celle-ci, comme souvent, nous a rappelé qu’elle peut diriger nos divers destins.
Sommes-nous devenus plus humbles, plus lucides ? 50 ans après le souvenir de cette catastrophe reste ancré en nous .
Eric Lasserre – Médecin de l’expédition
Pour en savoir plus : l’excellent livre de Christian Mollier . “Everest 74”, les rendez- vous du ciel.
En juillet 1927 le client W.A.Wright engage Alfred Aristide Balmat comme guide. Alfred est originaire des Pèlerins. Surnommé « à la Maître » car sa mère et sa tante étaient institutrices ce qui le distingue des autres Balmat nombreux au village des Pèlerins. Bien que menuisier et cultivateur il aime la lecture, il apprend l’anglais et se constitue ainsi une belle clientèle. Alfred est un spécialiste des grandes courses de neige et d’arêtes et compte à son actif quelques très beaux 4000 du Valais. Il assume la présidence de la compagnie des guides de 1921 à 1931. Personnage actif il restructure avec Armand Couttet la caisse de secours et c’est sous son mandat qu’en 1924 est relancée la fête des guides dont nous fêtons cette année le centenaire.
Forte personnalité il est reconnu par ses pairs pour son talent à diriger cette équipe de guides. Alfred reçoit la légion d’honneur pour les très nombreuses et périlleuses caravanes de secours qu’il mène dans le massif. Il meurt en mars 1945.
LEON BALMAT :
Son fils Léon, né en 1904, suit les traces de son père. Cultivé, curieux, généreux il est recommandé par le guide-chef en 1942 au jeune prêtre Henry Grouès (devenu plus tard en résistance l’abbé Pierre). Celui-ci cherche à organiser avec de jeunes délinquants des courses en montagne afin de les aider à se réinsérer. Très vite Il se lie d’amitié avec ce jeune guide avec qui il partage une foi forte et inébranlable. Henry Grouès est déjà par ailleurs une âme vive de la résistance. .IL est vicaire à Grenoble et héberge au cours du mois d’août deux familles juives qu’il ne peut garder chez lui trop longtemps. Il se rend alors à Chamonix avec ces deux familles. et demande à Léon son cher ami, d’héberger ces 12 juifs qu’il a emmené avec lui.
Léon guide engagé dans la protection des plus faibles
La ferme de Léon n’est pas grande mais immédiatement il ouvre sa grange aux pauvres malheureux qui se réfugient ainsi une nuit dans la maison. Dès le lendemain Léon s’engage à les emmener en Suisse. Par le train l’abbé Pierre les conduit à Montroc . Léon prend le relais Par une longue marche partant de Montroc, il emmène cette équipe au Tour puis au refuge Albert 1er qui était tenu par un de ses amis. La voie est ainsi plus discrète. Puis par le col du Tour et le glacier du Trient l‘équipe arrive en Suisse. On imagine ces citadins traverser ce monde de la haute montagne…il fallait un guide avisé et motivé pour les accompagner avec sureté. Huit heures de marche harassante …Léon sauve ainsi 12 juifs. Léon s’engage dans ce chemin d’aide, pour lui c’est évident… Parfois les groupes sont trop nombreux et on sait que Léon fait appel à son collègue Camille Couttet pour l’aider à faire passer ces juifs en fuite souvent par le même chemin hasardeux du col du Tour lorsque le col de Balme était trop surveillé. Combien ? On ne sait pas. . L’abbé Pierre lui a demandé quelquefois son aide pour ces passages de frontière mais on ignore tout de l’engagement de Léon car celui-ci en aout 1945 décède dans un accident à la Nonne et son passé de guide passeur tombe alors dans l’oubli.
Père et fils décèdent la même année en 1945 l’un en mars l’autre en août. On imagine la douleur pour la famille.
Nous avions envie avec Catherine de les honorer pout que nul oublie leurs engagement mutuel
Sources : livre Médailles et légendes. Compagnie des guides. Edition Esope . Historien Pierre Dupraz – Association des Amis du Vieux Chamonix
A l’entrée du Parc Couttet, côté parking des Allobroges, tout près de la Maison des Artistes se dresse depuis quelque temps une imposante stèle de granit.
À l’origine, celle-ci se trouvait dans le jardin de l’hôtel Couttet, en contrebas de la tourelle ,( établissement construit en 1867 par le guide François Couttet pour y accueillir ses amis alpinistes). Le temps passant la stèle fut oubliée et, l’hôtel perdant de son panache, celle ci était noyée parmi les ronces et les herbes hautes et son inscription devenait illisible.
Grâce à l’action de l’Alpine Club et de la ville de Chamonix la stèle retrouve vie.
Mais qu’est ce donc que cette imposante pierre de granit et qui est Charles Edward Mathews?
Ce magnifique morceau de granit est érigé à la mémoire de Charles Edward Mathews (1834-1905),cinquième président de l’Alpine Club et 1er Président du Climbers’ Club . Charles Edward Matthews œuvra avec son frère en 1857 à la fondation de l’Alpine Club dont il fut le président de 1878 à 1880. Grand ami de Leslie Stephen et de Whymper, il arpenta pendant plus de 40 ans les Alpes en réalisant discrètement quelques premières. Toute sa vie, il fut un passionné du mont Blanc puisqu’ il en fit 12 fois l’ascension. D’ailleurs dans sa monographie «The Annals of Mont Blanc» (1898) il rend un hommage marqué à ce sommet mythique en retraçant son histoire et décrivant les diverses voies d’accès à ce sommet européen.
A sa mort l’Alpine Club, admiratif de ce personnage exceptionnel, décida d’installer dans le parc de son hôtel préféré une stèle à la mémoire de cet homme mythique de l’Alpine Club. Cette belle pierre est inaugurée en 1905 dans le parc du Grand Hôtel Couttet en présence de ses amis de l’Alpine Club, du peintre Gabriel Loppé , de l’ensemble de la famille Couttet et des représentants de la ville de Chamonix.
Taillée dans le granit cette stèle est sculptée d’un poème dédié à Charles Edward Matthews. L’inscription, rédigée par l’évêque de Bristol, témoigne de la simplicité d’esprit de cet homme exceptionnel.
« Les amoureux de la montagne à un amoureux de la montagne
Les membres de la fraternité alpine à ses membres.
Les frères à l’un de ceux qui ont assisté ses fondateurs
Les Amis à un ami très sûr
Il s’en est allé pleuré de tous »
Matthews retrouve désormais vie pas loin du grand hôtel Couttet
Sources : Alpine Club – Archives association des Amis du Vieux Chamonix
Dans le haut de la vallée , sur un balcon naturel au fond des Frasserands , se trouve un centre de vacances privilégié. Le lieu est magique, avec une des vues les plus spectaculaires de la vallée sur la massif du mont-Blanc Il s’agit du Chalet Pierre Sémard.
A l’origine de ce bâtiment un couple mythique : Jean Estéril Charlet et Isabella Stratton
Ce couple sort de l’ordinaire dans l’histoire chamoniarde . Tous deux restent, encore de nos jours, des personnages emblématiques du haut de la vallée. Isabella Stratton, cliente anglaise, fait quelques très belles premières avec son guide Jean Esteril Charlet. Ils réussissent ensemble la première ascension du mont-Blanc en hiver en 1876. On imagine la volonté de cette jeune femme en robe longue et chaussures à clous pour arriver au sommet de ce mont-Blanc, si haut, dans une neige dangereuse et de plus par des températures négatives. Cette Isabella devait être un sacré personnage ! A tel point que, suite à cette belle réussite, elle lui propose de se marier ! Il en est bien étonné et demande au bureau des guides si ce n’est pas contraire au règlement de la compagnie. Mais non mais quelle union qui, à l’époque, entraînera nombre de commentaires : un guide qui épouse sa cliente… Une cliente fortunée qui épouse un paysan !!!
Pour habiter, tous deux choisissent un lieu enchanteur Ils achètent là, aux Frasserands, plus de quatre hectares et édifient une belle maison avec écurie, grange, grenier. On imagine volontiers que l’endroit n’avait pas été choisi au hasard. Effectivement, cette jolie prairie fait face à l’Aiguille Verte et ses Drus, les montagnes favorites de Jean Esteril.
Vue du chalet Pierre Semard
Sur une bordure d’un mur de la maison , protégé par le nouveau propriétaire, on retrouve une sorte de stèle où l’on distingue les initiales gravées à jamais dans le granit . J.E.C (Jean Esteril Charlet) et M.I.S (Mary Isabella Stratton). Dans la partie supérieure se devine la date de 1876 ( année de leur mariage mais aussi de leur ascension du mont Blanc en hiver ) puis plus haut une corde enlace un piolet et une canne ferrée (peut être leurs objets communs lors de cette fameuse ascension) et encore plus haut on voit deux inscriptions « Gloire à Dieu » et Honneur aux Armes ».
Ce petit monument reste un souvenir poignant de l’histoire de la vallée
Isabella décède en 1918, Jen Estéril en 1925. La famille met en vente ce bel ensemble immobilier.
Achat du centre par la C.G.T.
L’ensemble est alors acheté par la C.G.T. cheminots en 1938. La C.G.T., c’est aussi un grand pan de l’histoire française puisque 1936 voit l’arrivée du Front Populaire au sommet l’État avec la création des congés payés obtenue par Léon Blum (21 jours de congés payés et 40 heures de travail par semaine). Une révolution dans le monde ouvrier ! Les cheminots acquièrent cette grande maison. L’idée est, bien sûr, de faire profiter aux cheminots d’un centre de vacances pas trop onéreux. Le bâtiment est lui-même remis en état par les syndiqués qui vont assurer une partie des travaux. Le centre est inauguré par Pierre Sémard lui-même en 1938.
Qui est Pierre SEMARD ?
Syndicaliste engagé, secrétaire général de la fédération des cheminots dont il rejoint le combat, il s’engage au parti communiste. A la suite du pacte germano-soviétique (23 août 1939) le bureau fédéral de la fédération vole en éclat. Pierre Sémard est démis de ses fonctions. Il est alors arrêté et est condamné à la prison le 6 avril 1940 pour le seul fait d’être communiste. Emprisonné pendant trois ans , il est livré par le gouvernement de Pétain aux allemands en 1942. Il est fusillé le 7 mars 1942 avec d’autres membres syndicalistes. Il a 55 ans . Il devient un symbole puissant auprès de ses anciens compagnons. Sa dépouille sera accompagnée et déposée au cimetière du Père Lachaise en 1945 avec tous les honneurs qui lui sont dus.
Le chalet durant la guerre :
Il est est confisqué puis occupé par l’armée, le gouvernement de Vichy, finalement les allemands, qui en feront une prison. A la fin de la guerre, le chalet héberge les F.F.I, puis le bataillon du mont-Blanc
Le centre est rendu aux cheminots en 1947 .
Il connaît alors très vite un grand succès. Afin d’honorer Pierre Sémard, le chalet prend son nom. En 1956, le centre devient la propriété de la Fédération C.G.T. et de l’Orphelinat du Chemin de Fer Français. Syndicalistes et orphelins profitent de ce lieu exceptionnel. Petit à petit, on agrandit, on transforme, on aménage , on modernises le centre. En 1992, on engage une rénovation totale du centre.
En 1966
De nos jours, le Village de Vacances appartient toujours à la Fédération C.G.T. des cheminots et à l’Orphelinat National des Chemins de Fer. Il permet toujours aux petites bourses de profiter d’un lieu magnifique à des tarifs raisonnables.
Il est le seul centre appartenant à un syndicat encore en activité dans la vallée de Chamonix. Dans les années 1950-1970, il y en avait près d’une dizaine!
Sources : Chalet Pierre Semard pour les informations concernant la partie historique liée à la CGT . Revues CAF et Archives de l’association des Amis du Vieux Chamonix.
En 1815, après la chute de Napoléon à Waterloo, le peintre Jacques Louis David, grand admirateur de l’empereur, inquiet d la tournure des évènements, décide de prendre un peu le large. En juillet 1815 il se rend en Suisse. Est-ce pour s’approcher de l’Italie où il rêve de s’installer ou tout simplement partir à la découverte de ces lieux que l’on dit si étonnants ? Nul ne le sait.
Jacques Louis David en 1817 deux ans après son passage à Chamonix
C’est en 1965 qu’Arlette Calvet-Sévillat découvre dans une collection privée le carnet de voyage en Suisse de Jacques Louis David. Ce n’est pas un récit détaillé, pas de commentaires sur les lieux mais plutôt un agenda tenu jour après jour enrichi de croquis dessinés directement sur place. Il quitte Paris le 23 juillet, se rend à Besançon, Pontarlier, Neufchâtel, puis Lausanne. Il fait le tour du lac Léman en passant par Rolle pour arrive à Genève. Il quitte Genève le 2 août pour Bonneville où il dort puis pour Servoz le 3, Chamouny le 4, de nouveau Servoz le 5 et retour à Bonneville et Genève. Durant ces quelques jours passés dans la vallée, David dessine quelques esquisses réalisées au crayon noir.
L’église de Chamonix
Le premier croquis représente l’église de Chamonix et son clocher bien distinct avec, en filigrane à l’arrière, l’arête de l’Aiguille du Midi et une légère ébauche du mont Blanc. Un dessin qui pourrait de nos jours être dessiné du même endroit ! A droite de la page est annoté par la main de David « le prieuré de Chamonix, 4 aout 1815 ».
Deux sapins
Le second représente une étude de deux sapins en premier plan, tandis que le paysage de montagne au second plan n’est que légèrement évoqué.
Vallée de Chamonix
Le troisième, « vallée de Chamouny » est un dessin léger mais très précis de la vallée. On distingue au premier plan les pointes du glacier des Bois, en second plan le village de Chamonix, le glacier des Bossons et au fond le Mont Joly fermant la perspective de la vallée. Probablement réalisé vers le Chapeau.
Un très beau dessin aux justes proportions avec une notion de perspective parfaite qui fait fuir les montagnes au loin.
Vallée de Servoz
Le quatrième intitulé « Vallée de Servoz » nous montre un vaste paysage avec en premier plan une maison située sur un coteau et à l’arrière un large massif où l’on reconnait aisément le long massif des Fiz avec l’aiguille de Warens et la tête de Colonney. Là aussi profondeur et perspective montre le coup d’œil habile du peintre.
Vallée de Servoz avec « char à bancs »
Sur le cinquième annoté également « Vallée de Servoz », est représenté distinctement un char à bancs (le fameux moyen de transport de l’époque) au pied d’une falaise impressionnante et à l’arrière dans une perspective réussie la fin du plateau des Fiz avec la pointe d’Ayères que l’on reconnaît aisément. Le lieu se situe probablement au haut des Montées Pélissier, juste avant la descente vers Servoz.
Ces croquis montrent la maîtrise de Louis David. C’est une main experte qui dessine avec précision et avec une perspective toujours réussie ces paysages de montagne. On note, selon Marc Sandoz auteur de l’article dans la revue savoisienne « l’aisance du trait, la bonne compréhension de l’échelle, et l’effet d’ensemble tout à fait conforme à la réalité », ce qui n’était pas toujours le cas en ce début du XIXème dans la peinture de montagne.
Les dessins de David sont très nombreux dont la plupart se trouvent au Louvre. Souvent exécutés dans des carnets ces dessins nous démontrent le talent de David pour ces esquisses fidèles, mais bien souvent ils représentent des portraits, des groupes. Celui du voyage à Chamonix est une révélation car David a peint très peu de paysages et ce carnet dévoile un pan génial mais un peu méconnu de son talent.
A son retour difficile et houleux, peu apprécié de Louis XVIII car David avait été favorable aux idées révolutionnaires, il avait voté pour la mort de Louis XVI. Il s’exile définitivement en Belgique .
Il fut l’un des artistes les plus admirés, enviés et honnis de son temps, autant pour ses engagements politiques que pour ses choix esthétiques.
Sources : Revue de l’Art1969 : Un album de croquis inédits de Jaques louis David – par Arlette Calver-Serullaz. La Revue Savoisienne article de Marc Sandoz.
En ces débuts du XXe siècle le ski est loin d’être à Chamonix une pratique courante. La station doit aux frères Jules et Joseph Couttet ainsi qu’au docteur Payot d’avoir fait connaître ce nouveau moyen de déplacement sur la neige vers 1903. Il en faudra des chutes et des essais pour arriver à se tenir debout sur la neige avec ces longues planches arrivées de Norvège rivées aux pieds ! Mais quel enthousiasme ! On ose aller sur les routes et chemins chamoniards. et parmi ces jeunes passionnés figurent des «jeunes filles » qui sont bien souvent encombrées avec leurs longues jupes traînant dans la neige, mais peu importe … On tente de glisser !
Parmi elles une certaine Hélène Simond qui adore cette activité si excitante. Certes, elle travaille en hôtellerie, mais dès qu’elle peut elle se lance avec quelques unes de ses amies sur les itinéraires de la vallée. A l’époque le ski consiste à se déplacer essentiellement à plat ! Une sorte de ski de fond.
En 1908 le docteur Michel Payot, après avoir créé le Club des Sports, organise avec le Club Alpin Français le second concours international de ski (le 1er ayant eu lieu à Montgenèvre l’année précédente). La course a lieu du 03 janvier au 19 janvier. Certes certains viennent de Suisse, d’Italie ou de Norvège et les chamoniards espèrent participer à ces concours. Les hommes bien sûr, mais les jeunes femmes veulent ,elles aussi, en être.
Elles seront neuf, toutes chamoniardes et elles innovent leur tenues.
Elles se permettent de remonter leurs jupes au dessus de la cheville et si certaines portent un corsage à manche « gigots », d’autres se permettent de porter un gilet de laine. Nouveau pour une jeune femme ! Sur la tête certaines portent un chapeau à large bords tenu par un foulard de mousseline mais d’autres plus audacieuses adoptent un bonnet de laine …oh so shocking ! Mais surtout elles adoptent deux bâtons, suivant le conseil du moniteur norvégien Durban Hansen qui œuvre à Chamonix.
Crédit photo : Agence Roll- Gallica – BNF
Leur parcours se déroule sur 4km en terrain particulièrement gelé, varié avec obstacles, marche en forêt et différences de niveau de 50 mètres, dénivelé bien difficile pour l’époque. Les neuf se précipitent mais Hélène, forte de sa belle expérience, sait qu’il faut ménager sa monture.
Elle part lentement et remonte l’ensemble de cette petite équipe. Hélène est la 1er en 29 min 40sec, suivie de Marthe Simond en 31min51s, puis Marie Simond en 32min35s, Léa Benoît en 35min17s, puis Elise Burnet en 38 min 55s, Julie Gouze en 40 min 8s, Anna Devouassoud en 44 min 42s, Andréa Devouassoud en 47min 43s et Mme Payot Lachmayer en 56 min 43s.
Belle performance pour Hélène SIMOND !
Ces jeunes femmes forcent l’admiration des spectateurs. Ce qui fait dire à un journaliste de l’époque, Mr Gelinet. : « Ce serait une grosse injustice, toute question de galanterie mise à a part, que de ne pas mentionner la virtuosité des dames, que nous avons pu juger et dont nous avons pu admirer l’allant au cours cette course de dames. De cet exercice qui ne demeurera pas l’apanage de l’homme, la femme est susceptible de nous montrer non seulement son courage, son habileté mais encore toute sa grâce ! On croyait que ce sport violent n’était pas fait pour nos compagnes …Il n’en n’est rien ! Les jeunes femmes qui ont enfin adopté le gracieux costume féminin (jupe courte et chandail) n’ont pas, comme quelques années auparavant, l’entrave obligatoire de la jupe longue.Le ski est bien un sport féminin. Il ne donne pas, comme on peut le croire, l’impression de l’effort admirable chez l’homme mais l’impression de légèreté, de grâce, de vitesse. C’est l’opinion de ceux qui ont vu et admiré vers les Frasses la hardiesse et la sûreté d’un groupe charmant de jeunes femmes et jeunes filles.
Mr Gelinet. Journaliste pour la revue du Club Alpin Français
Dès la fin de sa course Hélène retrouve son travail, ravie de sa performance et oublie de se rendre au casino où sont donnés les prix aux trois premières. Pour elle une jardinière en étain, une médaille de bronze offertes par le Club Alpin et un ouvrage intitulé « Voyage en France ».
La presse française et suisse s’empare de cet évènement. On parle d’elle, on publie sa photo. Hélène reçoit une quantité de courriers la félicitant pour son exploit !
Elle est effectivement la première championne de France ! Beau succès.
Si bien que l’année suivante, en 1909, lorsque le Club Alpin organise avec le Touring Club la grande quinzaine hivernale avec de multiples compétitions : patin, hockey, luge , ski. Hélène se remet à la tâche. Elle accepte de participer à nouveau à la course de Dames. Forte de son expérience et malgré la présence de la fameuse Marie Marvingt (qui devient dans les années suivantes la « star » de la neige et de l’alpinisme ( https://www.blogdechristineachamonix.fr/une-sportswoman-oubliee-de-chamonix-marie-marvingt/)
Hélène gagne de nouveau haut la main cette course. Course qui compte alors une trentaine de participantes venues de diverses stations françaises ! C’est sa seconde victoire.
Hélène SIMOND est donc notre première championne de ski chamoniarde de France en 1908 et 1909 !
Film de la course de 1908 appartenant à l’association des Amis du Vieux Chamonix
Sources :
Archives Association des Amis du Vieux Chamonix – Revues « la Montagne » 1908 et 1909 – film de 1908
Archives presse suisse : « La gazette de Lausanne ». Journal « La Suisse »
Archives Jussy Editions, Rémy Naville -: Revue : « La vie au Grand Air » – Revue « La Mode »
Publicité de l’époque que l’on retrouve dans toutes les revues sportives
Certains parmi nos anciens se souviennent peut-être de Madame Agnel médecin à Chamonix, mais aussi de Monsieur Agnel, également médecin dans la vallée puis aux Thermes du Fayet. Ce couple amoureux de Chamonix sera marqué par un destin tragique
DOCTEUR AGNEL
Le docteur Agnel arrivé à Chamonix en 1923. Il s’investit rapidement dans l’organisation des J.O. de Chamonix. Passionné de patinage et de curling, il crée le premier club de curling chamoniard et édite un petit livret sur cette nouvelle activité sportive. Cheville ouvrière des JO organisés en 1924 à Chamonix, il est le lien permanent entre le comité national olympique et la commune de Chamonix et joue un rôle important pour le bon déroulé de ces 1ers J.O avec Frison Roche qu’il a lui même fait venir à Chamonix. Et sera le vice président de la Fédération française de skipendant une quinzaine d’années.
Ils ont trois enfants, Louis, Cécile, et Marysette ; trois remarquables skieurs, alpinistes et magnifiques champions
LOUIS AGNEL
Louis né en 1918 surnommé Lalou est champion universitaire de ski en 1936 puis membre de l’équipe de France en 1938. Alpiniste accompli, il se lie d’amitié avec Lionel Terray, Livacic, Rebuffat. Devient pilote et s’engage dès l’entrée de la guerre.
Il meurt au combat en août 1943
CECILE AGNEL
La seconde Cécile née en 1921 fait de brillantes études de lettres mais sa passion pour le ski ne la lâche pas. En février 1939, elle participe aux championnats de du monde à Zakopane en Pologne. Elle est la meilleure française en slalom. Dès le mois de mars, elle participe aux championnats de France où elle prend la troisième place. En 1941, elle termine deuxième de la descente des championnats de France. Elle devient un grand espoir de l’équipe de France.
En juin 1943, elle entreprend avec quatre amis de monter à l’Aiguille de Blaitière. Elle est en bonne forme, tout se passe bien, ils arrivent sans problème au sommet mais le mauvais temps arrive brutalement et se déchaîne sur les aiguilles. Ils descendent mais le mauvais temps les ralentit. Ils arrivent difficilement sur le glacier des Nantillons. Cécile est épuisée. Elle ne peut continuer et reste avec un de ses compagnons lui aussi épuisé.
Sa vie s’arrêt là le 24 juin 1943 aux pieds de cette Aiguille de Blaitière
MARYSETTE AGNEL
a troisième Marysette née en 1926 entreprend des études de pharmacie et à l’image de sa sœur ne lâche pas le ski qu’elle pratique depuis son enfance. Elle est certainement une des meilleures skieuses de l’époque. Neuf fois championne de France, dont deux fois en descente, cinq fois en slalom géant et deux fois en slalom. Elle obtient le fameux K de diamant du Kandahar (très rarement attribué) car elle a accumulé cinq victoires.
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Elle épouse Maurice Claret, un guide et moniteur chamoniard, frère de Georges Claret l’horloger chamoniard. Elle entreprend avec lui quelques belles courses et le 19 juillet 1958 ils partenttous deux pour le mont Blanc par le couloir de la Brenva.
Ils font une chute de mille mètres sur la rimaille. Elle a 29 ans .
Elle vient d’avoir un enfant.
Funérailles de Marysette Agnel et Maurice Claret. Photo Philippe Le Tellier. On reconnait Lionel Terray au centre
Les docteurs Agnel perdent leur troisième enfant !
Comment se remet t’on d’un tel acharnement du sort ?
Sources : Association des Amis du Vieux Chamonix – Famille Georges Claret – Mr Alain Bossy
Afin de compléter ce dossier concernant le Beau Site nous ne pouvons oublier la résidence actuelle.
Chamonix était dans les années 1960 un ensemble constitué essentiellement de très anciens bâtiments dont certains centenaires. La commune à l’époque cherchait à redéfinir un plan d’urbanisme plus moderne et plus fonctionnel. Elle imagine une cité plus dynamique, plus moderne, et une grande réflexion est lancée afin de moderniser l’ensemble de la ville. S’élabore ainsi un plan directeur d’urbanisme dès les années 1960-70.
Chamonix possède de nombreux anciens hôtels qui sont transformés en appartements, mais rien n’existe vraiment en termes de logements pratiques et rationnels. Par ailleurs, l’Etat conscient qu’un développement touristique ne peut être que profitable aux stations alpines favorise ces nouveaux projets. Le tourisme promet un avenir heureux pour les villages de montagne. Il faut densifier le centre de Chamonix. Ces années sont les années ou fleurissent un peu partout dans les Alpes des cités où le béton est roi. C’est un matériau pratique qui permet de réaliser des ensembles rationnels donnant la possibilité d’élever des bâtiments en hauteur et ainsi d’aménager beaucoup plus de logements fonctionnels.
Les architectes voient là la possibilité de proposer aux stations en voie de développement des immeubles sortant du carcan architectural traditionnel. La commune imagine une restructuration de la rue Paccard. C’est ainsi que le Beau Site, l’Outa , le Concordia ou d’autres immeubles voient le jour dans cette nouvelle décade. D’un village Chamonix passe à un centre urbain plus contemporain. Mais si à l’origine les chamoniards gèrent leur aménagement, la maitrise des nouvelles opérations urbanistiques revient à des groupes financiers privés.
Après le rachat de l’ensemble du Beau Site Club, celui-ci est revendu à un promoteur qui fait appel au cabinet d’architecture de Mr Philibert Maurice Plottier. Les abords et les infrastructures sont conçus à l’époque en fonction du « skieur automobiliste » avec un accès direct des garages aux appartements. Au dessus, on imagine une grande terrasse avec bar et piscine, aires de jeux pour enfants ainsi que des zones plantées.
Les logements sont conçus en recherche d’orientation de préférence au sud face au mont Blanc. Rien n’est linéaire. Si la façade nord est rigide la façade sud est une série de décrochements grâce aux murs à refends. Ceux-ci évitent la mise en enfilade de la façade, permet des appartements désolidarisés, avec de petites mezzanines pour certains, d’autres des renfoncements cachés. qui permet également que chaque appartement possède une loggia afin de profiter de son emplacement sans être pour autant gêné par l’appartement voisin.
De conception très moderne, le Beau Site fut contesté par de nombreux chamoniards. Il reste, cependant, que pour les occupants, le Beau Site reste un lieu très agréable à vivre en raison de sa conception vivante et agréable à vivre.
Sources : Revue architecture française 1966. Thèse Isabelle Madesclaire : les métamorphoses de Chamonix
La piscine du Beau Site des années 1950-1965, que de souvenirs pour les chamoniards !
Dossier réalisé avec l’aide de Dominique Patrigot et Philippe Rossi. Photos Nicolas Patrigot.
La vie de l’Hôtel Beau Site et de son annexe le Continental prend fin dès sa fermeture en 1935. Racheté, il est détruit rapidement. Ses pierres seront utilisées par Mr Bernaschoni pour réaliser quelques chalets pas loin de la plaine des Praz sur la route du Bouchet. Est alors entreprise la réalisation d’une piscine, mais l’entrée en guerre arrête les travaux. En 1945, le lot composé de la villa Beau Site, de la piscine en construction, du Continental (annexe de Beau Site) et du magnifique potager sont achetés par Nicole Rosendahl. Les travaux se terminent rapidement et la piscine est inaugurée en 1946.
Pour une petite commune comme Chamonix, une piscine composée de trois bassins c’est une belle opportunité pour les jeunes chamoniards ! Et oui ! Un grand bassin de douze mètres, avec plongeoir, un plus petit et un bassin école pour les enfants. On peut venir en famille, avec ses amis. Chacun y trouve son compte ! La piscine connaît dès son ouverture un très grand succès.
Nicole Rosendahl, bien que discrète, met toute son énergie à gérer son établissement. Elle achève les travaux en créant les terrasses. Elle aménage le bar du soleil , se charge de son décor et de son ameublement. Elle trouve les « bonnes » personnes pour assurer l’animation et l’organisation de la vie de cette piscine. Elle est âme de ce lieu qu’il faut gérer avec intelligence et bonne humeur.
Le « Beau Site Club » est très vite créé.
Mme de la Chaussée et de Mme Izard tiennent la caisse de la piscine . Mr de la Chaussée, l’architecte de la ville, crée le club de natation. Beaucoup de chamoniards lui doivent d’avoir appris à nager. Mais rien n’aurait pu se faire sans Mme Pasquier, maître-nageur diplômée d’État qui forte de son leitmotiv « plier- écarter- serrer », apprend à nager en 10 leçons à des générations de petits chamoniards et vacanciers. Elle est parfois assistée de Wolf Striker , maître-nageur incontestable !
Vous souvenez vous des balais nautiques, des défilés de mode, des spectacles comiques, des concours de natation et de plongeons ? Personne n’aurait voulu manquer ces animations uniques dans leur genre ! Ça bouge enfin à Chamonix ! Et les touristes prennent goût tout autant à ces moments d’exception.
Défilé
Dans le parc, la villa Beau Site (qui à l’époque de l’hôtel hébergeait la famille de de Gaby Curral Couttet) est transformée. On utilise le rez de chaussée pour en faire des vestiaires gérés par Jean Pierre Ancey et son frère. Les deux étages supérieurs abritent des appartements (dont un est occupé pat Mme Pasquier maître nageur), plus diverses chambres.
Mais on ne peut imaginer la piscine sans son célèbre « Bar du Soleil » avec sa grande terrasse donnant sur le bassin. La vue est imprenable, on y rencontre amis et touristes, le bar est animé.
Le bar du Soleil
Mais surtout nul ne peut oublier le fameux Pascal Rossi. Il est non seulement un excellent barman formé dans les plus grands palaces de la côte d’Azur, mais de plus amoureux du lieu . Il a le don d’animer de folles soirées.
Pascal Rossi
Dès les années 1950, il met en place des animations si joyeuses que tout jeune chamoniard ou touriste se précipitent pour y participer. D’ailleurs Pascal crée le « Club Hifi ». En permanence un haut parleur accroché à la villa diffuse les « tubes » de l’époque. C’est l’époque du ChaChaCha et du Twist. Pascal veille avec amitié sur ces jeunes afin que nul n’aille trop loin. Parfois le soir il leur prépare des spaghettis à la bolognaise ou des beignets aux pommes. On l’adore !
Cette piscine du Beau Site est, durant une quinzaine d’années, le lieu de rencontres de tous les chamoniards et visiteurs. On y rencontre aussi bien des guides que des alpinistes , des « têtes » connues comme Gérard Géry journaliste de Paris Match qui immortalise ce lieu mythique ou encore Maurice Baquet , Pierre Mazeaud, ou encore Gary Hemming, et Muckenbrunn.
Il y avait vraiment une « sacrée » belle animation.
Mais hélas toute bonne chose prend fin . En 1965, la piscine est vendue aux frères Patino. L’ensemble est détruit. Finie la piscine, fini le bar du soleil, finies les animations d’été. Les temps changent. la ville connaît un nouveau développement et Le Beau Site connaît ainsi une troisième vie.
Nous connaissons la résidence du Beau Site construite en 1968 qui se fait remarquer par son architecture foncièrement moderne et intrusive dans le paysage chamoniard. Mais connaissez-vous l’histoire précédente de notre période moderne ?
Car le Beau Site a une longue et belle histoire à raconter.
Tout d’abord L’HÔTEL BEAU- SITE
A l’entrée de Chamonix, dès 1898, un bel hôtel apparaît dans le paysage hôtelier. Il s’appelle le Beau Site et son nom est associé à Sylvain Couttet, propriétaire. Sylvain Couttet a laissé dans la mémoire collective de la Belle Époque un souvenir ému. Guide, et surtout gardien du pavillon de Pierre Blanche puis des Grands Mulets dont il a mené les travaux pour la commune, il a accompagné de nombreux alpinistes vers le mont Blanc, a assuré quelques secours mémorables et chacun parle de lui avec une réelle tendresse et grande admiration. On le retrouve ainsi sur la publicité de ce nouvel hôtel
.A la mort de Sylvain, en 1900, l’hôtel est acheté par Joséphine Couttet, fille de la grande famille hôtelière du Grand Hotel Couttet épouse de Jacques Curral , actif membre de la commune.
Le Beau Site est un petit hôtel charmant, à trois étages, assez simple mais chaleureux. Tout à côté, se dressent une villa pour la famille et une annexe pour le personnel qui prendra, avec le temps, le nom d’Hôtel Continental. Certes au début, il n’y a pas de chauffage central mais à l’époque on ne venait guère l’hiver à Chamonix. Dans le hall il y avait cependant un énorme fourneau de faïence qui dégageait une chaleur réconfortante. La salle à manger était décorée par Ferrero, peintre connu de l’époque (dont on retrouve un tableau au Majestic). Chaque chambre possédait une cheminée ou de petits fourneaux dont les bûches étaient entreposées dans des coffres de bois. En rez de chaussée, se trouvait une immense cuisine avec garde-manger, cellier, vaisselier. Et aussi une buanderie, une lingerie et en sous sol une cave à beurre, lait, fromages, vins. L’hôtel est modernisé après guerre. L’eau courante, le chauffage central sont enfin installés. L’hôtel devient plus confortable. Mme Curral-Couttet gère son hôtel avec bienveillance, mais aussi fermeté. Jacques Curral, son mari, s’investit auprès de son beau frère Jean Lavaivre, maire de Chamonix. Il crée la Chambre Hôtelière de Chamonix. L’hôtel était composé de deux bâtiments, le bâtiment principal avec 37 chambres et l’annexe avec 18 chambres. Il prendra ensuite le nom d’Hôtel Beau Site et Continental.
Les voyageurs aiment se retrouver dans ce petit hôtel cet établissement au charme singulier. D’autant plus que de l’autre côté de la rue un immense jardin s’étend jusqu’à la voie ferrée. Arbres fruitiers, potager avaient une large place au cœur du jardin d’agrément où phlox, fuchsias, dahlias, roses etc. .. font la réputation de cet espace extraordinaire dont la presse décrit avec moult détails le ravissement .
Joséphine meurt en 1926. C’est la catastrophe ! L’hôtel est repris pendant un temps par Gabrielle, sa fille, et son époux Roger Aubaut , qui ensuite le louent et finalement, en raison d’un revers de fortune du à la crise de 1929-1930 , le vendent vers 1935. Il sera détruit peu après.
A venir : Histoire de la piscine du Beau Site
Le pari de la construction de la Résidence Beau Site
Sources : Archives Amis du Vieux. Divers articles de Mr Casella ;livre « les folles années de Chamonix »par Gabriel Curral Couttet
Il tombe amoureux d’une belle jeune fille nommée Jeanne Rauschert, originaire de Morges en Suisse. Après un mariage laïc au printemps, ils se marient religieusement en septembre 1886. Les deux tourtereaux, dès la cérémonie terminée, abandonnent rapidement les festivités et se précipitent sur les pentes conduisant au refuge des Grands Mulets accompagnés de quelques amis séduits par cette idée originale. Ils franchissent torrents et crevasses et passent leur nuit de noce aux Grands Mulets ! o
Décision déjà pas banale pour l‘époque ! Mais qu’à cela ne tienne, le lendemain, notre fougueux Fritz, encouragé par ses amis fascinés par un beau temps parfait et une journée s’annonçant splendide, convainc sa belle et son petit groupe de partir vers ce sommet encore mythique pour l’époque. Qu’a -t-elle pu répondre à cette proposition ? Quels ont été ses sentiments, ses impressions ? Car on imagine facilement notre Jeanne encombrée de sa longue robe et portant des chaussures sans doute pas très adaptées. Mais elle part à l’aventure confiante dans la décision de son Fritz. La seconde étape sera le refuge Vallot , où tous deux passent leur seconde nuit ! Le lendemain, ils font l’ascension du mont Blanc et au retour s’arrêtent de nouveau au refuge Vallot … Là Ils sont seuls et tranquilles , ce sera leur troisième nuit ! L’altitude ne semble pas leur avoir posé de problèmes ! Finalement, le quatrième jour, ils décident de redescendre et après une pause aux Grands Mulets, les deux amoureux rejoignent Chamonix en fin de journée ! Ils sont accueillis par une foule enthousiaste impressionnée par l’exploit de cette jeune femme qui n’avait jamais vraiment grimpé en haute montagne. Certes, quelques femmes avaient cherché à atteindre le sommet du mont Blanc, mais c’étaient bien souvent des touristes. Rarement, les femmes de guides ou tout simplement les habitantes du village n’auraient osé y penser. Mais Jeanne resta toujours très modeste sur cette ascension du mont Blanc en 1886. Bravo à Jeanne ! qui par la suite donna quatre enfants à Fritz. Mais hélas, elle perdit son guide de mari en 1904 des suites dramatiques d’une chute en crevasse !
Source : Livre de Charles Schuler, l’histoire d’une vie peu ordinaire.
: Une illustre inconnue au destin un peu particulier.
Lors de diverses lectures concernant l’ascension vers le mont Blanc au cours du XIXème siècle on fait quelquefois allusion à la cuisinière la plus élevée de l’Europe « Marie des Grands Mulets ». L’auteur d’un de ces voyages évoque Marie qui leur raconte des histoires d’accidents, de tempêtes, d’ouragans d’avalanches …. Pendant les mauvais temps Marie reste parfois 8 à 10 jours sans voir personne. Et n’est point sans émotion au souvenir d’une terrible nuit qu’elle passa sous un rocher des Grands lorsqu’un ouragan d’une violence inouï, avait soulevé l’ancienne cabane à un pied au dessus du sol menaçant d’emporter la fragile maison à travers les séracs des glaciers ..Mais Marie reste fidèle à son poste possède une petite bibliothèque !
Plus tard La fille de Joseph Vallot parle tendrement de Marie qu’elle admirait particulièrement. « Je dois noter l’énergie de cette brave paysanne qui à 3300 mètres d’altitude et qui durant près de 20 ans fut la bonne hôtesse qui faisait la liaison entre la vallée de Chamonix et le mont Blanc. Elle ne semblait cependant pas destiner à vivre dans les glaces ayant passée sa jeunesse dans la loge d’une danseuse d’opéra dont elle était la femme de chambre et qu’elle quitta pour épouser un machiniste du centre du Théâtre National qui par la suite la ramena chez lui…Elle en avait vu la bonne Marie qui parfois seule comme dans un phare demeurait isolée par les jours de tourmente dans sa petite cabane … »
Après quelques recherches (grâce à la généalogie des Amis du Vieux Chamonix) on trouve que cette Marie était une jeune femme originaire de Pyrénées (son nom Marie Lacabanne) qui partit travailler à Paris puis épousa Basile Tairraz originaire de Chamonix , cultivateur et guide en 1852 et commissionnaire à paris. C’est ainsi qu’elle arrive à Chamonix. Elle eut avec Basile un garçon nommé Paul qui à l’âge de 9 ans alla voir sa maman et en profita pour faire le mont Blanc le 13 juillet 1877.
Marie restera 20 ans chaque été assurant les repas et l’entretien du refuge
Mais qui de nos jours qui se souvient de Marie, de sa bonne cuisine, de sa bonne humeur et de son attention auprès des clients ?
20 ans au refuge des Grands Mulets c’est une sacré performance.
Au cours du XIXème siècle la vallée de Chamonix voit le nombre de visiteurs croître de jour en jour. On compte 10 hôtels en 1860 lorsque la Savoie devient française et dès lors Chamonix se développe rapidement. Les chamoniards édifient auberges, petits hôtels familiaux, hôtels de grand confort puis hôtels de luxe.
Un hôtel dit « confortable », au début du XIXème siècle, se devait de proposer à ses clients dans chaque chambre un « meuble de toilette » recouvert d’une plaque de marbre, avec une bassine , un broc à eau en porcelaine ainsi qu’un porte savon assorti et un pot d’aisance. A l’origine, dans les hôtels chamoniards, l’eau chaude était apportée par le personnel dans chaque chambre. Parfois il existait un réservoir d’eau chaude à chaque étage, le client allant se servir lui-même.
A Chamonix, les frères Charlet, associés aux frères Simond, propriétaires de l’Hôtel de l’Union (construit en 1816), élèvent des bains en 1825 le long de l’Arve. A partir de 1834, ils font apporter l’eau sulfureuse des Mouilles par des canalisations de bois. Le «Guide du voyageur en Suisse » de Richard insiste sur « ces bains de santé et de propreté «
L’Hôtel d’Angleterre fait construire dans ses jardins une « maison des bains » avec neuf chambres de bains proposant eau chaude et eau froide.
L’’Hôtel Mont Blanc aménage également un bâtiment « bains » dans le jardin.
De même le Grand Hôtel Couttet et l’hôtel de Paris .
Le XIXème est le siècle de la révolution hygiénique avec une notion nouvelle dans le traitement du corps. L’idée de l’hygiène, de la propreté, entre dans les mœurs. Les liens sont établis entre les épidémies et la propreté des corps. Pasteur, venu à Chamonix en 1860, faisant le constat de la réalité bactérienne ouvre une nouvelle ère dans la conscience collective. D’ailleurs en 1860, la commune fait dresser deux fontaines, l’une au centre du village, l’autre dans le haut du bourg, afin de proposer aux habitants une eau courante accessible à tous.
Cette amélioration de l’’hygiène se développe et connaît un réel succès auprès des hôteliers en contact avec une clientèle sensible à ce type de services. Les salles de bains font leur apparition. La publicité des hôtels insiste sur ces nouveaux aménagements. A savoir cependant qu’à l’origine le client devait réserver son horaire car il fallait faire chauffer l’eau pour alimenter les baignoires. Les hôtels de l’époque avaient rarement de l’eau courante en étages. On réservait une pièce où l’on disposait une baignoire et une femme de chambre apportait l’eau chaude. C’est avec le début du XXème siècle que les nouveaux hôtels, comme le Métropole en 1902, aménagent des salles de bains avec eau courante et des lavabos dans chaque chambre.
Ce nouveau siècle vantant de plus en plus les vertus du bain, Chamonix se devait d’offrir à ses clients le « nec plus ultra » du confort et des soins de propreté de l’époque. On vante l’idée d’une « station climatérique », c’est-à-dire une station saine, en contact direct avec la nature, où l’homme peut s’épanouir en toute tranquillité sans miasmes. « Chamonix est la station climatérique la plus fraîche et la plus salubre de toutes les stations estivales et alpestres » peut-on lire sur les affiches publicitaires. De nombreux médecins y vont de leurs recommandations sur la qualité de l’air à Chamonix. La « Société des hôtels réunis » envisage en 1890 de créer une station thermale aux Mouilles avec un hôtel de 300 chambres disposant de bains d’eau sulfureuse et bains de lait ! Ce projet ne voit pas le jour, mais en 1905, à côte du Casino nouvellement construit (piscine actuelle), est aménagé un établissement d’hydrothérapie à l’eau d’Arve selon le procédé de Mr Kneipp qui préconisait des bains d’eau froide pour stimuler les organismes défaillants.
La modernité arrivant, la salle de bains privée devient un concept de luxe et de grand confort. Le Savoy, édifié en 1901, propose 150 chambres dont 100 avec salle de bains. De même le Chamonix- Palace offre 200 chambres dont 150 avec salle de bains ou encore le Majestic 300 chambres dont 200 avec salle de bains. Cependant les hôtels plus modestes garderont longtemps une seule salle de bains à l’étage, mais généraliseront des lavabos équipés d’eau chaude et d’eau froide dans chaque chambre.
Sources : Le propre et le sale de Georges Vigarello – L’invention de l’habitation moderne de Monique Eleb et Anne Debarre. – Hôtels et palaces. Edition Gilletta – Il était une fois la montagne de Luc Tournier – Les folles années de Chamonix de Gaby Curral Couttet.
Cette petite église de Vallorcine qui se dresse ici depuis 1272 force l’admiration de chacun. Reconstruite en 1288 elle est là, présente, seule au milieu des prés.
Elle semble affronter siècle après siècle le climat rude de cette vallée. Nombreuses sont les coulées de neige qui l’ont atteinte. Elle est touchée en 1594 puis en 1674 et les catastrophes se répètent, particulièrement durant la période du petit âge glaciaire. L’église est menacée si bien que les vallorcins décident en 1720, de la protéger, tout d’abord en construisant une impressionnante « tourne » ( voir article sur la tourne : https://dev.blogdechristineachamonix.fr/la-tourne-de-leglise-de-vallorcine/ ,
En 1756 l’église est reconstruite dans le sens inverse de l’origine pour la mettre à l’abri de cette digue. Quel était son décor ? On peut l’imaginer baroque.
Retable de 1838
Il est probable que le décor d’origine avait été endommagé par l’humidité permanente du lieu. Par ailleurs le maître autel de 1838 avait été détruit en 1958. Les vallorcins avaient peu à peu réaménagé leur église en faisant appel aux artisans locaux dont on retrouve de nos jours la marque dans le mobilier : portail d’entrée, autel, baptistère ou croix de l’entrée du chœur.
Avec le temps, l’église se dégrade, rongée par le salpêtre. La décision est prise de lancer une grande campagne de restauration. De gros travaux sont entrepris en 2017 afin d’assainir l’ensemble du bâtiment. La question s’est posée à propos du décor d’origine. Des sondages intérieurs sont réalisés révélant jusqu’à sept restaurations entre le XVIIIe et XXe . Des fresques sont peu à peu mises à jour. Bien que lacunaires, elles sont restaurées et offrent au regard du visiteur quelques très beaux éléments de facture baroque. Au centre de l’arc triomphal on reconnaît Dieu le père auréolé du triangle de la Trinité. Sa main repose sur un globe, image traditionnelle représentant l’Univers dont le Père est le créateur. Sur sa gauche, probablement Saint Paul tenant un livre (ses épitres) et un glaive (instrument de son martyr ou encore vu comme le glaive de l’Esprit c’est à dire de la parole de Dieu) , et sur sa droite probablement Saint Pierre.
Au pied de l’arc à gauche on devine Saint Michel terrassant le dragon et tenant dans sa main gauche la balance des âmes au moment du jugement dernier. Sur la droite Saint Maurice en légionnaire romain brandissant son étendard reconnaissable à sa croix tréflée . Intéressant car ceux-ci sont deux saints de paroisses voisines : Chamonix et l’abbaye de Saint Maurice en Valais.
Dans la partie supérieure, à la croisée de la nef et du transept, quatre personnages représentent les quatre Pères de l’église : Saint Ambroise, Saint Jérôme, Saint Grégoire et Saint Augustin, docteurs sur qui la foi de la Contre Réforme repose.
L’église est claire, lumineuse, car une fois que notre regard quitte ces fresque restaurées on ne peut que remarquer la douzaine de vitraux qui ornent l’ensemble des fenêtres de cette petite église. Vallorcine a fait appel au Père Kim En Joong, coréen, qui d’emblée a été enthousiasmé par ce lieu étonnant. Prêtre dominicain, Kim En Joong a décoré de nombreuses églises dans le monde entier et aussi dans notre région, notamment à Saint Gervais, Martigny, Hospice du col du Grand Saint Bernard. Après avoir découvert la foi catholique, il raconte sa découverte des vitraux de Chartres « Lorsque je pénétrais à l’intérieur de la nef pour la première fois, je fus ébloui. Il me semblait percevoir comme un avant-goût du ciel. Je n’avais vu nulle part cette lumière diffusée par des baies où dominent mes trois couleurs préférées : le bleu de l’espérance, le rouge de la naissance et le jaune de la joie »…
Et ce sont effectivement ces trois couleurs qui dominent dans l’ensemble des vitraux réalisés à Vallorcine. Peu importe, croyant ou non, nous ne pouvons qu’être éblouis par la beauté ce ces vitraux très modernes dans lesquels aucun thème religieux ne s’impose. Le bleu, le jaune le rouge forment une triade de couleurs qui jouent avec la lumière extérieure. Parfois un trait ou une tache plus sombre voire une autre teinte met en valeur ces couleurs lumineuses. Il y a de la gaieté, de la joie mais aussi pour des croyants de la profondeur et de l’espoir.
L’église de Vallorcine, témoin d’un passé séculaire, entre dans la modernité. Bravo à ceux qui se sont battus pour initier un tel projet et le mener à bien.
Sources : Brochure de l’église de Vallorcine . Dominique Ancey – Revue Nature et patrimoine n°66. Article Jean Paul Roudier et Dominique Ancey. Livre : Baroque un Art retrouvé (éditions Rossat-Mignod)
Cette année 2023 est inaugurée la nouvelle télécabine de Charamillon. Beaucoup se souviennent des diverses remontées mécaniques qui ont fait l’histoire de ce domaine de ski, mais skier sur ces pentes débonnaires n’a pas toujours été facile !
A la fin du XIXème on employait bien largement des raquettes pour se déplacer d’un village à l’autre. A Chamonix le ski arrive avec Joseph Couttet qui avait découvert grâce à des amis norvégiens ce moyen de déplacement et nous devons au docteur Michel Payot la popularisation du ski.
Celui-ci, fan de cette activité incite ses amis guides à utiliser ce moyen de transport pour se mouvoir sur la neige. Il essaie divers type de skis et estime que « la longueur idéale des skis doit être de 2 mètres pour un poids moyen de 75kgs et recommande que pour remonter la pente il faut fixer une bande de peau de phoque de 0.80 de longueur environ qui doit être fixée sous le ski au moyen de petits clous disposés de telle manière que les poils se lissent en poussant le ski et se rebroussant pendant le recul. Et il convient de se munir d’une paire de chaussons en feutre se mettant par-dessus la chaussure.
Il est le premier à s’aventurer sur des pentes un peu plus raides et fait ses premiers essais au col de Balme le 12 février 1902
Texte Michel Payot :
….La vallée de Chamonix est actuellement couverte d’une couche de neige dont l’épaisseur varie entre un et trois mètres. Les skis permettent de gravir de fortes pentes avec un minimum de fatigue. Les longs patins de frêne s’enfoncent que de quelques cm sous le poids du corps et l’effort pour les faire glisser parallèlement est insignifiant.
Le 12 février par un temps incertain profitant d’une éclaircie nous partions du village du Tour accompagné du guide Joseph Ducroz pour faire l’ascension du col de Balme. Mon brave compagnon employait les skis pour la deuxième fois et il partit avec la certitude de ne pouvoir effectuer le quart du trajet et il comptait sans son énergie et son endurance. Le départ eut lieu du Tour à 1heure de l’après midi. La première partie de l’ascension est la plus pénible en raison de pentes, qui sont très accentuées. Nous suivions la direction des poteaux téléphoniques et nous arrivons sans incidents aux chalets de Charamillon. Je tire ma montre : il est deux heures exactement. « Eh bien », dis-je à Ducroz, « pensez vous atteindre le sommet maintenant ? » « Oh ! Oui !, ça va très bien et si nous allons toujours de ce train là, en moins de 40mn nous sommes au col ! »
Mais il comptait sans l’état de la neige qui, sur le plateau de Charamillon à l’abri du vent, s’était ramollie sous l’action du soleil et collait aux skis. La marche devint pénible et nous regrettons vivement de n’avoir pas emporté un peu d’huile pour en frotter nos patins. Cependant, après une demi-heure de marche nous retrouvons, avec la bise, tantôt la neige sèche et en poussière, tantôt la neige dure et nous arrivons au sommet du col à 2h48mn….Les chalets de Balme disparaissent sous la neige et ceux du col sont crépis d’une couche de 20cm de neige tassée et bizarrement sculptée par le vent âpre et violent qui y souffle sans cesse..
La tourmente approche, et après une demi-heure de repos nous songeons à la descente. Je laisse mon guide Ducroz dont l’équilibre sur les skis à la descente est peu stable, partir le premier. En quelques secondes il a parcouru la moitié du chemin entre le col et les chalets de Charamillon. Une magnifique culbute arrêt sa course : l’homme a totalement disparu. Deux skis s’agitent comme les ailes d’un moulin à vent au dessus de la neige. Il est trois heures et demie, je me lance à mon tour et passe à vingt mètres au dessus de Ducroz qui achève à peine de reprendre son équilibre sur ses longs patins. La glissade vertigineuse continue, et 25mn après notre départ du sommet nous arrivons chez mon brave compagnon au moment où la famille prend place pour le thé.
Voilà donc une course d’hiver faite par plusieurs mètres de neige molle avec plus de rapidité qu’on ne le fait généralement en été. ..A notre avis l’emploi de skis constitue le meilleur moyen pour faire rapidement avec un minimum de fatigue les ascensions d’hiver…
Photo frères Bisson : col du Géant
Le 24 février de la même année accompagnés des guides Alfred Simond et Joseph Ravanel, nous avons Henri Devouassoud , Joseph Couttet, René Payot et moi effectué la traversée du col du géant en skis avec descente sur Courmayeur en 14 heures par la neige et le brouillard durant la moitié du trajet
Michel PAYOT
Sources : Bulletin CAF 1903-1904 -Photos fonds Jean Fabre
Nous voilà face à un des bâtiments les plus emblématiques de Chamonix le fameux bar La Terrasse dont l’architecture Art Nouveau sublime le centre ville.
Depuis le printemps dernier les nouveaux propriétaires se sont attaqués à la restauration et à la réhabilitation de ce bâtiment étonnant. En mauvais état, la charpente de bois exotiques (courant à l’époque) a résisté au temps ce qui a permis De conserver les formes typiques de cette expression artistique de la Belle Epoque : L’Art Nouveau. Nul ne connaît l’origine exacte de ce bâtiment qui remplaçait un ancien déjà existant. Certains racontent qu’il proviendrait d’une exposition internationale : Paris ? Interlaken ? Bruxelles ? C’est vrai qu’il était courant à l’époque de démanteler un édifice pour le reconstruire ailleurs mais aucun document à ce jour ne nous en donne l’origine. Il reste cependant le témoin d’une période faste à Chamonix celle que l’on appelle la Belle Epoque mais la Terrasse est également un témoin historique de l’urbanisation du centre ville.
Dès le début du XXème Chamonix connaissant un développement économique rapide, le carrefour essentiel du village entre la rue provenant de l’église et la passerelle qui franchissait l’Arve , devient un lieu de commerces multiples. C’est la que Pierre Joseph Payot, originaire du hameau de la Molard achète vers 1825-1830 une maison située au centre. Quincaillerie, objets sculptés, cristaux sont le fond de commerce de la boutique. Il est rapidement aidé par son fils François devenu maître de poste ouvrant par la même occasion un bureau de change.
La maison s’agrandit formant trois parties distinctes. En 1860 Venance Payot un des fils ouvre en bord d’Arve une sorte de muséum qui connaît un très grand succès. Il construit quelques années plus tard une grande maison un peu plus en amont où il ouvre une boutique.
Il lègue à son frère Florentin cette partie de la maison tournée vers l’Arve. Celui-ci aménage un hôtel et transforme l’ancienne boutique de son frère en un bar – restaurant. Il prend alors son nom : Hôtel Pension de la Terrasse, nom conservé jusqu’en 1890 !
A la mort de Florentin sa fille Marie Adèle et son mari Philippe Thévenet héritent de l’ensemble. La Terrasse devient « Pension- hôtel -café » puis uniquement « café- restaurant ». Veuve en 1903 elle épouse Mr Birkigt (d’origine belge) mais conserve à son nom le restaurant. Il semblerait que ce soit Marie Adèle qui élève ce bâtiment construit en encorbellement sur l’Arve (d’ailleurs au dessus du lavoir utilisé au pied de l’ancien bâtiment).
Elle le loue puis le vend en 1918. Hélas le nouveau propriétaire provoque le scandale car il y a de nombreuses plaintes à propos de passage de « femmes de joie » à la pension pour les soldats américains où également de jeunes mineurs chamoniards semblent s’y rendre régulièrement. La Terrasse serait devenue un lieu de débauche !
Dès lors de nombreux propriétaires se succèdent. Le bâtiment n’est pas toujours entretenu avec goût. Certains architectes se succèdent mais souvent d’une manière maladroite.
On doit à Jenny Galton qui , dans les années 1980,est gérante du lieu et désire redonner un aspect prestigieux e à ce bar. Elle fait appel à Bernard Ferrari, architecte. Il donne au bâtiment cette couleur violet-mauve dont on avait retrouvé trace par sondage. Il remet en état le plafond d’origine, il réutilise les anciens lustres, et y aménage d’anciens meubles Art Nouveau. La Terrasse revit grâce à Jenny mais hélas à son départ le bâtiment ne sera plus entretenu.
En 2022 enfin un nouveau propriétaire amoureux de ce bâtiment décide de lui redonner une allure Belle Epoque. Ici vous découvrirez cette expression artistique qu’est l’expression Art Nouveau se mêlant à un décor néo classique formé essentiellement de stucs à l’ancienne de miroirs et luminaires où jouent la lumière et le décor naturel.
La Terrasse devient Rose du Pont
Une très belle réussite.
C’est quoi l’Art Nouveau :
Un art qui se développe entre 1890 et 1914 en opposition à l’art néo-classique et dont l’expression artistique est essentiellement tournée vers la nature, la reproduisant souvent avec des fleurs , et jouant avec les formes courbes et contre-courbes.
Les divers aspects de la Terrasse au cours du temps
Sources : Gallica – Archives Amis du Vieux Chamonix
Au début du XIXe siècle, l’horlogerie se modernise. La Suisse toute proche est, depuis le XVIIe siècle, un pays fondateur de l’horlogerie.
Le matériel horloger délicat nécessite bien souvent réparation et entretien. On a besoin d’artisans au savoir faire que Genève trouve auprès d’ouvriers souvent originaires du monde paysan, d’où l’implication de certains vallorcins. C’est ainsi que Jean François Bozon s’initie à ce travail de précision. Sa fille Rosine épouse Jean Marie Claret qui se forme auprès de son beau père. Ils ont deux fils, Joseph et Clément.
A Cluses a été créé en 1848 l’Ecole Nationale d’Horlogerie. On se sacrifie pour que Joseph puisse suivre la formation mais à condition que celui-ci paie des études d’horlogerie à son frère Clément. Ce qu’il fera, assurant le financement des études de son frère.
Clément Claret à l’école d’horlogerie de Cluses
Clément se passionne pour ce matériel de précision. Il adore étudier ces mécanismes pour comprendre ce qui se cache derrière la mesure du temps qui parfois peut paraître si mystérieux. Manipuler ces montres ou ces horloges demande une patience infinie et une précision extrême. L’horlogerie devient vite une passion qu’il saura transmettre à ses descendants. Après l’école, il travaille plusieurs années chez Pateck et chez Philip à Genève. On peut supposer qu’il devait être un sacré bon ouvrier pour pouvoir intégrer ces ateliers déjà renommés .
Dès 1880 Chamonix entre dans cette période faste qu’est la Belle Epoque , Clément comprend que son pays d’origine peut enfin lui offrir la possibilité de vivre de son métier. Il épouse Marie Elise Simond, ils achètent une maison en 1888 à la famille Payot.
C’est toujours cette même petite maison au 114 rue Vallot qui va voir se succéder de père en fils ces Claret passionnés. Son fils Jean François, lui aussi enthousiasmé par ces petites mécaniques, fait l’école de Cluses. Il travaille en collaboration avec son père. La saison d’été est forte, les visiteurs ont toujours besoin de faire réparer leurs montres et la réputation de la maison Claret n’est plus à faire ! L’atelier regorge d’objets mystérieux pour les néophytes : loupe visière, rouages, ressorts, carillons, une multitude d’objets minuscules entretenus avec soin par la famille. Et l’hiver ce sont les habitants de la vallée qui apportent leurs horloges et montres afin de les faire réparer. On fait totalement confiance au savoir faire de Jean François qui tient la boutique jusqu’en 1950.
Le magasin en 1960
Et la passion continue chez les Claret puisque Georges (fils de Jean François) entame lui aussi ses études d’horlogerie à Cluses où il sera pensionnaire rentrant à Chamonix chaque WE en vélo ! Il succède à son père dès la fin de son service militaire. Tous à Chamonix lui confient avec plaisir leurs veilles pendules ou montres, car il saura toujours les réparer. On sent chez lui sa passion pour ce métier si original et chacun apprécie son extrême gentillesse et ce regard qui s’éclaire lorsqu’on lui apporte une vieille pendule de famille.
Et Pierre, tel son père, son grand père ou son arrière grand père continue dans cette passion familiale. D’ailleurs, à l’âge de 10 ans il adore aller à l’atelier paternel ! Il démonte et remonte les pendules sans aucun problème. La passion est passée de père en fils ! Il se forme à l’horlogerie comme ses ancêtres mais rajoute une formation en bijouterie car là aussi manipuler et travailler sur des pierres précieuses nécessite cette méticulosité, cette précision, ce savoir faire commun à l’horlogerie. Il aime son métier. Vous pouvez lui apporter une vielle montre perdue au fond d’un tiroir ou une pendule provenant de votre grenier il aura un plaisir immense à lui redonner vie !
Dans ces belle journées d’arrière-saison, le col de Balme est pour nous tout un lieu de randonnée contemplative en raison de ce paysage exceptionnel qui s’ouvre sous nos yeux à chaque instant.
Il ne faut pas oublier que, durant des siècles, le passage par ce col était le plus souvent utilisé par les voyageurs se rendant en Valais. D’ailleurs, nombre de tableaux montrent le col avec les fameuses bornes marquant la frontière entre Valais et royaume de Piémont Sardaigne.
Goethe, le 6 novembre 1779, emprunte cet itinéraire. Sa description rend avec un regard très juste ces atmosphères propres au mois de novembre où les nuages jouent avec le paysage…. »Il est plus intéressant de vous dire comment les esprits de l’air semblaient se faire la guerre sous nos pieds…nous montâmes toujours avec plus d’ardeur… Il (le vent) soufflait par le col entre deux sommets et repoussa le brouillard dans la vallée. L’aspect avait un caractère étrange. Le haut du ciel , par-dessus les crêtes des montagnes, était nuageux; à nos pieds, nous voyions à travers le brouillard qui se déchirait quelquefois , la vallée entière de Chamonix et entre ces deux couches de nuages, les sommets des montagnes étaient tous visibles. »
Berthout Van Berchem, en 1790, évoque dans son guide « Itinéraire de la Vallée de Chamonix » le passage par le col de Balme, « depuis le col de ce nom il faut s’écarter un peu de la route pour aller sur la plus haute limite du Valais et de la Savoye afin de jouir d’un très beau point de vue !
Puis durant tout le XIXe siècle on voit un grand nombre de voyageurs arriver ou quitter Chamonix par ce passage relativement facile à emprunter et moins compliqué que par Tête Noire et Vallorcine. A la lecture des divers ouvrages une auberge très simple existe.
Alexandre Dumas, en 1832 en parle dans son ouvrage « Impressions d’un voyage en Suisse » »,au loin se découpant dans un ciel bleu le toit rouge de cette bienheureuse maison puis ses murailles blanches qui semblaient sortir de terre…Il se précipite à l’intérieur et peu après en ressort conduit par son guide pour admirer le paysage » ...et comme une toile se levait sur une magnifique décoration je saisis, avec un plaisir mêlé d’effroi de me voir si petit au milieu de si grandes choses tout l’ensemble de ce panorama semblait le palais d’été du dieu de l’hiver …
En 1833, le manuel du voyageur d’Ebel recommande ce passage aux voyageurs. l’auberge du col est construite en bois vers 1840 côté français. Le bail est attribué le 8 décembre 1840 à Pierre Joseph Payot (grand père de Venance Payot) avec doits de vente de vins, eaux de vie et liqueurs.
Jean Pierre Pictet en 1840 dans son ouvrage « Chamouny, de Sixt, des deux saint Bernard » évoque l’hospice du Col de Balme petite auberge où l’on peut se rafraîchir et même coucher.
En 1856, le guide Joanne parle de l’hospice du col de Balme qui ouvre quatre mois de l’année. On y trouve » des vivres, des rafraîchissements et même des lits en cas de besoin «
En 1861 le tracé de la frontière est réalisé avec précision. La bâtisse de bois devient ruine Le refuge est alors reconstruit un peu plus en amont côté suisse vers 1865. Le bâtiment en pierre devient une auberge plus confortable.
En 1874, Gabriel de Mortillet, dans son guide de Haute Savoie, parle de la magnifique vue sur la vallée de Chamonix et la chaîne du mont Blanc et évoque le pavillon du Col de Balme… » ouvert pendant quatre mois de l’année aux prix des grands hôtels ! »
Whymper, ce grand alpiniste, mais également immense marcheur, décrit dans son guide de Chamonix Mont Blanc ,avec détails l’itinéraire emprunté pour accéder au col.
Et avec l’arrivée du ski, le Col de Balme est gravi pour la première fois en 1902 en skis par le docteur Michel Payot et son ami Ravanel le Rouge, une sacrée belle performance à l’époque !
Dans les années 1930, un grand projet est envisagé pour la construction d’une route vers le Col de Balme sur l’initiative de Charles Vallot et du TCF (Touring Club Français), où l’on imagine une nouvelle route pour les visiteurs en voiture qui qui permettrait de favoriser la distribution du lait de ces alpages vers l’ensemble de la vallée !
OUF ! Le projet finalement ne s’est jamais réalisé.
Et dans l’histoire plus tragique du col, n’oublions pas les nombreux essais de passages des juifs cherchant désespérément échapper à la folie nazie. Combien de souvenirs douloureux marquent ce paysage si exceptionnel. Ne l’oublions pas.
Puis l’aménagement des premières remontées mécaniques changera peu à peu le destin de ce col qui a vu passer tant de voyageurs curieux ! Mais il reste un passage obligé pour les amateurs de randonnée cherchant à boucler le Tour du mont Blanc .
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Histoire plus ancienne du col souvent méconnue
( extrait de l’histoire de Savoie de Paul Guichonnet)
Une première fois en 1476, lorsque le Comte de Savoie tenta de reprendre pied en Valais, d’où les Valaisans l’avaient chassé en passant par le col de Balme, évitant le col de la Forclaz, il déboucha sur Martigny… Mais selon la tradition, les femmes les accueillirent avec nombre de pichets de vin et la troupe fut cueillie facilement par les troupes valaisannes.
Trois siècles plus tard, le 25 décembre 1813, le col de Balme vit défiler la débâcle des troupes napoléoniennes en essayant d’échapper aux autrichiens qui les poursuivaient. Par douze degrés au-dessous de zéro et des mètres de neige, 800 hommes menés par Mr Rambuteau, préfet de l’empire en Valais, réussirent finalement à franchir le col et descendre à Chamonix.
Sources : Divers ouvrages nommés ci-dessus dans l’article.