Bicentenaire de la création de la Compagnie des Guides : 2021 ou 2023 ?
En 1821, le 24 juillet un conseil municipal se rassemble autour du syndic Jean Marie Claret Tournier. L’ordre du jour étant d’essayer de réguler et de discipliner l’attitude des guides qui, pour certains, laissent une mauvaise image auprès des clients . La commune craint de voir baisser la fréquentation des visiteurs dans la vallée : « beaucoup se rendent coupables de mille impolitesses envers les étrangers en les assaillant sur la route par leurs importunités »
On dresse alors une liste de 34 guides patentés et douze supplémentaires (mais ne sont pas reconnus comme guides), ils sont seuls autorisés à conduire des clients. Est établi un tour de rôle pour la distribution des courses et est nommé un « commis intelligent » (guide chef) choisi parmi les guides pour la distribution des excursions. Concernant les mulets, ne sont autorisés que les mulets des guides concernés (éventuellement ceux des auberges). Par ailleurs chaque guide devra payer une somme de 10 livres à la commune pour droits de passage sur les fonds communaux.
Les contrevenants à ce règlement sont amenés à payer une amende à la commune.
On remarquera que rien n’évoque l’accident de 1820 ou trois guides décèdent et disparaissent dans le glacier lors de la tentative vers le mont Blanc du docteur Hamel.
Beaucoup considèrent que cette décision du conseil municipal du 24 juillet est l’acte de naissance de la Compagnie des Guides de Chamonix.
Mais dans le royaume de Piémont Sardaigne avant de promulguer un règlement la commune se doit de le faire reconnaître par l’intendant du royaume. L’État a un droit de regard sur les décisions.
Conscient que l’avenir du développement touristique de la région est une belle aubaine le Vice intendant Mr Gaspard Sébastien Brunet mesure l’intérêt de la situation car il faut encourager le tourisme en aidant le visiteur à mieux appréhender leur voyage, mais aussi à gérer une commune tentée d’administrer ces guides prompts à la tentation d’améliorer leurs gains.
En 1822, le Vice Intendant aidé et conseillé par son ami Joseph Nicolas Nicollet (originaire de Cluses) propose une série d´adaptations au règlement proposé par le Conseil Municipal.
Nombreuses sont ensuite les échanges entre l’état et la commune de Chamonix qui se solderont par le fameux « Manifeste de la Royale Chambre des Comptes (CAD L’Etat) finalisant un règlement structuré qui voit le jour officiellement le 9 mai 1823 avec 58 articles (dans le règlement du conseil municipal de 1821 il y en avait dix) plus la création d’une caisse de prévoyance.
C’est l’annonce officielle de la création de la Compagnie des Guides de Chamonix.
Ainsi, le tour de rôle proposé en 1821 est maintenu avec des détails d’organisation précis :
On instaure définitivement un guide chef.
On exige la tenue d’un registre avec liste des guides, des courses mais aussi des clients.
On dresse une liste x 50 guides de Chamonix que l’on divise en deux classes.
On impose des tarifs pour l’ensemble des courses .
On crée catégorie d’aspirants, de même une liste de 24 porteurs (mais qui ne fait pas partie des guides).
.Finalement un règlement strict mais plutôt favorable aux guides.
Parmi ces diverses catégories de règlement deux sont parmi les plus importantes car toujours d’ usage 200 ans après.
1erLa tragédie de l’accident du docteur Hamel en 1820 a fait prendre conscience aux autorités et à l’ensemble de la communauté chamoniarde de la fragilité de la relation « guide-client » L e guide est il le serviteur du client? Un client fortuné a-t-il tous les droits ? Ce sera une des décisions majeures du règlement à venir de 1823. On précise ainsi que la décision de faire demi-tour doit être décidé à la majorité des voix entre les voyageurs et les guides et comme les guides sont toujours plus nombreux …
Le guide sera donc seul juge de la décision à prendre en cas de risque.
Une première décision écrite dans le marbre du 1er règlement : majeur pour la profession.
2e le vice intendant Gaspard Sébastien Brunet aidé et « poussé » par Joseph Nicolas Nicollet, savoyard, prend conscience de la dangerosité de ce nouveau métier. Celui-ci conscient des drames que peuvent causer un accident ou une disparition se préoccupe de l’intérêt du guide et suggère d’intégrer «les amendes et les rétributions annuelles pour former « une masse qui serait une sorte d’épargne et de prévoyance au moyen de laquelle on pourrait venir au secours des guides frappés de quelques malheurs » c’est ainsi qu’est imaginé un fonds de secours qui à l’origine proposait un reversement à la commune alors que dans ce nouveau règlement l’État propose un reversement aux guides .
Décision incroyablement innovante pour l’époque. C’est l’origine de la création du premier fonds de solidarité toujours d’actualité de nos jours 200 ans après! Mais qui fut proposé par l’Etat !
C’est ainsi que l’on peut considérer que l’idée d’un règlement pour contrôler les guides est né en 1821 mais qu’il sera concrétisé par l’Etat en 1823.
Sources : Archives départementales . Archives Association des Amis du Vieux Chamonix