A Chamonix, qu’est-ce que le Pont de Cour ?
Traverser l’Arve autrefois a été une problématique majeure pour nos anciens. Avant d’accéder dans la vallée de Chamonix on franchissait le torrent à Servoz par le fameux pont Pélissier, régulièrement emporté par des eaux dévastatrices, puis le chemin restait sur la rive gauche. Avant d’arriver au bourg de Chamonix on retraversait l’Arve aux Bossons par le pont de Pierralotaz.
Au cœur de Chamonix, il existait un seul et unique passage pour passer sur l’autre rive : le fameux pont de Cour.
Aujourd’hui, nous avons un grand et large pont de pierres situé entre la poste et le bar de la Terrasse. Ce lieu s’appelle, depuis le Moyen Age, le Pont de Cour.
On le trouve parfois orthographié Cour, Court ou encore Couz.
Court ou Cour provient du bas latin curtis, c’est-à-dire « cour de ferme » ou « enclos comprenant maison et jardin, tenure ». Ce qui serait assez logique puisque les prieurs possédaient en bordure d’Arve une grange, deux moulins, un battoir, justifiant ainsi le nom de notre pont. Mais alors pourquoi dans certains documents trouve-t-on parfois Couz? Couz dans les Alpes signifie un col. Ici ? Un col ? Peut être un lieu ou les berges se resserrent? En tous cas certainement un lieu où il était relativement aisé de traverser grâce à une passerelle. En 1435, à la lecture des actes signés entre les prieurs et les communiers, on apprend que les riverains ont l’obligation d’entretenir les routes et les ponts, mais on ne relève rien de précis concernant notre pont au cœur de Chamonix.
Ce Pont de Cour fut en 1635 l’objet d’une transaction entre la communauté de Chamonix et le chapitre de la collégiale de Sallanches. Il est précisé que « la communauté de Chamonix sera tenue à perpétuité de rendre accessible le Pont de Cour avec une largeur suffisante pour y passer les chariots, à la charge néanmoins que les seigneurs du Chapitre seront tenus de faire le port de tout le bois et qu’ils seront tenus de le couper dans la dimerie de l’église du lieu »
Ainsi, un seul pont de bois donnait accès à la rive gauche, régulièrement emporté par les débordements de l’Arve. Cette petite passerelle n’était pas plus large d’un mètre. Mais toujours elle fut reconstruite au même endroit. Paul Payot, dans son livre « Au royaume du Mont Blanc », nous apprend que le 18 septembre 1801 le pont de Cour est tombé avec sept vaches appartenant au frère Désailloud… Les vaches n’ont pas eu de mal, heureusement !
L’Arve, rivière indisciplinée au cours changeant, avait pour habitude de déborder de ses berges, pour preuve certaines photos du 19ème siècle qui nous montrent l’Arve et l’Arveyron, ainsi que les torrents de Blaitière, s’étalant largement au-delà de leurs rives gauches.
Il faudra attendre les années 1840, sous le régime du royaume de Piémont Sardaigne, pour que certains travaux d’endiguement soient engagés. C’est d’ailleurs durant cette période que l’on voit la construction en encorbellement de l’hôtel d’Angleterre ou de la pension de la Terrasse. Les travaux de canalisation reprendront sous le régime français dans les années 1870-1880.
Il est instructif de regarder les diverses vues, tableaux, lithographies représentant ce pont de bois. Tout d’abord passerelle étroite peu engageante, on la voit se transformer, devenir de plus en plus large. Le pont sera refait à neuf en 1832, puis construit en pierre en 1880, et encore élargi à son emprise actuelle dans les années 1970.