A Vallorcine – Une église lumineuse après cinq années de travaux. Bravo !
Cette petite église de Vallorcine qui se dresse ici depuis 1272 force l’admiration de chacun. Reconstruite en 1288 elle est là, présente, seule au milieu des prés.
Elle semble affronter siècle après siècle le climat rude de cette vallée. Nombreuses sont les coulées de neige qui l’ont atteinte. Elle est touchée en 1594 puis en 1674 et les catastrophes se répètent, particulièrement durant la période du petit âge glaciaire. L’église est menacée si bien que les vallorcins décident en 1720, de la protéger, tout d’abord en construisant une impressionnante « tourne » ( voir article sur la tourne : https://dev.blogdechristineachamonix.fr/la-tourne-de-leglise-de-vallorcine/ ,
En 1756 l’église est reconstruite dans le sens inverse de l’origine pour la mettre à l’abri de cette digue. Quel était son décor ? On peut l’imaginer baroque.
Il est probable que le décor d’origine avait été endommagé par l’humidité permanente du lieu. Par ailleurs le maître autel de 1838 avait été détruit en 1958. Les vallorcins avaient peu à peu réaménagé leur église en faisant appel aux artisans locaux dont on retrouve de nos jours la marque dans le mobilier : portail d’entrée, autel, baptistère ou croix de l’entrée du chœur.
Avec le temps, l’église se dégrade, rongée par le salpêtre. La décision est prise de lancer une grande campagne de restauration. De gros travaux sont entrepris en 2017 afin d’assainir l’ensemble du bâtiment. La question s’est posée à propos du décor d’origine. Des sondages intérieurs sont réalisés révélant jusqu’à sept restaurations entre le XVIIIe et XXe . Des fresques sont peu à peu mises à jour. Bien que lacunaires, elles sont restaurées et offrent au regard du visiteur quelques très beaux éléments de facture baroque. Au centre de l’arc triomphal on reconnaît Dieu le père auréolé du triangle de la Trinité. Sa main repose sur un globe, image traditionnelle représentant l’Univers dont le Père est le créateur. Sur sa gauche, probablement Saint Paul tenant un livre (ses épitres) et un glaive (instrument de son martyr ou encore vu comme le glaive de l’Esprit c’est à dire de la parole de Dieu) , et sur sa droite probablement Saint Pierre.
Au pied de l’arc à gauche on devine Saint Michel terrassant le dragon et tenant dans sa main gauche la balance des âmes au moment du jugement dernier. Sur la droite Saint Maurice en légionnaire romain brandissant son étendard reconnaissable à sa croix tréflée . Intéressant car ceux-ci sont deux saints de paroisses voisines : Chamonix et l’abbaye de Saint Maurice en Valais.
Dans la partie supérieure, à la croisée de la nef et du transept, quatre personnages représentent les quatre Pères de l’église : Saint Ambroise, Saint Jérôme, Saint Grégoire et Saint Augustin, docteurs sur qui la foi de la Contre Réforme repose.
L’église est claire, lumineuse, car une fois que notre regard quitte ces fresque restaurées on ne peut que remarquer la douzaine de vitraux qui ornent l’ensemble des fenêtres de cette petite église. Vallorcine a fait appel au Père Kim En Joong, coréen, qui d’emblée a été enthousiasmé par ce lieu étonnant. Prêtre dominicain, Kim En Joong a décoré de nombreuses églises dans le monde entier et aussi dans notre région, notamment à Saint Gervais, Martigny, Hospice du col du Grand Saint Bernard. Après avoir découvert la foi catholique, il raconte sa découverte des vitraux de Chartres « Lorsque je pénétrais à l’intérieur de la nef pour la première fois, je fus ébloui. Il me semblait percevoir comme un avant-goût du ciel. Je n’avais vu nulle part cette lumière diffusée par des baies où dominent mes trois couleurs préférées : le bleu de l’espérance, le rouge de la naissance et le jaune de la joie »…
Et ce sont effectivement ces trois couleurs qui dominent dans l’ensemble des vitraux réalisés à Vallorcine. Peu importe, croyant ou non, nous ne pouvons qu’être éblouis par la beauté ce ces vitraux très modernes dans lesquels aucun thème religieux ne s’impose. Le bleu, le jaune le rouge forment une triade de couleurs qui jouent avec la lumière extérieure. Parfois un trait ou une tache plus sombre voire une autre teinte met en valeur ces couleurs lumineuses. Il y a de la gaieté, de la joie mais aussi pour des croyants de la profondeur et de l’espoir.
L’église de Vallorcine, témoin d’un passé séculaire, entre dans la modernité. Bravo à ceux qui se sont battus pour initier un tel projet et le mener à bien.
Sources : Brochure de l’église de Vallorcine . Dominique Ancey – Revue Nature et patrimoine n°66. Article Jean Paul Roudier et Dominique Ancey. Livre : Baroque un Art retrouvé (éditions Rossat-Mignod)
Pour en savoir plus sur l’église de Vallorcine je vous recommande le site : https://www.eglise-vallorcine.fr/
Pour en savoir plus sur le Père Kim en Joong :https://www.kimenjoong.com/